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vertu.

C'est une très-bonne loi dans une république | anciennes, c'est ordinairement les ramener à la commerçante que celle qui donne à tous les enfants une portion égale dans la succession des pères. Il se trouve par là que, quelque fortune que le père ait faite, ses enfants, toujours moins riches que lui, sont portés à fuir le luxe, et à travailler comme lui. Je ne parle que des républiques commerçantes; car, pour celles qui ne le sont pas, le législateur a bien d'autres règlements à faire 2.

Il y avait, dans la Grèce, deux sortes de républiques les unes étaient militaires, comme Lacédémone; d'autres étaient commerçantes, comme Athènes. Dans les unes on voulait que les citoyens dans les autres on cherchait à donfussent oisifs; ner de l'amour pour le travail. Solon fit un crime de l'oisiveté, et voulut que chaque citoyen rendît compte de la manière dont il gagnait sa vie. En effet, dans une bonne démocratie, où l'on ne doit dépenser que pour le nécessaire, chacun doit l'avoir; car de qui le recevrait-on?

CHAPITRE VII.

De plus, s'il y a eu quelque révolution, et que l'on ait donné à l'État une forme nouvelle, cela n'a guère pu se faire qu'avec des peines et des travaux infinis, et rarement avec l'oisiveté et des mœurs corrompues. Ceux mêmes qui ont fait la révolution ont voulu la faire goûter; et ils n'ont guère pu y réussir que par de bonnes lois. Les institutions anciennes sont donc ordinairement des corrections; et les nouvelles, des abus. Dans le cours d'un long gouvernement, on va au mal par une pente insensible, et on ne remonte au bien que par un effort.

On a douté si les membres du sénat dont nous parlons doivent être à vie, ou choisis pour un temps. Sans doute qu'ils doivent être choisis pour la vie, comme cela se pratiquait à Rome, à Lacédémone 2, et à Athènes même. Car il ne faut pas confondre ce qu'on appelait le sénat à Athènes, qui était un corps qui changeait tous les trois mois, avec l'aréopage, dont les membres étaient établis pour la vie comme des modèles perpétuels.

Maxime générale : dans un sénat fait pour être

Autres moyens de favoriser le principe de la démocratie. la règle, et, pour ainsi dire, le dépôt des mœurs,

On ne peut pas établir un partage égal des terres dans toutes les démocraties. Il y a des circonstances où un tel arrangement serait impraticable, dangereux, et choquerait même la constitution. On n'est pas toujours obligé de prendre les voies extrêmes. Si l'on voit, dans une démocratie, que ce partage, qui doit maintenir les mœurs, n'y convienne pas, il faut avoir recours à d'autres moyens.

Si l'on établit un corps fixe qui soit par lui-même la règle des mœurs, un sénat où l'âge, la vertu, la gravité, les services donnent entrée; les sénateurs, exposés à la vue du peuple comme les simulacres des dieux, inspireront des sentiments qui seront portés dans le sein de toutes les familles.

Il faut surtout que ce sénat s'attache aux institutions anciennes, et fasse en sorte que le peuple et les magistrats ne s'en départent jamais.

à

Il y a beaucoup à gagner, en fait de mœurs, garder les coutumes anciennes. Comme les peuples corrompus font rarement de grandes choses; qu'ils n'ont guère établi de sociétés, fondé de villes, donné de lois; et qu'au contraire ceux qui avaient des mœurs simples et austères ont fait la plupart des établissements; rappeler les hommes aux maximes

C'est une loi naturelle dans tous les gouvernements. (H.) 2 On y doit borner beaucoup les dots des femmes.

les sénateurs doivent être élus pour la vie; dans un sénat fait pour préparer les affaires, les sénateurs peuvent changer.

L'esprit, dit Aristote, vieillit comme le corps. Cette réflexion n'est bonne qu'à l'égard d'un magistrat unique, et ne peut être appliquée à une assemblée de sénateurs.

