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la ville de Janina et le pays de Tchamouri, et que s'il avait opiné pour cette exclusion, c'était sans doute en considération des complications que produirait la résistance bien connue des Albanais.

« La Sublime Porte est fondée à croire que les autres puissances ne peuvent que partager sur ce point les vues de M. Waddington, et qu'aucune d'elles ne doit désirer l'annexion forcée au royaume hellénique d'une population musulmane contre sa volonté et alors qu'elle serait assez nombreuse pour qu'une telle annexion devînt une source de dangers et de troubles.

«En soumettant à Leurs Excellences les considérations qui précèdent, le soussigné est autorisé à leur décl rer que la Sublime Porte, par déférence pour les puissances amies, n'en est pas moins disposée à faire, malgré tout, au royaume hellénique quelque concession, et à s'entendre avec elles en vue de hâter le règlement satisfaisant et définitif de cette question. Mais, d'un autre côté, comptant avec confiance sur les sentiments de justice des puissances qui n'ont jamais méconnu ses droits de souveraineté, elle s'attend qu'elles ne méconnaîtront non plus son droit incontestable de participer à la fixation de la ligne de frontière définitive de la Grèce au même titre qu'elle a participé à la détermination de celles de la Serbie et du Montenegro, et qu'elles voudront bien apprécier les raisons qui la mettent dans la nécessité d'insister sur la conservation de Janina, de Larissa, de Metzowo et de certaines localités habitées par une nombreuse population musulmane.

«< Enfin, le soussigné est chargé par son gouvernement d'exprimer à Leurs Excellences l'espoir que les observations contenues dans la présente Note seront prises par leurs gouvernements en bienveillante considération et de prier, par l'entremise de Leurs Excellences, les puissances médiatrices de vouloir bien autoriser leurs représentants à Constantinople à s'entendre avec la Sublime Porte en vue de faciliter les négociations tant sur la fixation définitive de la ligne frontière, que sur les points secondaires et les détails qui se rattachent à cette question.

« Le soussigné saisit cette occasion pour réitérer à Leurs Excellences l'assurance de sa haute considération. »>

PORTEFEUILLE, T. I. No 9.

Le gouvernement anglais vient de communiquer au parlement un recueil de rapports que nous pouvons à bon droit appeler une enquête sur l'Egypte. Dans ces rapports, adressés par les consuls, les vice-consuls et les agents consulaires à leur supérieur immédiat, le consul général de la Reine au Caire, il est moins question de finances que de la manière dont les lois et les règlements nouveaux ont exercé leur influence sur la situation matérielle et financière des contribuables. M. Malet a transmis tous ces rapports à Lord Granville, les accompagnant d'une lettre introductive que nous croyons devoir traduire et reproduire in extenso.

((

« M. MALET A LORD GRANVILLE,

My Lord,

Le Caire, 2 juin 1880.

« Désirant connaître l'effet produit sur le pays par les nombreux changements administratifs ordonnés sous le gouvernement actuel, et savoir jusqu'à quel point le bruit de leur succès mérite confiance, j'ai invité les consuls de S. M. en Egypte à m'informer sur ce sujet, et j'ai l'honneur de faire parvenir à Votre Seigneurie les rapports qu'ils m'ont adressés.

Leurs réponses, comme V. S. le verra, sont extrêmement satisfaisantes; elles permettent d'espérer que la position des fellahs s'améliorera d'une façon permanente, et que l'oppression dont ils ont été les victimes depuis des siècles aura cessé définitivement. On ne saurait exagérer l'importance du changement qui a dû s'opérer, quand le bâton a été arraché de la main des percepteurs d'impôts. Lorsque Riaz Pacha a donné des instructions dans ce sens, on croyait généralement qu'il avait donné meilleure preuve d'humanité que de sens commun; que l'abolition du fouet deviendrait possible alors seulement que, par une meilleure organisation des tribunaux indigènes, il y aurait des moyens légaux d'obliger le fellah à payer ses redevances. On soutenait que jusque-là, le fellah, qui ne connaît d'autre pouvoir coërcitif que le bâton, continuerait sa pratique traditionnelle et refuserait de payer les impôts. Le résultat de la mesure a prouvé, au contraire, que Riaz Pacha avait eu raison d'agir comme il l'a fait, et que l'opinion générale était erronée sur le compte des fellahs. Ceux-ci ont de

