Images de page
PDF
ePub

ment après les délais passés, c'étaient les pairs du seigneur qu'on appelait de défaute de droit devant le suzerain; et, s'ils succombaient, ils payaient une amende à leur seigneur1. Celui-ci ne pouvait porter aucun secours à ses hommes; au contraire, il saisissait leur fief, jusqu'à ce qu'ils lui eussent payé chacun une somme de soixante livres.

2° Lorsque la défaute venait de la part du seigneur, ce qui arrivait lorsqu'il n'y avait pas assez d'hommes à sa cour pour faire le jugement, ou lorsqu'il n'avait pas assemblé ses hommes ou mis quelqu'un à sa place pour les assembler, on demandait la défaute devant le seigneur suzerain; mais, à cause du respect dû au seigneur, on faisait ajourner la partie, et non pas le seigneur.

Le seigneur demandait sa cour devant le tribunal suzerain; et, s'il gagnait la défaute, on lui renvoyait l'affaire, et on lui payait une amende de soixante livres 3: mais, si la défaute était prouvée, la peine contre lui était de perdre le jugement de la chose contestée; le fond était jugé dans le tribunal suzerain 4: en effet, on n'avait demandé la défaute que pour cela,

3° Si l'on plaidait à la cour de son seigneur contre lui 5, ce qui n'avait lieu que pour les affaires qui concernaient le fief, après avoir laissé passer tous les délais, on sommait le seigneur même devant bonnes gens 6, et on le faisait sommer par le souverain, dont on devait avoir permission. On n'ajournait point par pairs, parce que les pairs ne pouvaient ajourner leur seigneur, mais ils pouvaient ajourner pour leur seigneur 7.

Quelquefois l'appel de défaute de droit était suivi d'un appel de faux jugement 8, lorsque le seigneur, malgré la défaute, avait fait rendre le jugement.

Le vassal qui appelait à tort son seigneur de défaute de droit 9 était condamné à lui payer une amende à sa volonté.

Les Gantois avaient appelé de défaute de droit

I DÉFONTAINES, chap. XXI, art. 24.
Idem, chap. xx1, art. 32.
BEAUMANOIR, chap. LXI, page 312.

• DÉFONTAINES, chap. XXI, art. 1, et 29.

Sous le règne de Louis VIII, le sire de Nesle plaidait contre Jeanne, comtesse de Flandre; il la somma de le faire juger dans quarante jours, et il l'appela ensuite de défaute de droit à la cour du roi. Elle répondit qu'elle le ferait juger par ses pairs en Flandre. La cour du roi prononça qu'il n'y serait pas renvoyé, et que la comtesse serait ajournée.

6 DÉFONTAINES, chap. XXI, art. 34.

• Ibid. art. 9.

8 BEAUMANOIR, chap. LXI, page 311.

9 BEAUMANOIR, chap. LXI, page 312. Mais celui qui n'aurait été homme ni tenant du seigneur ne lui payait qu'une amende de 60 livres. Ibid.

le comte de Flandre devant le roi, sur ce qu'il avait différé de leur faire rendre jugement en sa cour. Il se trouva qu'il avait pris encore moins de délais que n'en donnait la coutume du pays. Les Gantois lui furent renvoyés; il fit saisir de leurs biens jusqu'à la valeur de soixante mille livres. Ils revinrent à la cour du roi, pour que cette amende füt modérée : il fut décidé que le comte pouvait prendre cette amende, et même plus s'il voulait. Beaumanoir avait assisté à ces jugements.

4o Dans les affaires que le seigneur pouvait avoir contre le vassal, pour raison du corps ou de l'honneur de celui-ci, ou des biens qui n'étaient pas du fief, il n'était point question d'appel de défaute de droit, puisqu'on ne jugeait point à la cour du seigneur, mais à la cour de celui de qui il tenait ; les hommes, dit Défontaines, n'ayant pas droit de faire jugement sur le corps de leur seigneur.