Outre l'aréopage, il y avait à Athènes des gardiens des mœurs, et des gardiens des lois 3. A Lacédémone, tous les vieillards étaient censeurs. A Rome, deux magistrats particuliers avaient la censure. Comme le sénat veille sur le peuple, il faut que des censeurs aient les yeux sur le peuple et sur le sénat. Il faut qu'ils rétablissent dans la république tout ce qui a été corrompu; qu'ils notent la tiédeur, jugent les négligences, et corrigent les fautes, comme les lois punissent les crimes.

La loi romaine qui voulait que l'accusation de l'adultère fût publique était admirable pour maintenir la pureté des mœurs : elle intimidait les fem

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mes; elle intimidait aussi ceux qui devaient veiller

sur elles.

Rien ne maintient plus les mœurs qu'une extrême subordination des jeunes gens envers les vieillards. Les uns et les autres seront contenus, ceux-là par le respect qu'ils auront pour les vieillards, et ceux-ci par le respect qu'ils auront pour eux-mêmes.

Rien ne donne plus de force aux lois que la subordination extrême des citoyens aux magistrats. « La grande différence que Lycurgue a mise entre à Lacédémone et les autres cités, dit Xénophon, ⚫ consiste en ce qu'il a surtout fait que les citoyens a obéissent aux lois : ils courent lorsque le magistrat les appelle. Mais à Athènes un homme riche ⚫ serait au désespoir que l'on crût qu'il dépendît du « magistrat.»

L'autorité paternelle est encore très-utile pour maintenir les mœurs. Nous avons déjà dit que, dans une république, il n'y a pas une force si réprimante que dans les autres gouvernements. Il faut donc que les lois cherchent à y suppléer: elles le font par l'autorité paternelle.

A Rome, les pères avaient droit de vie et de mort sur leurs enfants. A Lacédémone, chaque père avait droit de corriger l'enfant d'un autre.

La puissance paternelle se perdit à Rome avec la république. Dans les monarchies, où l'on n'a que faire de mœurs si pures, on veut que chacun vive sous la puissance des magistrats.

Les lois de Rome, qui avaient accoutumé les jeunes gens à la dépendance, établirent une longue minorité. Peut-être avons-nous eu tort de prendre cet usage dans une monarchie on n'a pas besoin de tant de contrainte.

Cette même subordination dans la république y pourrait demander que le père restât pendant sa vie le maître des biens de ses enfants, comme il fut réglé à Rome. Mais cela n'est pas de l'esprit de la monarchie.

CHAPITRE VIII.

Comment les lois doivent se rapporter au principe
du gouvernement dans l'aristocratie.

Si dans l'aristocratie le peuple est vertueux, on y jouira à peu près du bonheur du gouvernement po

République de Lacedemone.

* On peut voir dans l'histoire romaine avec quel avantage pour la république on se servit de cette puissance. Je ne parle rai que du temps de la plus grande corruption. Aulus Fulvius s'e ait mis en chemin pour aller trouver Catilina; son père le rappela, et le fit mourir. (SALLUSTE, de Bello Catil.) Plusieurs autres citoyens firent de même. (DION. liv. XXXVII.)

pulaire, et l'État deviendra puissant. Mais, comme il est rare que là où les fortunes des hommes sont si inégales il y ait beaucoup de vertu, il faut que les lois tendent à donner, autant qu'elles peuvent, un esprit de modération, et cherchent à rétablir cette égalité que la constitution de l'État ôte nécessairement.

L'esprit de modération est ce qu'on appelle la vertu dans l'aristocratie : il y tient la place de l'esprit d'égalité dans l'État populaire.

Si le faste et la splendeur qui environnent les rois font une partie de leur puissance, la modestie et la simplicité des manières font la force des nobles aristocratiques 1. Quand ils n'affectent aucune distinction, quand ils se confondent avec le peuple, quand ils sont vêtus comme lui, quand ils lui font partager tous leurs plaisirs, il oublie sa faiblesse.

