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geant de matières bilieuses, comme dans les affections gastriques, témoigne si évidemment le besoin de s'en délivrer.

Nous pourrions prouver, par la citation d'un bien plus grand nombre de maladies, que l'empirisme a aussi sa racine au berceau même de la pratique médicale; mais le fait n'est pas contesté. Loin de là, car au contraire on a exagéré cette vérité en affirmant que les anciens médecins n'ont obéi qu'aux inspirations instinctives de l'empirisme, pendant qu'on fait un titre de gloire à la médecine contemporaine de n'être guidée que par les lumières du rationalisme. Cette assertion est fausse à deux égards: le rationalisme médical appartient à tous les âges, et parmi les avantages qui nous distinguent des médecins des premiers temps, les plus précieux sont ceux qui nous permettent d'étendre notre pratique beaucoup plus loin dans le champ de l'empirisme. En faut-il des preuves? Combien n'avons-nous pas de traitemens victorieux dont nos devanciers ignoraient le prix ! Le mercure dans la syphilis, le quinquina dans les fièvres d'accès, l'iode dans les affections scrofuleuses, etc., sont des agens dont rien n'égale la supériorité. Quel est le raisonnement, la doctrine satisfaisante d'après laquelle on peut se rendre raison de leurs succès? en un mot, en quoi le rationalisme nous donne-t-il le secret de leur efficacité prodigieuse? Convenons donc de bonne foi que les traitemens dont ces médicamens sont la base rentrent dans l'empirisme, et que leur mode d'action ne s'explique pas différemment que l'action de l'opium: Il guérit parce qu'il guérit : c'est là l'unique explication de la puissance de tous les traitemens spécifiques. Sommes-nous à plaindre ou à envier de posséder un plus grand nombre de ces pratiques empiriques que n'en avaient les anciens? La réponse se trouve dans les tables comparatives de la mortalité des populations avant et depuis les acquisitions du mercure, du quinquina et de la vaccine. Ainsi, jadis comme aujourd'hui, l'empirisme et le rationalisme ont marché sur la même ligne. Seulement le progrès des temps a agrandi simultanément leurs deux domaines.

C'est par conséquent une grossière erreur de mettre sans cesse en opposition, dans la pratique de la médecine, l'empirisme et le rationalisme. Ils sont nés à la même époque, ils se sont développés parallèlement dans la succession des siècles. Cela ne suffirait-il pas déjà pour prouver qu'il ne peut exister de conflit entre eux, puisque nous les voyons toujours et partout se donner la main? Nous irons plus loin, et nous dirons que c'est par leur accord que la thérapeutique triomphe, qu'ils sont les élémens constitutifs de l'art, et qu'enfin c'est dans leur union seule que gît la plus grande perfection possible de la pratique. Dans quelles divagations ne se perd pas la thérapeutique, et plus générale

ment la médecine, lorsque l'une ou l'autre de ces bases vient à lui manquer, ou que, par une interprétation malentendue de l'art médical, l'un des deux aspire à primer sur l'autre? Essayons de donner quelques preuves de ces écarts, et de démontrer jusqu'à quel point l'empirisme et le rationalisme sont inséparables.

D'abord, on peut établir que l'empirisme seul est impraticable, à moins de supposer que la médecine soit confiée au jeu d'un automate. il n'y a au monde qu'une machine capable de céder rigoureusement à l'impulsion qui la meut, et de tourner sans cesse dans les mêmes sens avec une régularité invariable. Dès l'instant où c'est un être vivant et pensant qui est en jeu, il est impossible que sa raison ne l'affranchisse pas des lois de tout aveugle empirisme. Cette raison qui intervient alors sera plus ou moins droite, il est vrai, mais elle ne peut jamais s'abstraire l'empirisme absolu ne peut donc exister, c'est une véritable chimère.