J'ai travaillé à donner une idée claire de ces choses, qui, dans les auteurs de ces temps-là, sont si confuses et si obscures, qu'en vérité, les tirer du chaos où elles sont, c'est les découvrir.

CHAPITRE XXIX.

Époque du règne de saint Louis.

Saint Louis abolit le combat judiciaire dans les tribunaux de ses domaines, comme il paraît par l'ordonnance qu'il fit là-dessus 3, et par les Établissements 4.

Mais il ne l'ôta point dans les cours de ses barons 5, excepté dans le cas d'appel de faux juge

ment.

On ne pouvait fausser la cour de son seigneur 6, sans demander le combat judiciaire contre les juges qui avaient prononcé le jugement. Mais saint Louis introduisit l'usage de fausser sans combattre 7;

changement qui fut une espèce de révolution.

Il déclara qu'on ne pourrait point fausser les jugements rendus dans les seigneuries de ses domaines, parce que c'était un crime de félonie 8.

I BEAUMANOIR, chap. LXI, page 318.

2 Chap. XXI, art. 35.

3 En 1260.

4 Liv. I, chap. II et vi; liv. II, chap. x et xi.

5 Comme il parait partout dans les Établissements; BEAU MANOIR, chap. LXI, page 309.

6 C'est-à-dire, appeler de faux jugement.
"Établissements, liv. I, chap. VI; et liv. II, chap. xv.

8 Etablissements, liv. II, chap. xv. - Fausser une cour de justice, ou l'accuser d'avoir porté un jugement faux, c'était lui faire l'injure la plus grave, l'interdire de toutes ses fonc

Effectivement, si c'était une espèce de crime de félonie contre le seigneur, à plus forte raison en était-ce un contre le roi. Mais il voulut que l'on put demander amendement des jugements rendus dans ses cours, non pas parce qu'ils étaient faussement ou méchamment rendus, mais parce qu'ils faisaient quelque préjudice 2. Il voulut au contraire qu'on fût contraint de fausser les jugements des cours des barons, si l'on voulait s'en plaindre 3. On ne pouvait point, suivant les Établissements, fausser les cours des domaines du roi, comme on vient de le dire. Il fallait demander amendement devant le même tribunal; et, en cas que le bailli ne voulût pas faire l'amendement requis, le roi permettait de faire appel à sa cour 4, ou plutôt, en interprétant les Établissements par eux-mêmes, de lui présenter une requête ou supplication 5.

A l'égard des cours des seigneurs, saint Louis, en permettant de les fausser, voulut que l'affaire fût portée au tribunal du roi ou du seigneur suzerain 6, non pas pour y être décidée par le combat 7, mais par témoins, suivant une forme de procéder dont il donna des règles 8.

Ainsi, soit qu'on pût fausser, comme dans les cours des seigneurs, soit qu'on ne le pût pas, comme dans les cours de ses domaines, il établit qu'on pourrait appeler sans courir le hasard d'un combat.

Défontaines 9 nous rapporte les deux premiers exemples qu'il ait vus, où l'on ait ainsi procédé sans combat judiciaire : l'un, dans une affaire jugée à la cour de Saint-Quentin, qui était du domaine du roi; et l'autre, dans la cour de Ponthieu, où le comte, qui était présent, opposa l'ancienne jurisprudence; mais ces deux affaires furent jugées par droit.

tions, et rendre tous ses membres incapables de faire aucun acte judiciaire. Un plaideur qui avait eu cette témérité était obligé, sous peine d'avoir la tête coupée, de se battre dans le même jour non-seulement contre tous les juges qui avaient assisté au jugement dont il appelait, mais encore contre tous ceux qui avaient droit de prendre séance dans ce tribunal. S'il sortait vainqueur de tous ces combats, la sentence qu'il avait faussée était réputée fausse et mal rendue, et son procès était gagné. Si au contraire il était vaincu dans un de ces combats, il était pendu. Telle était la jurisprudence des Français dans le onzième siècle. (MABLY.)

