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ARNOLPHE.

Rentrez donc; et surtout gardez de babiller.

(seul.)

Voilà pour le prochain une leçon utile;
Et, si tous les maris qui sont en cette ville
De leurs femmes ainsi recevoient le galant,
Le nombre des cocus ne seroit pas si grand.

FIN DU QUATRIÈME ACTE.

ACTE CINQUIÈME.

SCÈNE I.

ARNOLPHE, ALAIN, GEORGETTE.

ARNOLPHE.

TRAÎTRES, qu'avez-vous fait par cette violence ?

ALAIN.

Nous vous avons rendu, monsieur, obéissance.

ARNOLPHE.

De cette excuse en vain vous voulez vous armer,
L'ordre étoit de le battre, et non de l'assommer,
Et c'étoit sur le dos, et non pas sur la tête,
Que j'avois commandé qu'on fit choir la tempête.
Ciel! dans quel accident me jette ici le sort!
Et que puis-je résoudre à voir cet homme mort?
Rentrez dans la maison, et gardez de rien dire
De cet ordre innocent que j'ai pu vous prescrire.
(seul.)

Le jour s'en va paroître, et je vais consulter
Comment dans ce malheur je me dois comporter.

Hélas! que deviendrai-je? et que dira le père,
Lorsque inopinément il saura cette affaire?

SCÈNE II.

HORACE, ARNOLPHE.

HORACE, à part.

Il faut que j'aille un peu reconnoître qui c'est,

ARNOLPHE, se croyant seul.

Eût-on jamais prévu...?

(heurté par Horace, qu il ne reconnoît pas.)

Qui va là, s'il vous plait?

HORACE.

C'est vous, seigneur Arnolphe?

ARNOLPHE.

Oui. Mais vous...?

HORACE.

C'est Horace.

Je m'en allois chez vous vous prier d'une grâce.

Vous sortez bien matin!

ARNOLPHE, bas, à part.
Quelle confusion!

Est-ce un enchantement? est-ce une illusion?

HORACE.

J'étois, à dire vrai, dans une grande peine;

Et je bénis du ciel la bonté souveraine

Qui fait qu'à point nommé je vous rencontre ainsi.
Je viens vous avertir que tout a réussi,

Et même beaucoup plus que je n'eusse osé dire,
Et par un incident qui devoit tout détruire.

Je ne sais point par où l'on a pu soupçonner
Cette assignation qu'on m'avoit su donner :
Mais, étant sur le point d'atteindre à la fenêtre,
Jai, contre mon espoir, vu quelques gens paroître,
Qui, sur moi brusquement levant chacun le bras,
M'ont fait manquer le pied et tomber jusqu'en bas;
Et ma chute, aux dépens de quelque meurtrissure,
De vingt coups de bâton m'a sauvé l'aventure.
Ces gens-là, dont étoit, je pense, mon jaloux,
Ont imputé ma chute à l'effort de leurs coups;
Et, comme la douleur, un assez long espace,
M'a fait sans remuer demeurer sur la place,
Ils ont cru tout de bon qu'ils m'avoient assommé,
Et chacun d'eux s'en est aussitôt alarmé.
J'entendois tout le bruit dans le profond silence :
L'un l'autre ils s'accusoient de cette violence;
Et, sans lumière aucune, en querellant le sort,
Sont venus doucement tâter si j'étois mort.
Je vous laisse à penser si, dans la nuit obscure,
J'ai d'un vrai trépassé su tenir la figure.
Ils se sont retirés avec beaucoup d'effroi;
Et, comme je songeois à me retirer, moi,
De cette feinte mort la je ne Agnès émue
Avec empressement est devers moi venue:

Car les discours qu'entre eux ces gens avoient tenus
Jusques à son oreille étoient d'abord venus,

Et pendant tout ce trouble étant moins observée, Du logis aisément elle s'étoit sauvée;

Mais, me trouvant sans mal, elle a fait éclater
Un transport difficile à bien représenter.
Enfin que vous dirai-je ? Cette aimable personne
A suivi les conseils que son amour lui donne,
N'a plus voulu songer à retourner chez soi,
Et de tout son destin s'est commise à ma foi.
Considérez un peu, par ce trait d'innocence,
Où l'expose d'un fou la haute impertinence,
Et quels fâcheux périls elle pourroit courir,
Si j'étois maintenant homme à la moins chérir.
Mais d'un trop pur amour mon âme est embrasée;
J'aimerois mieux mourir que la voir abusée :
Je lui vois des appas dignes d'un autre sort,
Et rien ne m'en sauroit séparer que la mort.
Je prévois là-dessus l'emportement d'un père;
Mais nous prendrons le temps d'apaiser sa colère.
A des charmes si doux je me laisse emporter,
Et dans la vie enfin il se faut contenter.

Ce

que je veux de vous sous un secret fidèle, C'est que je puisse mettre en vos mains cette belle; Que dans votre maison, en faveur de mes feux, Vous lui donniez retraite au moins un jour ou deux. Outre qu'aux yeux du monde il faut cacher sa fuite, Et qu'on en pourroit faire une exacte poursuite, Vous savez qu'une fille aussi de sa façon Donne avec un jeune homme un étrange soupçon; Et comme c'est à vous, sûr de votre prudence, Que j'ai fait de mes feux entière confidence,

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