Chaque gouvernement a sa nature et son principe. Il ne faut donc pas que l'aristocratie prenne la nature et le principe de la monarchie, ce qui arriverait, si les nobles avaient quelques prérogatives personnelles et particulières, distinctes de celles de leur corps. Les priviléges doivent être pour le sénat, et le simple respect pour les séna

teurs.

Il y a deux sources principales de désordres dans les États aristocratiques : l'inégalité extrême entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés; et la même inégalité entre les différents membres du corps qui gouverne. De ces deux inégalités résultent des haines et des jalousies que les lois doivent prévenir ou arrêter.

La première inégalité se trouve principalement lorsque les priviléges des principaux ne sont honorables que parce qu'ils sont honteux au peuple. Telle fut à Rome la loi qui défendait aux patriciens de s'unir par mariage aux plébéiens : ce qui n'avait d'autre effet que de rendre, d'un côté, les patriciens plus superbes, et, de l'autre, plus odieux. Il faut voir les avantages qu'en tirèrent les tribuns dans leurs harangues.

Cette inégalité se trouvera encore, si la condition des citoyens est différente par rapport aux subsides; ce qui arrive de quatre manières : lorsque les nobles se donnent le privilége de n'en point payer; lorsqu'ils

De nos jours, les Vénitiens, qui, à bien des égards, se sont conduits très-sagement, décidèrent, sur une dispute entre un noble vénitien et un gentilhomme de terre ferme pour une préséance dans une église, que, hors de Venise, un noble vénitien n'avait point de prééminence sur un autre citoyen.

> Elle fut mise par les décemvirs dans les deux dernières tables. Voyez Denys d'Halicarnasse, liv. X.

font des fraudes pour s'en exempter, lorsqu'ils les | remarquer, tombent dans une faiblesse dont les appellent à eux, sous prétexte de rétributions ou d'ap- voisins sont surpris, et qui étonne les citoyens pointements pour les emplois qu'ils exercent: enfin mêmes. quand ils rendent le peuple tributaire, et se partagent les impôts qu'ils lèvent sur eux. Ce dernier cas est rare; une aristocratie, en cas pareil, est le plus dur de tous les gouvernements.

Pendant que Rome inclina vers l'aristocratie, elle évita très-bien ces inconvénients. Les magistrats ne tiraient jamais d'appointements de leur magistrature. Les principaux de la république furent taxés comme les autres; ils le furent même plus, et quelquefois ils le furent seuls. Enfin, bien loin de se partager les revenus de l'État, tout ce qu'ils purent tirer du trésor public, tout ce que la fortune leur envoya de richesses, ils le distribuèrent au peuple pour se faire pardonner leurs honneurs 2.

C'est une maxime fondamentale, qu'autant que les distributions faites au peuple ont de pernicieux effets dans la démocratie, autant en ont-elles de bons dans le gouvernement aristocratique. Les premières font perdre l'esprit de citoyen, les autres y ramènent.

Il faut que les lois leur défendent aussi le commerce des marchands si accrédités feraient toutes sortes de monopoles. Le commerce est la profession des gens égaux; et, parmi les États despotiques, les plus misérables sont ceux où le prince est marchand.

Les lois de Venise défendent aux nobles le commerce, qui pourrait leur donner, même innocemment, des richesses exorbitantes.

Les lois doivent employer les moyens les plus efficaces pour que les nobles rendent justice au peuple. Si elles n'ont point établi un tribun, il faut qu'elles soient un tribun elles-mêmes.

Toute sorte d'asile contre l'exécution des lois perd l'aristocratie; et la tyrannie en est tout près.

