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D. GARCIE.

Hé bien! madame, hé bien! je suis trop téméraire;
De tout ce qui vous plaît je dois me satisfaire.
Je ne demande point de plus grande clarté :
Je crois que vous avez pour moi quelque bonté,
Que d'un peu de pitié mon feu vous sollicite,
Et je me vois heureux plus que je ne mérite.
C'en est fait, je renonce à mes soupçons jaloux;
L'arrêt qui les condamne est un arrêt bien doux,
Et je reçois la loi qu'il daigne me prescrire
Pour affranchir mon cœur de leur injuste empire.

DONE ELVIRE.

Vous promettez beaucoup, prince; et je doute fort Si vous pourrez sur vous faire ce grand effort.

D. GARCIE.

Ah! madame, il suffit, pour me rendre croyable, Que ce qu'on vous promet doit être inviolable,

que l'heur d'obéir à sa divinité

Et que

Ouvre aux plus grands efforts trop de facilité.
Que le ciel me déclare une éternelle guerre,
Que je tombe à vos pieds d'un éclat de tonnerre,
Ou, pour périr encor par de plus rudes coups,
Puissé-je voir sur moi fondre votre courroux,
Si jamais mon amour descend à la foiblesse
De manquer au devoir d'une telle promesse,
Si jamais dans mon âme aucun jaloux transport
Fait...!

SCÈNE IV.

DONE ELVIRE, D. GARCIE, D. ALVAR, ÉLISE; UN PAGE, PRÉSEntant un billet a done elvire.

DONE ELVIRE.

J'EN étois en peine, et tu m'obliges fort.

Que le courrier attende.

SCÈNE V.

DONE ELVIRE, D. GARCIE, D. ALVAR, ÉLISE.

DONE ELVIRE, bas, à part.

A ces regards qu'il jette,

Vois-je pas que déjà cet écrit l'inquiète?

Prodigieux effet de son tempérament!

(haut.).

Qui vous arrête, prince, au milieu du serment?

D. GARCIE.

J'ai cru que vous aviez quelque secret ensemble,
Et je ne voulois pas l'interrompre.

DONE ELVIRE.

Il me semble

Que vous me répondez d'un ton fort altéré.

Je vous vois tout à coup le visage égaré.

Ce changement soudain a lieu de me surprendre :
D'où peut-il provenir? le pourroit-on apprendre?

D. GARCIE.

D'un mal qui tout à coup vient d'attaquer mon cœur.

MOLIÈRE. 2.

2

DONE ELVIRE.

Souvent plus qu'on ne croit ces maux ont de rigueur,
Et quelque prompt secours vous seroit nécessaire.
Mais encor, dites-moi, vous prend-il d'ordinaire?

Parfois.

D. GARCIE.

DONE ELVIRE.

Ah! prince foible, hé bien! par cet écrit, Guérissez-le ce mal; il n'est que dans l'esprit.

D. GARCIE.

Par cet écrit, madame? Ah! ma main le refuse.
Je vois votre pensée, et de quoi l'on m'accuse.

Si...

DONE ELVIRE.

Liscz-le, vous dis-je, et satisfaites-vous.

D. GARCIE.

Pour me traiter après de foible, de jaloux?
Non, non je dois ici vous rendre un témoignage
Qu'à mon cœur cet écrit n'a point donné d'ombrage;
Et, bien que vos bontés m'en laissent le pouvoir,
Pour me justifier je ne veux point le voir.

DONE ELVIRE.

Si vous vous obstinez à cette résistance,
J'aurois tort de vouloir vous faire violence;
Et c'est assez enfin que vous avoir pressé
De voir de quelle main ce billet m'est tracé.

D. GARCIE.

Ma volonté toujours vous doit être soumise.

Si c'est votre plaisir que pour vous je le lise,
Je consens volontiers à prendre cet emploi.

DONE ELVIRE.

Oui, oui, prince, tenez, vous le lirez pour moi.

D. GARCIE.

C'est pour vous obéir au moins; et je puis dire...

DONE ELVIRE.

C'est ce que vous voudrez; dépêchez-vous de lire.

D. GARCIE.

Il est de done Ignès, à ce que je connoi.

DONE ELVIRE.

Oui. Je m'en réjouis et pour vous et pour moi.

D. GARCIE lit.

Malgré l'effort d'un long mépris,

<< Le tyran toujours m'aime; et, depuis votre absence, « Vers moi, pour me porter au dessein qu'il a pris, « Il semble avoir tourné toute sa violence, « Dont il poursuivoit l'alliance

« De vous et de son fils.

« Ceux qui sur moi peuvent avoir empire, • Par de lâches motifs qu'un faux honneur inspire,

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Approuvent tous cet indigne lien.

« J'ignore encor par où finira mon martyre;
« Mais je mourrai plutôt que de consentir rien.
<< Puissiez-vous jouir, belle Elvire,
D'un destin plus doux que le mien!

« D. IGNÈS. »

Dans la haute vertu son âme est affermie.

DONE ELVIRE.

Je vais faire réponse à cette illustre amie.
Cependant apprenez, prince, à vous mieux armer
Contre ce qui prend droit de vous trop alarmer.
J'ai calmé votre trouble avec cette lumière,
Et la chose a passé d'une douce manière;
Mais, à n'en point mentir, il seroit des moments
Où je pourrois entrer en d'autres sentiments.

D. GARCIE.

Hé quoi! vous croyez donc...?

DONE ELVIRE.

Je crois ce qu'il faut croire.

Adieu. De mes avis conservez la mémoire;

Et, s'il est vrai pour moi que votre amour soit grand,
Donnez-en à mon cœur les preuves qu'il prétend.

D. GARCIE.

Croyez que désormais c'est toute mon envie,
Et qu'avant d'y manquer je veux perdre la vie.

FIN DU PREMIER ACTE.

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