1 Ibid. liv. I, chap. LXXVIII; et liv. II, chap. xv.

2 Ibid. liv. I, chap. LXXVIII.

3 Établissements, liv. II, chap. XV.

Ibid. liv. I, chap. LXXVIII.

5 Ibid. liv. II, chap. xv.

6 Mais si on ne faussait pas, et qu'on voulût appeler, on n'était point reçu. Établissements, liv. II, chap. xv. « Li sire en « auroit le recort de sa cour, droit faisant. »

'Ibid. liv. I, chap. vi et LXVII; et liv. II, chap. xv; et BEAUMANOIR, chap. x1, page 58.

8 Etablissements, liv. I, chap. I, II, et in. 9 Chap. XXII, art. 16 et 17.

On demandera peut-être pourquoi saint Louis ordonna pour les cours de ses barons une manière de procéder différente de celle qu'il établissait dans les tribunaux de ses domaines en voici la raison. Saint Louis, statuant pour les cours de ses domaines, ne fut point gêné dans ses vues; mais il eut des ménagements à garder avec les seigneurs qui jouissaient de cette ancienne prérogative, que les affaires n'étaient jamais tirées de leurs cours, à moins qu'on ne s'exposât aux dangers de les fausser. Saint Louis maintint cet usage de fausser; mais il voulut qu'on pût fausser sans combattre; c'est-à-dire que, pour que le changement se fit moins sentir, il ôta la chose, et laissa subsister les termes.

Ceci ne fut pas universellement reçu dans les cours des seigneurs. Beaumanoir dit que, de son temps, il y avait deux manières de juger, l'une suivant l'Établissement-le-roi, et l'autre suivant la pratique ancienne; que les seigneurs avaient droit de suivre l'une ou l'autre de ces pratiques; mais que quand, dans une affaire, on en avait choisi une, on ne pouvait plus revenir à l'autre. Il ajoute que le comte de Clermont suivait la nouvelle pratique, tandis que ses vassaux se tenaient à l'ancienne; mais qu'il pourrait, quand il voudrait, rétablir l'ancienne : sans quoi il aurait moins d'autorité que ses vassaux.

Il faut savoir que la France était pour lors divisée en pays du domaine du roi 3, et en ce que l'on appelait pays des barons, ou en baronnies; et, pour me servir des termes des Établissements de saint Louis, en pays de l'obéissance-le-roi, et en pays hors l'obéissance-le-roi. Quand les rois faisaient des ordonnances pour les pays de leurs domaines, ils n'employaient que leur seule autorité; mais, quand ils en faisaient qui regardaient aussi les pays de leurs barons, elles étaient faites de concert avec eux, ou scellées ou souscrites d'eux 4 : sans cela, les barons les recevaient, ou ne les recevaient pas, suivant qu'elles leur paraissaient convenir ou non au bien de leurs seigneuries. Les arrière-vassaux étaient dans les mêmes termes avec les grands vassaux. Or, les Établissements

1 Chap. LXI, pag. 309. Ibid.

3 Voyez Beaumanoir et Défontaines; et les Établissements, liv. II, chap. x, XI, XV, et autres.

Voyez les ordonnances du commencement de la troisième race, dans le recueil de Laurière, surtout celles de PhilippeAuguste sur la juridiction ecclésiastique; et celle de Louis VIII sur les Juifs; et les chartes rapportées par M. Brussel, notamment celle de saint Louis sur le bail et le rachat des terres, et la majorité féodale des filles, tome II, liv. III, page 35; et ibid. l'ordonnance de Philippe-Auguste, page 7.