Elles doivent mortifier, dans tous les temps, l'orgueil de la domination. Il faut qu'il y ait, pour un temps ou pour toujours, un magistrat qui fasse trembler les nobles, comme les éphores à Lacédémone, et les inquisiteurs d'État à Venise; magistratures qui ne sont soumises à aucunes formalités. Ce gouvernement a besoin de ressorts bien violents. Une bouche de pierre 2 s'ouvre à tout délateur à Venise vous diriez que c'est celle de la tyrannie. Ces magistratures tyranniques, dans l'aristocra

Si l'on ne distribue point les revenus au peuple, il faut lui faire voir qu'ils sont bien administrés : les lui montrer, c'est en quelque manière l'en faire jouir. Cette chaîne d'or que l'on tendait à Venise, les richesses que l'on portait à Rome dans les triom-tie, ont du rapport à la censure de la démocratie3, phes, les trésors que l'on gardait dans le temple de Saturne, étaient véritablement les richesses du peuple.

Il est surtout essentiel, dans l'aristocratie, que les nobles ne lèvent pas les tributs. Le premier ordre de l'État ne s'en mêlait point à Rome : on en chargea le second; et cela même eut dans la suite de grands inconvénients. Dans une aristocratie où les nobles lèveraient les tributs, tous les particuliers seraient à la discrétion des gens d'affaires : il n'y aurait point de tribunal supérieur qui les corrigeât. Ceux d'entre eux préposés pour ôter les abus aimeraient mieux jouir des abus. Les nobles seraient comme les princes des États despotiques, qui confisquent les biens de qui il leur plaît.

Bientôt les profits qu'on y ferait seraient regardés comme un patrimoine que l'avarice étendrait à sa fantaisie. On ferait tomber les fermes; on réduirait à rien les revenus publics. C'est par là que quelques États, sans avoir reçu d'échec qu'on puisse

1 Comme dans quelques aristocraties de nos jours. Rien n'affaiblit tant l'État.

2 Voyez, dans Strabon, liv. XIV, comment les Rhodiens se conduisirent à cet égard.

qui, par sa nature, n'est pas moins indépendante. En effet, les censeurs ne doivent point être recherchés sur les choses qu'ils ont faites pendant leur censure: il faut leur donner de la confiance, jamais du découragement. Les Romains étaient admirables on pouvait faire rendre à tous les magistrats 4 raison de leur conduite, excepté aux censeurs 5.

Deux choses sont pernicieuses dans l'aristocratie : la pauvreté extrême des nobles, et leurs richesses exorbitantes. Pour prévenir leur pauvreté il faut

I AMELOT DE LA HOUSSAYE, du Gouvernement de Venise,

partie III. La loi Claudia défendait aux sénateurs d'avoir en mer aucun vaisseau qui tint plus de quarante muids. (TITELIVE, liv. XXI.)

2 Les délateurs y jettent leurs billets.

3 Leur censure est secrète, celle des Romains était publique. (H.)

4 Voyez Tite-Live, liv. XLIX. Un censeur ne pouvait pas même être troublé par un censeur : chacun faisait sa note* sans prendre l'avis de son collègue; et quand on fit autrement,

la censure fut, pour ainsi dire, renversée.

5 A Athènes, les logistes, qui faisaient rendre compte à tous les magistrats, ne rendaient point compte eux-mêmes.

⚫ Chacun faisait sa note comme il l'entendait; mais, pour qu'elle eût son effet, il fallait qu'elle fût consentie par l'autre censeur. (Caév.)

surtout les obliger de bonne heure à payer leurs dettes. Pour modérer leurs richesses, il faut des dispositions sages et insensibles; non pas des confiscations, des lois agraires, des abolitions de dettes, qui font des maux infinis.

Les lois doivent ôter le droit d'aînesse entre les nobles, afin que, par le partage continuel des successions, les fortunes se remettent toujours dans l'égalité.

Il ne faut point de substitutions, de retraits lignagers, de majorats, d'adoptions. Tous les moyens inventés pour perpétuer la grandeur des familles dans les États monarchiques ne sauraient être d'usage dans l'aristocratie 2.

Quand les lois ont égalisé les familles, il leur reste à maintenir l'union entre elles. Les différends des nobles doivent être promptement décidés: sans cela, les contestations entre les personnes deviennent contestations entre les familles. Des arbitres peuvent terminer les procès, ou les empêcher de naître.

