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«sieurs Princes Chrestiens, et des plus consciencieux, ont <«< inutilement recherchée depuis peu, pour leurs intérêts << particuliers. >>

A cette époque-là, les Capitulations reconnaissaient à la France le droit de protéger les catholiques étrangers appartenant à une autre nation, même à une nation ennemie de la S. Porte; mais depuis lors, chaque État voulait avoir ses Capitulations; les uns stipulaient expressément la liberté de conscience en faveur de leurs nationaux, les autres ne stipulaient rien en matière de religion, et tous réclamaient et stipulaient le bénéfice des avantages, droits et privilèges accordés ou à accorder aux autres. A partir de cette époque, chaque État, chaque petit prince avait ses consuls et ses ministres; la France, à l'égard du Grand-Seigneur, restait maîtresse d'accorder sa protection à tous les étrangers: mais, à l'égard de ceux-ci, elle avait perdu le droit de la leur imposer.

Nous arrivons à une période plus moderne et conséquemment mieux connue celle qui commence avec le Traité de Paris du 30 mars 1856.

Les Capitulations restent en vigueur, sauf les stipulations relatives aux conditions douanières que les Traités de commerce ont déjà modifiées en 1838. Aucun droit nouveau n'est créé accordant à la France le monopole de la protection des catholiques qui relèvent des autres puissances; quant aux catholiques indigènes, la diplomatie française ne peut s'en occuper; déjà elle n'en avait pas le droit de par les Capitulations, désormais l'article 10 du Traité de Paris leur interdit de «s'immiscer dans les rapports de S. M. le Sultan avec ses sujets ni dans l'administration de son empire. >>

Autant l'article 10 du Traité de 1856 dénie formellement à la France la faculté de prendre sous sa protection des catholiques sujets du sultan, autant le Traité de Berlin lui enlève celle de protéger ceux des autres États. Cette faculté, ce droit, chacune des grandes puissances le revendique pour ellemême, et il est explicitement stipulé dans les alinéas 5 et 6 de l'article 62, conçus en ces termes :

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« Les ecclésiastiques, les pèlerins et les moines de toutes les << nationalités voyageant dans la Turquie d'Europe et d'Asie, «< jouiront des mêmes droits, avantages et privilèges.

«Le droit de protection officielle est reconnu aux agents diplomatiques et consulaires des puissances en Turquie, tant à

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l'égard des personnes susmentionnées que de leurs établisse«<ments religieux, de bienfaisance et autres, dans les Lieux « Saints et ailleurs. >>

Un droit qui appartient aux agents diplomatiques et consulaires de toutes les puissances, ne peut être le monopole de ceux de la France.

Un droit que la diplomatie française n'a jamais demandé, qu'elle avoue n'avoir pas demandé parce qu'elle avait été sûre de ne point l'obtenir, ne peut pas aujourd'hui être introduit comme un droit.

En conclusion, qu'il s'agisse des catholiques sujets turcs, ou des catholiques relevant des autres puissances, la France n'a sur eux aucun droit de protection, et ses représentants diplomatiques ou consulaires n'ont aucune politique religieuse à soutenir en Turquie.

Tel est le droit, il exclut toute, protection autre que celle des nationaux, tant que les puissances étrangères n'auront pas abandonné, en faveur de la France qui l'aura accepté, le droit qu'elles tiennent toutes également de l'article 62 du Traité de Berlin pour la protection de leurs pèlerins et de leurs établissements religieux, de bienfaisance ou autres.

Tel est le droit, il exclut pour la France tout protectorat religieux ou autre que celui qui est explicitement inscrit dans les Capitulations, à savoir: celui des Lieux Saints, des établissements religieux et du personnel qui y est attaché.

Tel est le droit, et toute prétention de la France à une protection ou à une influence à exercer sur les catholiques d'autres nations, ou sur les catholiques indigènes, serait une prétention illégale.

On opposera peut-être à cette conclusion l'alinéa suivant du même article 62 du Traité de Berlin, où il est dit que « les droits acquis à la France sont expressément réservés »; on voudra de cet alinéa conclure que ces droits doivent nécessairement exister, puisque les plénipotentiaires des puissances les confirment, et que ceux de la France les acceptent.

A cette objection que nous avons voulu prévoir, afin de la combattre avant qu'elle nous soit faite, nous répliquons dès à présent par une honnête invitation aux uns et aux autres à nous montrer ces droits inscrits dans un Traité, dans une convention, dans un Acte quelconque qui fasse loi.

On ne pourra nous répondre que par l'usage, la coutume,

qu'avait adoptée la diplomatie française de s'occuper des intérêts du catholicisme parmi les sujets des sultans, et que la S. Porte n'a pas toujours repoussée.

Ce n'est plus le droit, la question de droit est jugée, et nous n'avons plus qu'à exposer comment la coutume s'est suppléée au droit.