1

vilains ne l'eussent pas; et le parlement reçut leurs appels comme ceux des personnes franches.

ne furent pas donnés du consentement des sei- | l'injustice de la cour de leurs seigneurs, et que les gneurs, quoiqu'ils statuassent sur des choses qui étaient pour eux d'une grande importance; mais ils ne furent reçus que par ceux qui crurent qu'il leur était avantageux de les recevoir. Robert, fils de saint Louis, les admit dans sa comté de Clermont ; et ses vassaux ne crurent pas qu'il leur convînt de les faire pratiquer chez eux.

[blocks in formation]

Le vilain ne pouvait pas fausser la cour de son seigneur nous l'apprenons de Défontaines 3; et cela est confirmé par les Établissements 4. « Aussi, dit encore Défontaines 5, n'y a-t-il entre toi sei«gneur et ton vilain autre juge fors Dieu. »>

C'était l'usage du combat judiciaire qui avait exclu les vilains de pouvoir fausser la cour de leur seigneur; et cela est si vrai que les vilains qui, par charte ou par usage 6, avaient droit de combattre, avaient aussi droit de fausser la cour de leur seigneur, quand même les hommes qui avaient jugé auraient été chevaliers 7; et Défontaines donne des expédients pour que ce scandale du vilain, qui, en faussant le jugement, combattrait contre un chevalier, n'arrivât pas 8.

La pratique des combats judiciaires commençant à s'abolir, et l'usage des nouveaux appels à s'introduire, on pensa qu'il était déraisonnable que les personnes franches eussent un remède contre

Chap. LXIII, page 327; et chap. LXI, page 312. Voyez les Établissements de saint Louis, liv. II, chap. xv; Fordonnance de Charles VII, de 1453.

Chap. xx1, art. 21 et 22.

Liv. 1, chap. CXXXVI.

5 Chap. II, art. 8.

[blocks in formation]

CHAPITRE XXXII.

Continuation du même sujet.

Lorsqu'on faussait la cour de son seigneur, il venait en personne devant le seigneur suzerain pour défendre le jugement de sa cour. De même 1, dans le cas d'appel de défaute de droit, la partie ajournée devant le seigneur suzerain menait son seigneur avec elle, afin que, si la défaute n'était pas prouvée, il pût ravoir sa cour.

Dans la suite, ce qui n'était que deux cas particuliers étant devenu général pour toutes les affaires, par l'introduction de toutes sortes d'appels, il parut extraordinaire que le seigneur fût obligé de passer sa vie dans d'autres tribunaux que les siens, et pour d'autres affaires que les siennes. Philippe de Valois ordonna que les baillis seuls seraient ajournés. Et quand l'usage des appels devint encore plus fréquent, ce fut aux parties à défendre l'appel le fait du juge devint le fait de la partie 3.

J'ai dit 4 que, dans l'appel de défaute de droit, le seigneur ne perdait que le droit de faire juger l'affaire en sa cour. Mais, si le seigneur était attaqué lui-même comme partie 5, ce qui devint trèsfréquent, il payait au roi ou au seigneur suzerain devant qui on avait appelé, une amende de soixante livres. De là vint cet usage, lorsque les appels furent universellement reçus, de faire payer l'amende au seigneur lorsqu'on réformait la sentence de son

juge; usage qui subsista longtemps, qui fut con

firmé par l'ordonnance de Roussillon, et que son absurdité a fait périr.

[blocks in formation]

vaincu, combattît encore contre la partie, non pas pour savoir si le jugement était bon ou mauvais, il ne s'agissait plus de ce jugement, puisque le combat l'avait anéanti; mais pour décider si la demande était légitime ou non, et c'est sur ce nouveau point que l'on combattait. De là doit être venue notre manière de prononcer les arrêts: La cour met l'appel au néant; la cour met l'appel et ce dont a été appelé au néant.

En effet, quand celui qui avait appelé de faux jugement était vaincu, l'appel était anéanti; quand il avait vaincu, le jugement était anéanti, et l'appel même il fallait procéder à un nouveau juge

ment.

