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tement du Doubs; les ébauches sont ensuite terminées à Besançon, à Paris ou en Suisse. Montbéliard et ses environs possèdent plusieurs établissements considérables qui fabriquent chaque année un million et demi d'ébauches de montres, et un demi-million de roulants de pendules. Cela représente neuf millions d'affaires. Les trois quarts de ces ébauches sont achetées par la Suisse, qui les termine pour les vendre dans le monde entier.

Le long de la frontière Suisse, dans les cantons de Maîche, du Russey et de Morteau, une foule d'ouvriers travaillent aux ébauches, soit isolément, soit en petits ateliers. Presque tous les paysans s'y adonnent quand la terre ne réclame pas leurs bras, et trouvent ainsi un emploi très fructueux des longs mois d'hiver.

Ils peuvent, en effet, gagner de cette manière environ 2 à 3 francs par jour. Mais on ne peut pas indiquer de chiffre précis, parce qu'il n'y a pas de salaire à la journée : chacun travaille comme il veut, à ses heures, parfois même sur une matière qui lui appartient. En effet, la matière première n'étant pas coûteuse, le paysan peut en faire provision à l'avance, et il fabrique alors tels ou tels organes de montre qu'il va vendre ensuite aux fabricants de Besançon. C'est une des industries où le passage de l'ouvrier au patron se fait par les transitions les plus nombreuses et les plus favorables à la paix sociale.

Dans l'ensemble du département du Doubs, l'industrie horlogère fait vivre plus de 40.000 personnes. A Besançon même, elle emploie plus de 6.000 ouvriers dirigés par 192 fabricants, ce qui représente une population de 18 à 20.000 âmes. Le chiffre d'affaires est de 25 millions, et, comme les fabriques livrent 450.000 montres, on voit que le prix moyen (boîte comprise) ne doit pas dépasser de beaucoup 50 francs; il est même probable qu'il n'atteint pas ce chiffre, car les deux tiers de ces montres sont en argent.

Besançon ne possède que 192 fabricants de montres, mais il ne faudrait pas croire que ses 6.000 ouvriers soient groupés en 192 ateliers. Jusqu'ici l'industrie de la montre, comme celle de la soie, a échappé presque complètement, du moins en Europe, au despotisme de la machine et au régime du casernement qui en est la conséquence. L'outillage mis à la disposition de l'ouvrier est peu important, le travail se fait presque entièrement à la main, les ouvriers peuvent donc travailler chez eux, en fa

mille, ou en très petits ateliers de quatre ou cinq personnes, et ils disposent de leur temps comme ils l'entendent. Ils conservent ainsi l'indépendance de leur vie domestique; les habitudes de la vie de famille se trouvent maintenues; il est seulement regrettable que la spécialisation excessive du travail leur enlève toute initiative individuelle.

On essaie de réagir contre cette tendance à l'école d'horlogerie que la ville de Besançon a fondée en 1862, et qui donne un enseignement à la fois théorique et pratique à quatre-vingts élèves admis après examen et qu'on exerce dans toutes les parties de la fabrication horlogère.

Tous les ouvriers sont payés à la tàche, excepté les graveurs, qui doivent forcément travailler en atelier et dont le travail ne se prête pas à ce mode de salaire. Quelques-unes des spécialités, surtout celles qui sont relatives à la boîte, sont adandonnées aux femmes, qui peuvent y gagner, suivant leur habileté, de 3 fr. 25 à 3 fr. 50, ou quelquefois même 4 francs. Le salaire des hommes n'est jamais inférieur à 5 fr. par jour; un ouvrier ordinaire gagne aisément 6 francs, et un bon ouvrier peut aller jusqu'à 10 francs.

Les salaires paraissent fort satisfaisants quand on les compare à ceux de la plupart des autres industries provinciales, et surtout quand on ajoute que l'industrie de Besançon ne con naît pas ces variations brusques ou ces intermittences de demandes qui entraînent si souvent, dans d'autres industries, des chômages presque réguliers à force d'être fréquents.

Aussi l'harmonie règne-t-elle toujours entre les patrons et les ouvriers, bien que ceux-ci aient gagné autrefois plus qu'ils ne gagnent aujourd'hui, par suite de l'augmentation trop rapide de la fabrication qui ne trouvait pas une quantité suffisante de bras. Les ouvriers ont cinq chambres syndicales, correspondant à cinq groupes de spécialités distinctes, et l'une d'elles, celle des monteurs de boîtes d'argent, comprend les patrons avec les ouvriers.

Malgré la petite dépression qui s'est produite depuis deux ans (la crise est trop générale pour que les ateliers de toute nature n'en subissent pas plus ou moins les désastreuses atteintes), la situation de l'industrie horlogère reste prospère.

Ses succès persévérants ont reçu une éclatante consécration, lors de la grande et solennelle Exposition de Paris.

