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Il se rabat soudain, dont j'eus l'àme ravie,
Iempaume la voic; et moi, je sonne et crie,
A Finaut! à Finaut! J'en revois à plaisir
Sur une taupinière, et resonne à loisir.

Quelques chiens revenoient à moi, quand, pour disgrâce,
Le jeune cerf, marquis, à mon campagnard passe.
Mon étourdi se met à sonner comme il faut,

Et crie à pleine voix, tayaut! tayaut! tayaut!
Mes chiens me quittent tous, et vont à ma pécore :
J'y pousse, et j'en revois dans le chemin encore;
Mais à terre, mon cher, je n'eus pas jeté l'œil,
Que je connus le change, et sentis un grand deuil.
J'ai beau lui faire voir toutes les différences
Des pinces de mon cerf et de ses connoissances,
Il me soutient toujours, en chasseur ignorant,
Que c'est le cerf de meute; et par ce différent
Il donne temps aux chiens d'aller loin. J'en enrage;
Et pestant de bon cœur contre le
personnage,

Je pousse mon cheval et par haut et par bas,

2

Qui pliait des gaulis aussi gros que le bras:
Je ramène les chiens à ma première voie,
Qui vont en me donnant une excessive joie,
Requerir notre cerf, comme s'ils l'eussent vu.

1

1 Connoissances, en terme de chasse, signifie les indices, les vestiges du gibier.

2 Gaulis, terme de vénerie. On appelle gaulis les branches d'arbres qu'il faut que le chasseur plie ou détourne lorsqu'il perce dans le fort du bois.

Ils le relancent: mais ce coup est-il prévu?

A te dire le vrai, cher marquis, il m'assomme :
Notre cerf relancé va passer à notre homme,
Qui, croyant faire un coup de chasseur fort vanté,
D'un pistolet d'arçon qu'il avoit apporté

Lui donne justement au milieu de la tête,
Et de fort loin me crie, Ah! j'ai mis bas la bête.
A-t-on jamais parlé de pistolets, bon Dieu!

Pour courre un cerf! Pour moi, venant dessus le lieu,
J'ai trouvé l'action tellement hors d'usage,
Que j'ai donné des deux à mon cheval, de rage,
Et m'en suis revenu chez moi toujours courant,
Sans vouloir dire un mot à ce sot ignorant.

ÉRASTE.

Tu ne pouvois mieux faire, et ta prudence est rare : C'est ainsi des fâcheux qu'il faut qu'on se sépare. Adieu.

DORANTE.

Quand tu voudras, nous irons quelque part Où nous ne craindrons point de chasseur campagnard.

(seul.)

ÉRASTE.

Fort bien. Je crois qu'enfin je perdrai patience.
Cherchons à m'excuser avecque diligence.

FIN DU SECOND ACT E.

BALLET DU SECOND ACTE.

PREMIÈRE ENTRÉE.

Des joueurs de boule arrêtent Eraste pour mesurer un coup sur lequel ils sont en dispute. Il se défait d'eux avec peine, et leur laisse danser un pas composé de toutes les postures qui sont ordinaires à ce jeu.

SECONDE ENTRÉE.

De petits frondeurs le viennent interrompre, qui sont chassés ensuite.

TROISIÈME ENTRÉE.

Des savetiers et des savetières, leurs pères, et autres, sont aussi chassés à leur tour.

QUATRIÈME ENTRÉE.

Un jardinier danse seul, et se retire pour faire place au troisième acte.

ACTE TROISIÈME.

SCÈNE I.

ÉRASTE, LA MONTAGNE.

ÉRASTE.

Il est vrai, d'un côté mes soins ont réussi,

Cet adorable objet enfin s'est adouci;

Mais d'un autre on m'accable, et les astres sévères
Ont contre mon amour redoublé leurs colères.

Oui, Damis son tuteur, mon plus rude fâcheux,
Tout de nouveau s'oppose au plus doux de mes vœux,
A son aimable nièce a défendu ma vue,

Et veut d'un autre époux la voir demain pourvue.
Orphise toutefois, malgré son désavcu,

Daigne accorder ce soir une grâce à mon feu;
Et j'ai fait consentir l'esprit de cette belle
A souffrir qu'en secret je la visse chez elle.
L'amour aime surtout les secrètes faveurs;
Dans l'obstacle qu'on force il trouve des douceurs;
Et le moindre entretien de la beauté qu'on aime,
Lorsqu'il est défendu, devient grâce suprême.
Je vais au rendez-vous, c'en est l'heure à peu près;
Puis, je veux m'y trouver plutôt avant qu'après.

Suivrai-je vos pas?

LA MONTAGNE.

ERASTE.

Non. Je craindrois que peut-être

A quelques yeux suspects tu me fisses connoître.

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Te tairas-tu, vingt fois?

Et ne veux-tu jamais quitter cette méthode

De te rendre à toute heure un valet incommode?

SCÈNE II.

CARITIDES, ÉRASTE.

CARITIDES.

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MONSIEUR, le temps répugne à l'honneur de vous voir;
Le matin est plus propre à rendre un tel devoir :
Mais de vous rencontrer il n'est pas bien facile;
Car vous dormez toujours, ou vous êtes en ville:
Au moins messieurs vos gens me l'assurent ainsi;
Et j'ai, pour vous trouver, pris l'heure

que

voici.

1 Le temps répugne, le moment n'est pas favorable.

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