Cet examen portera sur les faits, et formera le sujet du chapitre suivant.

(A suivre.)

PIÈCES JUSTIFICATIVES

CAPITULATIONS RENOUVELÉES ENTRE LE SULTAN MAHMOUD ET LOUIS XV, LE 28 MAI 1740.

(Articles concernant les évêques, les religieux et les églises.)

ART. 1. On n'inquiétera point les Français qui vont et viendront pour visiter Jérusalem, de même que les religieux qui sont dans l'église de Saint-Sépulcre, dite Kamama.

ART. 32. Comme les nations ennemies qui n'ont point d'ambassadeurs décidés à ma Porte de félicité allaient et venaient ci-devant dans nos États, sous la bannière de l'empereur de France, soit pour commerce, soit pour pèlerinage, suivant la permission impériale qu'ils avaient eue sous le 'règne de nos aïeux de glorieuse mémoire, de même qu'il est aussi porté par les anciennes Capitulations accordées aux Français; et comme ensuite, pour certaines raisons, l'entrée de nos États avait été absolument prohibée à ces mêmes nations, et qu'elles avaient même été retranchées desdites Capitulations; néanmoins, l'empereur de France ayant témoigné, par une lettre qu'il a envoyée à notre Porte de félicité, qu'il désirait que les nations ennemies, auxquelles il était défendu de commercer dans nos États, eussent la liberté d'aller et venir à Jérusalem, de même qu'elles avaient coutume d'y aller et venir, sans être aucunement inquiétées; et que si, par la suite, il leur était permis d'aller et venir trafiquer dans nos États ce fût encore, sous la bannière de France, comme par ci-devant, la demande de l'empereur de France aurait été agréée en considération. de l'ancienne amitié qui, depuis mes glorieux ancêtres, subsiste de père en fils entre Sa Majesté et ma Sublime Porte; et il serait émané un commandement impérial dont suit la teneur, savoir: Que les nations chrétiennes et ennemies qui sont en paix avec l'empereur de France, et qui désireront de visiter Jérusalem, puissent y aller et venir, dans les bornes de leur état, en la manière accoutumée, en toute liberté et sûreté, sans que personne leur cause aucun trouble ni empêchement; et si, dans la suite, il convient d'accorder auxdites nations la

liberté de commercer dans nos États, elles iront et viendront pour lors sous la bannière de l'empereur de France, comme auparavant, sans qu'il leur soit permis d'aller et venir sous aucune autre bannière.

ART. 33. Les religieux francs qui, suivant l'ancienne coutume, sont établis dedans et dehors de la ville de Jérusalem, dans l'église de Saint-Sépulcre, appelée Kamama, ne seront point inquiétés pour les lieux de visitation qu'ils habitent et qui sont entre leurs mains, lesquels resteront encore entre leurs mains comme par ci-devant, sans qu'ils puissent être inquiétés à cet égard, non plus que par des prétentions d'impositions; et, s'il leur survenait quelque procès qui ne pût être décidé sur les lieux, il sera renvoyé à ma Sublime Porte.

ART. 34. Les Français ou ceux qui dépendent d'eux, de quelque nation ou qualité qu'ils soient, qui iront à Jérusalem. ne seront point inquiétés en allant et venant.

ART. 35. Les deux ordres de religieux français qui sont à Galata, savoir les Jésuites et les Capucins, y ayant deux églises, qu'ils ont entre leurs mains ab antiquo, resteront encore entre leurs mains, et ils en auront la possession et jouissance; et comme l'une de ces églises a été brûlée, elle sera rebâtie avec permission de la justice, et elle restera comme par ci-devant, entre les mains des Capucins, sans qu'ils puissent être inquiétés à cet égard. On n'inquiétera pas non plus les églises que la nation française a à Smyrne, à Seyde, à Alexandrie et dans les autres Échelles; et l'on n'exigera d'eux aucun argent sous ce prétexte.

ART. 36. On n'inquiétera pas les Français, quand, dans les bornes de leur état, ils liront l'Évangile dans leur hôpital de

Galata.

ART. 82. Lorsque les endroits dont les religieux dépendants de la France ont la possession et la jouissance à Jérusalem, ainsi qu'il en est fait mention dans les articles précédemment accordés et actuellement renouvelés, auront besoin d'être réparés pour prévenir la ruine à laquelle ils seraient exposés par la suite des temps, il sera permis d'accorder à la réquisition de l'ambassadeur de France résidant à ma Porte de félicité, des commandements pour que ces réparations soient faites d'une façon conforme aux tolérances de la justice; et les Kadis, commandants et autres officiers ne pourront mettre aucune sorte d'empêchement aux choses accordées par commandement. Et comme il est arrivé que nos officiers, sous prétexte

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