Le rationalisme se dégage plus volontiers de toute alliance étrangère : aussi nous est-il permis de le considérer dans un état à peu près isolé. Eh bien! voyez où il a conduit la thérapeutique, lorsqu'elle a été assez folle pour s'y abandonner! Quelle multitude de systèmes n'a-t-il pas enfantés! Les annales de la médecine en font foi, et il est inutile ici d'en offrir le tableau complet. Qu'avons-nous vu dans ces derniers temps? Chaque système donner une interprétation différente des phénomènes pathologiques; chacun en tirer autant d'indications différentes à remplir; chacun enfin expliquer à sa manière l'action des agens curatifs. Prenons au hasard tel phénomène morbide, la première indication venue pour l'emploi d'une substance pharmaceutique quelconque, et examinons l'idée que les systématiques cherchent à s'en former, ce sera merveille si deux d'entre eux tombent d'accord ensemble. Ainsi l'épigastralgie passe, tantôt pour un signe de gastrite, tantôt pour une simple névralgie, d'autres fois pour le symptôme d'un état bilieux, etc. Les indications découlent naturellement des significations variées imposées aux phénomènes pathologiques. Sous le rapport du mode d'agir des médicamens les plus vulgaires, c'est toujours la même dissidence. Gela est si vrai que, selon que vous en jugerez d'après l'un ou l'autre de ces systèmes, les émétiques et les purgatifs, par exemple, seront réputés tour à tour des antiphlogistiques, comme dans l'opinion de Brown, ou des stimulans, d'après M. Broussais, ou des contre-stimulans, suivant Rasori, ou bien ils seront appelés pour guérir les vomissemens et les selles, ainsi que le veulent les homoeopathistes, d'après leur principe similia similibus curantur. Enfin un dernier système, que nous nommerons arithmétique, renchérit sur tous les autres; car il établira, quand vous voudrez, par des raisonnemens numériques

auxquels vous n'aurez rien à répliquer, que ces agens sont absolument inefficaces, et ne produisent aucun effet. Telles sont les œuvres du rationalisme, lorsqu'il ne se trouve pas rectifié par les données de l'expérience.

Il y a long-temps déjà que les bons esprits ont été frappés de la nécessité de combiner en médecine l'empirisme avec le rationalisme. Cette combinaison, fondée à la fois sur la marche de l'esprit humain et sur la nature de l'objet de la thérapeutique, représente une méthode d'observation et de pratique que l'on appelle empirisme raisonné. Il consiste, en pathologie, à appliquer non-seulement nos yeux et nos oreilles aux phénomènes des maladies, mais à user concurremment des yeux de notre esprit, pour nous élever, à l'aide de l'analyse et des autres procédés rationnels, au-delà de l'expression extérieure ou sensible de l'état morbide. En thérapeutique, cette méthode consiste également à s'éclairer des données de l'expérience sur la valeur relative des indications et sur le mode d'action des substances médicinales, sans refuser de se servir de sa raison balancer les caracpour tères de ces indications, et calculer les chances de l'utilité de ces remèdes. Soit une pneumorie que nous supposons bien déterminée; il est question de tracer les indications qu'elle présente et de formuler en conséquence un traitement approprié. Où allons-nous chercher les indications thérapeutiques? Évidemment nous les puisons simultanément, et dans la vue des phénomènes qui nous frappent, et dans l'analogie que nous leur reconnaissons avec des phénomènes que l'expérience a rattachés à la présence d'une pneumonie. Ceci est à la fois du raisonnement et de l'empirisme : c'est du raisonnement, puisque nous analysons par l'observation le fait actuel, et que nous le comparons avec les faits analogues; c'est de l'empirisme, puisque nous nous en rapportons au sentiment d'une expérience répétée, pour attacher à ce tableau pathologique l'idée précise d'une inflammation du poumon. Remarquons bien que notre observation personnelle ne nous suffirait pas à dire c'est une inflammation de poumon, mais qu'elle doit nécessairement être sanctionnée par la pratique de nos devanciers. La pneumonie ainsi reconnue, l'indication des antiphlogistiques est une conséquence logique naturelle que l'expérience des siècles ou l'empirisme s'empresse de justifier. Nous pourrions pousser plus loin cette application et multiplier indéfiniment nos preuves; mais ce que nous avons dit suffit, ce nous semble, pour nous autoriser à conclure ce que nous avons mis en principe que l'empirisme et le rationalisme ne peuvent se passer l'un de l'autre, et qu'ils sont les fondemens de la pathologie, comme les clémens essentiels de la thérapeutique.

DE LA COQUELUCHE ET DE SON TRAITEMENT.

Pendant ces dernières années, quand on travaillait presque exclusivement dans le sens de la localisation des maladies, il était conséquent à la doctrine en vogue, de chercher à confondre la coqueluche avec les bronchites ordinaires. De ce point de vue, en effet, ces maladies ont les plus grandes analogies: début semblable, même siége matériel, et matériellement aussi les mêmes altérations; de sorte que, pour ceux qui ne voudraient voir les maladies que dans les altérations grossières des organes, il y aurait peu de différences tranchées entre ces deux sortes d'affections. Mais, si on les examine de plus près et physiologiquement, on trouve facilement entre eux de grandes différences. Il n'est pas même besoin, pour cela, de se perdre en hypothèses sur leur nature; il suffit de comparer leurs phénomènes les plus extérieurs, les plus saillans.