puis lors payé leurs impôts avec empressement, et, selon le rapport de M. Cookson, ils ont pris l'habitude de se préparer à l'avance pour la date fixée à la perception. Ce fait promet d'avoir les meilleures conséquences. Auparavant, le fellah n'avait aucun encouragement à produire plus qu'il ne lui fallait pour sa subsistance; il savait que ses épargnes, s'il en faisait, lui seraient enlevées; les taxes qu'il aurait à payer et l'époque de la perception lui étaient également inconnues; il savait seulement que s'il possédait plus qu'il ne lui est nécessaire pour contenir l'âme réunie au corps, le collecteur de taxes viendrait et le battrait jusqu'à ce qu'il eût tout remis.

« Les règlements concernant la corvée paraissent avoir eu un résultat moins satisfaisant qu'on ne l'espérait, non que ces règlements fussent mauvais par eux-mêmes, mais parce qu'il n'était pas possible partout d'en assurer l'exécution. Il est arrivé que des individus ayant payé le droit d'exemption, ont cependant été forcés de fournir la corvée; d'autres, des riches, ont payé les droits nécessaires pour affranchir les ouvriers et les employés attachés à leurs fermes; ceux-ci cependant, ont été forcés de donner leur travail. Les difficultés du début pourront avec le temps être vaincues, et il est à espérer que, dans l'espace d'un an, le nouveau système sera entré en pleine vigueur.

« J'observe que la Haute-Égypte se plaint du règlement qui exige le paiement des impôts en argent et non pas en nature. Il est certain que le paiement en nature est sujet à de grands abus dont le fellah est la première victime. Quand on a délibéré sur ce sujet, une partie du ministère insistait pour l'option entre le paiement en argent ou le paiement en produits; mais la majorité l'a repoussée, par ce motif que le maintien des deux modes de paiement exigerait celui de deux classes de percepteurs, que précisément les percepteurs de produits, par leur conduite notoirement injuste envers les fellahs, ont fait naître le projet de supprimer ce mode de perception, et qu'il vaut mieux de s'en tenir au paiement unique en argent, sans s'arrêter aux inconvénients qu'il peut produire au début de son exécution.

་་

«Il reste donc beaucoup à faire avant qu'on puisse dire que l'Egypte est bien gouvernée; mais le résultat des six derniers mois donne bon espoir pour l'avenir.

« J'ai l'honneur, etc.

Signé: « EDWARD B. MALET. »

Le rapport sommaire qu'on vient de lire n'a qu'un défaut, celui de l'être trop; nous ne le taxons pas d'impartialité, car il est tout aussi incomplet sur les très bonnes que sur les moins bonnes notes que lui inspire la situation de l'Egypte après six nois du nouveau Khédiviat. Il n'en saurait d'ailleurs être autrement, M. Malet ayant rédigé son rapport général sur d'autres rapports où se trouvaient déjà résumés quantité de rapports partiels ou locaux. Or, ces derniers qui ont servi de base au rapport de M. Cookson, consul à Alexandrie, et à celui de M. Borg, vice-consul au Caire, contiennent des données intéressantes et dignes d'être mises en relief.

Le rapport général de M. Malet ne peut que gagner à être ainsi complété. Lord Granville partage évidemment notre manière de voir, car au Livre Bleu contenant le travail du consul général se trouvent annexés les rapports fournis par les viceconsuls et les agents consulaires. C'est dans ces rapports locaux que nous allons puiser des informations détaillées et aussi intéressantes qu'utiles à connaître.

