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« soient obligés de jeûner une fois par mois au pain et à l'eau, « et que ce qu'ils dépenseroient en vin, en viande, en pois<«<son, en œufs ou en légumes, soit versé dans les caisses <«< royales, avec serment de n'en rien retrancher. Par cet impôt « d'une espèce nouvelle, l'État au bout de vingt ans seroit dé<«< chargé de toutes ses dettes. En voici la preuve que j'ai ac«quise par mes calculs: Il y a en Espagne plus de trois millions « de personnes qui ont l'âge requis; je ne compte pas les « vieillards, les enfants et les malades. La dépense d'un jour « ne peut être évaluée à moins d'un réal et demi ce seroit << donc plus de trois millions de réaux qui entreroient chaque « mois dans les coffres du roi. Les Espagnols, ainsi imposés, « gagneroient plus qu'ils ne perdroient : ils auroient le double << avantage de plaire à Dieu et de servir le roi : tel d'entre eux << obtiendroit son salut par cette pénitence. Voilà mon projet ; «< il ne présente aucun des inconvénients des autres contribu«<tions. Cet impôt pourroit se lever dans les paroisses, sans << qu'on eût besoin de cette armée de collecteurs et de commis << qui ruinent l'Etat. ».

que todo el gasto que en otros condumios de fruta, carne, y pescado, -vino, huevos y legumbres que se han de gastar aquel dia, se reduzga á dinero, y se de á su magestad sin defraudarle un maravedi, y con esto en veinte años queda el estado libre y desempeñadó: porque si se hace la cuenta como yo la tengo hecha, bien hay en España mas de très millones de personas de la dicha edad, fuera de los enfermos, mas viejos o mas muchachos y ninguno destos dexara de gastar, y esto contado al menorete, cada dia real y medio, y yo quiero que no sea mas de un real que no puede ser menos, aunque coma albolvas. Y esto antes seria provecho que daño á los ayunantes; porque con el ayuno agradarian al cielo, y servirian á su rey, y tal prodria ayunar que le fuese conveniente para su salud. Este es el arbitrio limpio de polvo y de paja, y prodriase cojer por parroquias sin costa de comiserarios, que destruyen la republica.

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Cette idée de faire jeûner toute l'Espagne est aussi singulière et aussi comique que celle des ports de mer: mais ce qui rend la scène de Molière plus piquante, c'est que cet Ormin, qui ne parle que de millions, et qui veut faire la fortune d'Eraste, finit par lui emprunter deux pistoles.

Molière, dans cette pièce, combattit d'autres travers plus importants. On a vu, dans le Discours préliminaire, qu'il eut la noble hardiesse de s'élever contre la manie des duels, alors très-répandue, malgré les édits les plus sévères,

Aux premières représentations, la scène du chasseur n'existoit pas. Louis XIV, ayant fait jouer la pièce à Versailles, parla de ce ridicule à l'auteur, et lui donna mopour dèle son grand-veneur, M. de Soyecour, qui portoit le goût de la chasse jusqu'à la folie. Si l'on en croit madame de Sévigné, cet officier avoit peu d'esprit : sa manie l'absorboit entièrement, et la cour se moquoitde lui. M. de Vivonne, général des galères, plein de cet esprit des Mortemarts, qui avoit alors tant de succès,' s'amusoit souvent à le déconcerter. Un jour Soyecour, assez sujet aux distractions, lui demanda : Quand le roi ira-t-il à la chasse? Vivonne, étonné qu'un grand-veneur fit cette question, lui répondit: Quand les galères partiront-elles?

La scène d'Orante et de Climène rappelle les questions frivoles qu'on agitoit à l'hôtel de Rambouillet, et qui donnoient lieu à des discussions très-longues. Un amant jaloux aime-t-il mieux que celui qui s'abandonne à la fidélité de sa maîtresse? Cette question est approfondie devant Éraste, qui brûle d'aller à un rendez-vous; et son impatience rend encore plus comique

Madame de Montespan, sa sœur, étoit en faveur.

la subtilité et la fausse délicatesse des précieuses. Malgré son humeur, il tranche très-bien la question :

Le jaloux aime plus, et l'autre aime bien mieux.

Cette décision est digne de Molière, et très-conforme à son caractère.

vous par

Le dénouement des FACHEUX a été critiqué de nos jours: mais on n'a pas remarqué qu'il est conforme aux mœurs du temps. A cette époque, on se faisoit accompagner aux rendezdes hommes armés; on étoit toujours prêt à mettre l'épée à la main; et les aventures du genre de celle d'Eraste et de Damis n'étoient pas rares. Notre police, plus régulière aujourd'hui, ne doit pas nous faire trouver des défauts dans une comédie ancienne.

L'ÉCOLE

DES FEMMES,

COMÉDIE

EN CINQ ACTES ET EN VERS,

Représentée à Paris, sur le théâtre du Palais-Royal, le 26 décembre 1662.

A MADAME.

MADAME,

Je suis le plus embarrassé homme du monde lorsqu'il me faut dédier un livre; et je me trouve si peu fait au style d'épître dédicatoire, que je ne sais par où sortir de celleci. Un autre auteur qui seroit à ma place trouveroit d'abord cent belles choses à dire de votre altesse royale sur ce titre de l'Ecole des Femmes, et l'offre qu'il vous en feroit. Mais, pour moi, Madame, je vous avoue mon foible : je ne sais point cet art de trouver des rapports entre des choses si peu proportionnées; et quelque belles lumières que mes confrères les auteurs me donnent tous les jours sur de pareils sujets, je ne vois point ce que votre altesse royale pourroit avoir à démêler avec la comédie que je lui présente. On n'est pas en peine, sans doute, comme il faut faire pour vous louer : la matière, Madame, ne saute que trop aux yeux; et de quelque côté qu'on vous regarde, on rencontre gloire sur gloire et qualités sur qualités. Vous en avez, Madame, du côté du rang et de la naissance, qui vous font respecter de toute la terre. Vous en avez du côté des grâces et de l'esprit et du corps, qui vous font admirer de toutes les personnes qui vous voient. Vous en avez du

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