Enfin il ne faut point que les lois favorisent les distinctions que la vanité met entre les familles, sous prétexte qu'elles sont plus nobles ou plus anciennes cela doit être mis au rang des petitesses des particuliers.

On n'a qu'à jeter les yeux sur Lacédémone, on verra comment les éphores surent mortifier les faiblesses des rois 3, celles des grands et celles du peuple.

CHAPITRE IX.

Comment les lois sont relatives à leur principe dans la monarchie.

L'honneur étant le principe de ce gouvernement, les lois doivent s'y rapporter.

Il faut qu'elles y travaillent à soutenir cette noblesse, dont l'honneur est pour ainsi dire l'enfant et le père.

Il faut qu'elles la rendent héréditaire; non pas pour être le terme entre le pouvoir du prince et la faiblesse du peuple, mais le lien de tous les deux. Les substitutions, qui conservent les biens dans

Cela est ainsi établi à Venise. (AMELOT DE LA HOUSSAYE p. 30 et 31.)

Il semble que l'objet de quelques aristocraties soit moins de maintenir l'État que ce qu'elles appellent leur noblesse.

3 Ce n'étaient pas des rois que les prétendus princes de Sparte; c'étaient des magistrats subordonnés, des généraux d'armée qui déposaient presque tout leur pouvoir en rentrant dans la ville. Les vrais souverains étaient les éphores, puisque la royauté elle-même fléchissait sous eux. (LINGUET, Disc. prélim. de la Théorie des Lois civiles.)

les familles, seront très-utiles dans ce gouvernement, quoiqu'elles ne conviennent pas dans les autres.

Le retrait lignager rendra aux familles nobles les terres que la prodigalité d'un parent aura alié

nées.

Les terres nobles auront des priviléges, comme les personnes. On ne peut pas séparer la dignité du monarque de celle du royaume; on ne peut guère séparer non plus la dignité du noble de celle de son fief.

Toutes ces prérogatives seront particulières à la noblesse, et ne passeront point au peuple, si l'on ne veut choquer le principe du gouvernement, si l'on ne

veut diminuer la force de la noblesse et celle du peuple.

Les substitutions gênent le commerce; le retrait lignager fait une infinité de procès nécessaires; et tous les fonds du royaume vendus sont au moins, en quelque façon, sans maître pendant un an. Des prérogatives attachées à des fiefs donnent un pouvoir très à charge à ceux qui les souffrent. Ce sont des inconvénients particuliers de la noblesse, qui disparaissent devant l'utilité générale qu'elle procure. Mais, quand on les communique au peuple, on choque inutilement tous les principes.

On peut, dans les monarchies, permettre de laisser la plus grande partie de ses biens à un seul de ses enfants cette permission n'est même bonne que là.

Il faut que les lois favorisent tout le commerce que la constitution de ce gouvernement peut donner, afin que les sujets puissent, sans périr, satisfaire aux besoins toujours renaissants du prince et de sa cour.

Il faut qu'elles mettent un certain ordre dans la manière de lever les tributs, afin qu'elle ne soit pas plus pesante que les charges mêmes.

La pesanteur des charges produit d'abord le travail; le travail, l'accablement; l'accablement, l'esprit de paresse.

CHAPITRE X.

De la promptitude de l'exécution dans la monarchie.

Le gouvernement monarchique a un grand avantage sur le républicain : les affaires étant menées par un seul, il y a plus de promptitude dans l'exécu、 tion. Mais comme cette promptitude pourrait dégé

Elle ne le permet qu'au peuple. Voyez la loi troisième, au code de Comm. et Mercatoribus, qui est pleine de bon

sens.

nérer en rapidité, les lois y mettront une certaine lenteur. Elles ne doivent pas seulement favoriser la nature de chaque constitution, mais encore remédier aux abus qui pourraient résulter de cette même

nature.

Le cardinal de Richelieu veut que l'on évite dans les monarchies les épines des compagnies, qui forment des difficultés sur tout. Quand cet homme n'aurait pas eu le despotisme dans le cœur, il l'aurait eu dans la tête.