Ainsi les bronchites, presque toujours accompagnées des signes d'une affection générale bien tranchés et réguliers, ont une marche franche, et, pour ainsi dire, déterminable à l'avance depuis leur origine jusqu'à leur terminaison; pendant les intervalles de la toux, la poitrine, dans les cas ordinaires, reste pendant long-temps en proie à une souffrance peu prononcée, mais continue; la thérapeutique en est simple. De légères évacuations sanguines au début, et quand la maladie est franchement inflammatoire, dans le sens qu'on donne ordinairement à ce mot, un régime et des boissons adoucissantes pendant la première semaine, vers la fin, quelques substances aromatiques, voilà ce qui en fait tous les frais. Il est très-rare qu'on ait besoin d'ajouter quelque chose à cette thérapeutique innocente et presque toujours heureuse. La coqueluche, au contraire, n'est pas le plus souvent accompagnée de phénomènes généraux un peu prononcés; ses accès en sont séparés par une intermittence complète des accidens; ses quintes, fatigantes et plus rares que celles de la toux des bronchites, sont caractérisées par une suffocation extrême bientôt suivie d'une respiration facile, qu'une suffocation nouvelle et tout aussi violente va bientôt remplacer. La marche de la coqueluche la sépare peut-être plus nettement encore que tous les autres caractères de la bronchite simple. Elle n'a pas de tendance marquée à une fin; elle s'éternise, pour ainsi dire, sans changer de forme, depuis son apparition jusqu'à la guérison. Dans sa thérapeutique, nous voyons très-souvent invoquer en vain tour à tour les moyens les plus rationnels et les plus bizarres de la pharmacologie. Si les formes et l'ensemble des phénomènes des bronchites simples, indiquent une af

fection de nature inflammatoire de la membrane muqueuse des bronches, on ne peut nier que les formes et les phénomènes de la coqueluche indiquent un trouble des fonctions du système nerveux, un peu analogue à celui qui a lieu dans certains cas d'asthme, où il n'y a point dans les organes d'altérations naturelles suffisantes pour expliquer en aucune façon les désordres fonctionnels observés. Sans doute, il y a loin de cette observation vague à une réalité constatée; mais, quelque vague qu'elle soit, cette observation est importante, parce qu'elle met d'accord la pratique et la théorie, en démontrant que, s'il y a de grandes différences dans les résultats du traitement pour une bronchite ou une angine simple et une coqueluche, c'est que ce sont des maladies essentiellement différentes, quoique leur signe apparent soit le même.

Ces sortes de conjectures, quelque fondées qu'elles paraissent, en y réfléchissant bien, ne suffiraient certainement pas pour indiquer un traitement différent dans les deux maladies, si le même traitement, empiriquement employé, réussissait également bien; mais elles peuvent expliquer, jusqu'à un certain point, comment il arrive que le même traitement ne réussit pas, quand il est d'ailleurs bien constaté que les choses sont ainsi. Eh! qui ne sait que le traitement ordinairement le plus heureux contre la bronchite échoue complétement contre la coqueluche ? Qui ne sait que c'est le plus souvent à défaut d'efficacité de ce traitement que les malades se jettent dans des essais le plus souvent peu dangereux, mais le plus souvent aussi sans succès, jusqu'à ce qu'enfin la maladie s'en aille d'elle-même, après qu'on a épuisé toutes les ressources de l'arsenal thérapeutique?

Cette maladie, au reste, est si fatigante pour les enfans, elle est si pénible pour les adultes, chez qui d'ailleurs elle n'est pas exempte de danger, qu'on ne s'étonne pas des tentatives qui ont été faites pour trouver un bon moyen de la traiter. Il est certainement peu d'affections, même parmi les plus incurables, contre lesquelles on ait essayé un plus grand nombre de moyens : purgatifs, vomitifs sous les formes les plus variées, spécifiques de toutes les sortes, et toute cette immense classe de moyens hétérogènes décorés du nom d'antispasmodiques, et dans ces derniers temps les antiphlogistiques, tout a été employé avec profusion. A Dieu ne plaise qu'il faille répéter tout ce qui a été dit et fait à ce sujet on ne tarirait pas; et il vaut mieux détourner les yeux de cette opulente misère, pour parler des vraies ressources que nous possédons.

Je ne connais rien qui réussisse aussi bien contre la coqueluche, c'està-dire qui la guérisse aussi sûrement et aussi promptement qu'un changement de lieu d'habitation. Le hasard m'a fait voir des enfans et même

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