M. Spencer Carr, écrit de Birket-es-Sab, et cite la plus-value du sol comme une preuve de l'amélioration introduite par la nouvelle administration dans la situation des fellahs. Cette plus-value est générale, dit-il; dans certains districts, elle monte à 100 0/0, et même à ces prix, il se trouve peu de vendeurs.

Dans son arrondissement consulaire, les impôts sont payés par douzièmes; des paiements anticipés se font volontairement, et il n'a pas connaissance que les percepteurs aient rencontré de difficultés, ni que les cultivateurs aient vendu en tout ou en partie leurs récoltes sur pied dans le but de se procurer de l'argent au taux de 1 à 2 pour cent par mois, comme c'était l'usage.

M. Carr croit que la fin de l'usure est arrivée, de grands propriétaires trouvant du crédit à longue échéance, au taux de 8 et même de 7 pour cent d'intérêt l'an. Il est aussi satisfait de la marche suivie maintenant dans la distribution des eaux nécessaires à l'irrigation; par contre, il n'a pas eu connaissance d'une différence réelle dans la pratique de la corvée par le nouveau système, qui permet aux grands propriétaires, indigènes ou étrangers, de racheter du travail forcé leurs ouvriers moyennant la somme annuelle de 60 piastres à payer aux percepteurs.

M. Carr désire que le gouvernement égyptien prenne des

mesures sérieuses contre la peste bovine, qui fait des ravages considérables dans le voisinage de sa résidence.

De Zagazig, M. Félice écrit en date du 16 mai que les 5/24 exigibles ce mois pour la taxe foncière sont encaissés, que les fellahs se trouvent dans une situation aisée et tranquille, comme ils n'en avaient pas connu depuis bien des années.

Le taux d'intérêt de l'argent est tombé de 8 à 2 pour cent par mois, et il est rare que les fellahs empruntent à aucune condition; il n'y a plus de partialité ni de faveur dans la répartition des taxes, et les pauvres sont traités avec modération de manière à obtenir toute facilité pour le paiement.

La perception se fait sans torture ni prison; il n'y pas eu lieu de recourir au tribunal mixte contre les fellahs qui, ne se trouvant plus sous le coup de réclamations exagérées et intempestives, ne sont plus obligés d'emprunter de l'argent à tout prix pour éviter la bastonnade.

M. Félice se plaint de ce que le travail du cadastre n'ait pas encore commencé dans son ressort consulaire.

Quant à la corvée, il ne voit pas d'amélioration; on avait annoncé qu'il n'y aurait plus de petits garçons ni de petites filles employés à ces travaux; mais les fellahs, au lieu de payer les 60 piastres d'exemption, continuent d'envoyer leurs enfants comme remplaçants.

Pas d'amélioration, c'est peu dire, en présence des exemples qu'il donne de l'aggravation de ce système de travail obligatoire et des injustices qui se commettent à ce sujet. Ainsi il raconte que deux chefs du village de Benetf ont adressé aux autorités locales des pétitions pour obtenir que les hommes pour la corvée soient levés proportionnellement aux bras employés par chaque district, et non pas comme à présent en nombre indéterminé et causant le vide parmi les cultivateurs d'un district, tandis que dans d'autres, à la faveur de cadeaux faits. aux fonctionnaires, aucun des nombreux laboureurs n'est enlevé à son travail.

« Je suis assuré, ajoute M. Félice, qu'il n'est délivré aucun reçu, aucune quittance ni autre document à ceux qui paient les 60 piastres pour s'exempter de la corvée. D'autre côté, il y a dans la classe aisée des individus qui ne rachètent la corvée ni à prix d'argent ni au moyen d'un remplaçant, et qui cependant sont servis à souhait pour l'irrigation de leurs propriétés et le nettoyage de leurs canaux.

«Si le droit du rachat était régulièrement et impartialement

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