:

[blocks in formation]

Le commentateur de Boutillier dit avoir appris d'anciens praticiens, et de quelques vieux procès écrits à la main, qu'anciennement, en France, les procès criminels se faisaient publiquement, et en une forme non guère différente des jugements publics des Romains. Ceci était lié avec l'ignorance de l'écriture, commune dans ces temps-là. L'usage de l'écriture arrête les idées, et peut faire établir le secret; mais, quand on n'a point cet usage, il n'y a que la publicité de la procédure qui puisse fixer ces mêmes idées.

Et, comme il pouvait y avoir de l'incertitude sur ce qui avait été jugé par hommes 3, ou plaidé devant hommes, on pouvait en rappeler la mémoire toutes les fois qu'on tenait la cour, par ce qui s'appelait la procédure par record 4; et dans ce cas, il n'était pas permis d'appeler les témoins au combat, car les affaires n'auraient jamais eu de fin.

[blocks in formation]

Dans la suite il s'introduisit une forme de procéder secrète. Tout était public; tout devint ca| ché : les interrogatoires, les informations, le récolement, la confrontation, les conclusions de la partie publique; et c'est l'usage d'aujourd'hui. La première forme de procéder convenait au gouvernement d'alors, comme la nouvelle était propre au gouvernement qui fut établi depuis.

*Le commentateur de Boutillier fixe à l'ordonnance de 1539 l'époque de ce changement. Je crois qu'il se fit peu à peu, et qu'il passa de seigneurie en seigneurie, à mesure que les seigneurs renoncèrent à l'ancienne pratique de juger, et que celle tirée des Établissements de saint Louis vint à se perfectionner. En effet, Beaumanoir dit que ce n'était que dans les cas où on pouvait donner des gages de bataille qu'on entendait publiquement les temoins ; dans les autres, on les oyait en secret, et on rédigeait leurs dépositions par écrit. Les procédures devinrent donc secrètes lorsqu'il n'y eut plus de gages de bataille.

CHAPITRE XXXV. Des dépens.

Anciennement, en France, il n'y avait point de condamnation de dépens en cour laie2. La partie

qui succombait était assez punie par des condam

nations d'amende envers le seigneur et ses pairs. La manière de procéder par le combat judiciaire faisait que, dans les crimes, la partie qui succombait, et qui perdait la vie et les biens, était punie autant qu'elle pouvait l'être; et, dans les autres cas du combat judiciaire, il y avait des amendes

quelquefois fixes, quelquefois dépendantes de la volonté du seigneur, qui faisaient assez craindre les événements des procès. Il en était de même dans les affaires qui ne se décidaient pas par le combat. Comme c'était le seigneur qui avait les profits principaux, c'était lui aussi qui faisait les principales dépenses, soit pour assembler ses pairs, soit pour les mettre en état de procéder au juge

ment. D'ailleurs les affaires finissant sur le lieu même, et toujours presque sur-le-champ, et sans ce nombre infini d'écritures qu'on vit depuis, il n'était pas nécessaire de donner des dépens aux parties.

C'est l'usage des appels qui doit naturellement introduire celui de donner des dépens. Aussi Dé

[blocks in formation]

fontaines dit-il que, lorsqu'on appelait par loi | publique. Mais si on lit le recueil entier de ces écrite, c'est-à-dire, quand on suivait les nouvelles formules, on verra qu'il y avait une différence tolois de saint Louis, on donnait des dépens; mais tale entre ces officiers et ce que nous appelons auque, dans l'usage ordinaire, qui ne permettait jourd'hui la partie publique, nos procureurs gépoint d'appeler sans fausser, il n'y en avait point: néraux, nos procureurs du roi ou des seigneurs. on n'obtenait qu'une amende, et la possession Les premiers étaient plutôt les agents du public d'an et jour de la chose contestée, si l'affaire était pour la manutention politique et domestique que renvoyée au seigneur. pour la manutention civile. En effet, on ne voit point dans ces formules qu'ils fussent chargés de la poursuite des crimes, et des affaires qui concernaient les mineurs, les églises, ou l'état des personnes.