A aucune époque, la lutte n'avait été aussi vive, aussi

animée, dans ce champ clos de toutes les forces, de toutes les ressources que le génie humain peut mettre en œuvre. Les montres américaines, si habilement recommandées au commerce, à l'issue du l'exposition de Philadelphie, n'avaient pas plus failli à l'appel de la France que les remarquables spécimens de Genève, de Neufchâtel, du Locle, etc.

Cependant, la fabrique bisontine a soutenu dignement sa réputation et son rang: les nombreuses récompenses et distinctions décernées par le jury aux artistes, fabricants et ouvriers à Besançon, en sont la preuve.

PORTEFEUILLE, T. I. — N° 7.

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DANS LES DIVERS ÉTATS DE L'EUROPE ET DE L'AMÉRIQUE

(Suite. Voir N° 2, page 75.)

BELGIQUE.

La législation actuellement en vigueur en Belgique contient certes des dispositions relatives au dépôt des marques; la loi du 22 germinal an IX porte bien notamment que «nul ne pourra former action en contrefaçon de sa marque s'il n'en a préalablement opéré le dépôt; » mais il y a controverse sur le point de savoir quelles sont les conséquences qui résultent de l'inobservation de cette formalité. Les uns prétendent qu'on ne peut obliger le propriétaire d'une marque à en faire le dépôt; que s'il n'effectue pas ce dépôt, le propriétaire d'une marque peut toujours être protégé en vertu du droit commun. Pour eux, la propriété est préexistante au dépôt, lequel n'a d'autre effet que d'investir celui qui l'a opéré d'une action spéciale.

D'autres, au contraire, prétendent que le dépôt est essentiellement attributif du droit de propriété de la marque, en ce sens que nul ne peut revendiquer ce droit, s'il n'a préalablement opéré le dépôt.

Ce dernier principe vient d'être nettement consacré par Cour de Cassation de Belgique.

la

La valeur de cette dernière décision est évidente: aussi ne saurait-on trop conseiller au propriétaire d'une marque d'en effectuer le dépôt.

Pour régler ce point ainsi que toutes défectuosités des lois actuelles, le gouvernement belge a présenté le 28 novembre 1876, aux Chambres un projet de loi concernant les marques de fabrique et de commerce. Ce projet a été voté par les Chambres et promulgué le 1er avril 1879.

En vertu de l'article 16 du Traité passé entre la GrandeBretagne et la Belgique, les sujets britanniques sont soumis aux mêmes conditions que les sujets belges pour établir leurs droits de propriété en matière de marques. Ceux qui désirent obtenir protection de leur marque en Belgique sont donc

tenus d'en déposer le modèle en triple copie au greffe du tribunal de commerce de Bruxelles. Il est dressé procès-verbal de ce dépôt sur un registre spécial. Une expédition de ce procès-verbal sera remise au déposant pour lui servir de titre contre les contrefacteurs. Ce dépôt doit être fait par la partie intéressée ou par son fondé de pouvoirs spécial. La procuration peut être sous seing privé, mais enregistrée. Le modèle à fournir consiste en un exemplaire sur papier libre d'un dessin, d'une gravure ou d'une empreinte représentant la marque adoptée. Les frais de dépôt s'élèvent environ à 10 francs à verser au préalable entre les mains du receveur..

Il n'existe aucune disposition qui prescrive aux étrangers l'obligation d'effectuer le dépôt de leurs marques dans leur pays avant de le faire en Belgique.

Le propriétaire d'une marque est toujours libre d'en effectuer le dépôt quand bon lui semble, quel que soit le temps depuis lequel il l'emploie.

En cas d'atteinte portée à leurs droits, les étrangers propriétaires de marques en Belgique peuvent réclamer: 1 des dommages-intérêts; 2° l'application des peines prononcées par le Code pénal contre l'auteur du délit. L'action en dommagesintérêts est actuellement de la compétence du tribunal de commerce de Bruxelles; l'action pour l'application des peines est soumise au tribunal correctionnel. Mais en vertu de l'art. 3 du Code d'instruction criminelle qui permet de poursuivre l'action en dommages-intérêts résultant d'un délit soit devant les juges saisis de l'action publique, c'est-à-dire devant le tribunal correctionnel, soit séparément, c'est-à-dire, devant le tribunal de commerce, la partie lésée peut évidemment s'en référer uniquement à la juridiction correctionnelle.

En considérant comme admis le principe que le dépôt est attributif du droit de propriété, l'étranger qui n'aurait pas déposé en Belgique la marque dont il se sert déjà, ne pourrait empêcher un tiers d'en faire usage. Mais comme la marque doit être nouvelle, le propriétaire primitif pourrait toujours, au moyen d'un dépôt postérieur, faire annuler la marque usurpéé, en fournissant la preuve qu'il l'a employée le premier.

En résumé, l'étranger, s'il a effectué le dépôt de sa marque en Belgique, jouit des mêmes droits relativement à cette marque que s'il s'agissait d'un régnicole.

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