Les corps qui ont le dépôt des lois n'obéissent jamais mieux que quand ils vont à pas tardifs, et qu'ils apportent dans les affaires du prince cette réflexion qu'on ne peut guère attendre du défaut de Jumières de la cour sur les lois de l'État, ni de la précipitation de ses conseils 2.

Que serait devenue la plus belle monarchie du monde, si les magistrats, par leurs lenteurs, par leurs plaintes, par leurs prières, n'avaient arrêté le cours des vertus mêmes de ses rois, lorsque ces monarques, ne consultant que leur grande âme, auraient voulu récompenser sans mesure des services rendus avec un courage et une fidélité aussi sans mesure?

CHAPITRE XI.

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narchies, les choses sont très-rarement portées à commet sont extrêmes; au lieu que, dans les mol'excès. Les chefs craignent pour eux-mêmes ; ils ont peur d'être abandonnés; les puissances interméprenne trop le dessus. Il est rare que les ordres de diaires dépendantes ne veulent pas que le peuplé l'État soient entièrement corrompus. Le prince tient à ces ordres; et les séditieux, qui n'ont ni la volonté ni l'espérance de renverser l'État, ne peuvent ni ne veulent renverser le prince.

Dans ces circonstances, les gens qui ont de la satempéraments, on s'arrange, on se corrige, les lois gesse et de l'autorité s'entremettent; on prend des reprennent leur vigueur et se font écouter.

Aussi toutes nos histoires sont-elles pleines de potiques sont pleines de révolutions sans guerres guerres civiles sans révolutions; celles des États desciviles.

Ceux qui ont écrit l'histoire des guerres civiles de quelques États, ceux mêmes qui les ont fomentées, laissent à de certains ordres pour leur service leur prouvent assez combien l'autorité que les princes doit être peu suspecte, puisque, dans l'égarement même, ils ne soupiraient qu'après les lois et leur devoir, et retardaient la fougue et l'impétuosité des factieux plus qu'ils ne pouvaient la servir 2.

Le cardinal de Richelieu, pensant peut-être qu'il avait trop avili les ordres de l'État, a recours, pour le soutenir, aux vertus du prince et de ses minisil n'y a qu'un ange qui puisse avoir tant d'attention, tres 3; et il exige d'eux tant de choses, qu'en vérité tant de lumières, tant de fermeté, tant de connais

De l'excellence du gouvernement monarchique. Le gouvernement monarchique a un grand avantage sur le despotique3. Comme il est de sa nature qu'il y ait sous le prince plusieurs ordres qui tiennent à la constitution, l'État est plus fixe, la constitution plus inébranlable, la personne de ceux qui gouver-sances; et on peut à peine se flatter que d'ici à la disnent plus assurée.

Cicéron 4 croit que l'établissement des tribuns de Rome fut le salut de la république. << En effet, « dit-il, la force du peuple qui n'a point de chef « est plus terrible. Un chef sent que l'affaire roule << sur lui, il y pense; mais le peuple, dans son impétuosité, ne connaît point le péril où il se jette. On peut appliquer cette réflexion à un État despotique qui est un peuple sans tribuns; et à une monarchie où le peuple a en quelque façon des tribuns.

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En effet, on voit partout que, dans les mouvements du gouvernement despotique, le peuple, mené par lui-même, porte toujours les choses aussi loin qu'elles peuvent aller; tous les désordres qu'il

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solution des monarchies, il puisse y avoir un prince et des ministres pareils.

lice sont plus heureux que ceux qui, sans règle et Comme les peuples qui vivent sous une bonne posans chefs, errent dans les forêts; aussi les monarques qui vivent sous les lois fondamentales de leur qui n'ont rien qui puisse régler le cœur de leurs État sont-ils plus heureux que les princes despotiques peuples, ni le leur.

Voyez ci-dessus la première note du liv. II, chap. IV.
2 Mémoires du cardinal de Retz, et autres histoires.
3 Testament politique.

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