Mais, lorsque de nouvelles facilités d'appeler augmentèrent le nombre des appels2; que, par le fréquent usage de ces appels d'un tribunal à un autre, les parties furent sans cesse transportées hors du lieu de leur séjour; quand l'art nouveau de la procédure multiplia et éternisa les procès; lorsque la science d'éluder les demandes les plus justes se fut raffinée; quand un plaideur sut fuir, uniquement pour se faire suivre; lorsque la demande fut ruineuse, et la défense tranquille; que les raisons se perdirent dans des volumes de paroles et d'écrits; que tout fut plein de suppôts de justice qui ne devaient point rendre la justice; que la mauvais e foi trouva des conseils là où elle ne trouva pas des appuis; il fallut bien arrêter les plaideurs par la crainte des dépens. Ils durent les payer pour la décision, et pour les moyens qu'ils avaient employés pour l'éluder. Charles le Bel fit là-dessus une ordonnance générale 3.

CHAPITRE XXXVI.

De la partie publique.

Comme, par les lois saliques et ripuaires, et par les autres lois des peuples barbares, les peines des crimes étaient pécuniaires, il n'y avait point pour lors, comme aujourd'hui parmi nous, de partie publique qui fût chargée de la poursuite des crimes. En effet, tout se réduisait en réparations de dommages; toute poursuite était en quelque façon civile, et chaque particulier pouvait la faire. D'un autre côté, le droit romain avait des formes populaires pour la poursuite des crimes, qui ne pouvaient s'accorder avec le ministère d'une partie publique.

L'usage des combats judiciaires ne répugnait pas moins à cette idée; car qui aurait voulu être la partie publique, et se faire champion de tous contre tous?

Je trouve, dans un recueil de formules que M. Muratori a insérées dans les lois des Lombards, qu'il y avait, dans la seconde race, un avoué de la partie

[blocks in formation]

J'ai dit que l'établissement d'une partie publique répugnait à l'usage du combat judiciaire. Je trouve pourtant dans une de ces formules un avoué de la partie publique qui a la liberté de combattre. M. Muratori l'a mise à la suite de la constitution d'Henri Ier 2, pour laquelle elle a été faite. Il est dit, dans cette constitution, que « si quelqu'un « tue son père, son frère, son neveu, ou quelque « autre de ses parents, il perdra leur succession, «< qui passera aux autres parents; et que la sienne « propre appartiendra au fisc. » Or, c'est pour la poursuite de cette succession dévolue au fisc que l'avoué de la partie publique qui en soutenait les droits avait la liberté de combattre ce cas rentrait dans la règle générale.

Nous voyons dans ces formules l'avoué de la partie publique agir contre celui qui avait pris un voleur, et ne l'avait pas mené au comte 3; contre celui qui avait fait un soulèvement ou une assemblée contre le comte 4; contre celui qui avait sauvé la vie à un homme que le comte lui avait donné pour le faire mourir 5; contre l'avoué des églises à qui le comte avait ordonné de lui présenter un voleur, et qui n'avait point obéi 6; contre celui qui avait révélé le secret du roi aux étrangers 7; contre celui qui, à main armée, avait poursuivi l'envoyé de l'empereur ; contre celui qui avait méprisé les lettres de l'empereur 9, et il était poursuivi par l'avoué de l'empereur, ou par l'empereur lui-même; contre celui qui n'avait pas voulu recevoir la monnaie du prince 10; enfin cet avoué demandait les choses que la loi adjugeait au fise 11.

[blocks in formation]

5 Ibid. page 104.

6 Ibid. page 95.

7 Ibid. page 88.

9 Ibid. page 132.
11 Ibid. page 147.

[blocks in formation]
« PrécédentContinuer »