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BULLETIN

FRANCE. La réunion des Conseils généraux et la formation de leurs bureaux élus ou réélus attirent à juste titre l'attention publique ; cette opération préparatoire fournit non seulement l'indication de la couleur dominante au sein des Conseils, mais encore la manière dont ils comprennent leur mandat. Sur le premier point, le résultat désiré est acquis dans les Conseils où les républicains s'étaient trouvés en majorité avant les dernières élections, ils ont de nouveau fait prévaloir leurs candidats; dans d'autres, des présidents monarchistes ont dû céder la place à des républicains; nulle part, le radicalisme n'a trouvé de point d'appui pour se manifester à l'élection des bureaux.

Ce résultat est en même temps satisfaisant par l'indice qu'il fournit sur l'action future des Conseils généraux. La victoire des républicains devra les contenir dans leur rôle légal et naturel de tuteurs des intérêts départementaux. La Constitution, il est vrai, leur a déféré un mandat essentiellement politique, mais ce mandat est intermittent et n'a lieu de s'exercer que lors des élections sénatoriales. En toute autre occasion, l'incursion dans le domaine de la politique leur est interdite; le difficile est d'en trouver la limite exacte ou même approximative, de sorte qu'il n'y aura rien d'étonnant si, l'habitude aidant, ces réunions départementales restent indécises sur l'étendue et les bornes de leur compétence.

Nous n'avons pas à citer les cas si nombreux où l'usage des attributions que la loi leur reconnaît peut amener les Conseils généraux à formuler des propositions ou énoncer des vœux dépassant leur compétence, et empiétant sur le terrain de la politique que la loi leur interdit. Nous voulons cependant retenir le cas où les Conseils généraux, investis du droit et chargés du devoir de veiller à l'agriculture, au commerce, à l'industrie, en un mot à la prospérité de leurs départements respectifs, se croient autorisés à formuler un vou pour la source de toute prospérité, pour la paix, et à demander pour la sécurité des intérêts de la France au dehors, un contrôle plus actif et plus pratique que celui dont elle jouit aujourd'hui.

Un tel vœu se justifierait par l'importance permanente et majeure de cette nature d'intérêts; il se justifierait, en outre, y 12.

PORTEFEUILLE, T. I.

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par l'état actuel des affaires politiques de l'Europe et par la position que la diplomatie française a eu le tort ou la faiblesse de s'y faire. Nous n'oserions pas assurer cependant que ce vœu ne fût pas repoussé comme illégal; mais nous nous permettons d'assurer qu'il serait fondé sur les faits.

Qu'est, en effet, devenue la position de la France dans les conseils de l'Europe? A force de travail, d'économie, de sagesse politique, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, elle a reconquis une place honorée et respectée parmi les puissances; chacune d'elles est convaincue que l'abstention de la France réduirait à l'inaction la politique européenne; la France ellemême n'abuse pas de l'autorité que pourrait lui donner cette position privilégiée entre toutes, pour en vouloir retirer quelque avantage personnel. Elle s'est, au contraire, placée à la disposition des puissances; elle leur accorde largement sa représentation et sa signature; elle ne s'impose pas, comme jadis, aux autres; mais elle se place à leur remorque, sans faire attention aux évolutions qu'une politique ainsi entendue peut à tout moment lui imposer.

N'y a-t-il donc pas un moyen terme à adopter, entre une diplomatie hargneuse et une diplomatie rampante, entre une politique qui court les aventures et une politique qui les subit?

Que cette question soit ou qu'elle ne soit pas de la compétence des Conseils généraux, nous saisissons l'occasion d'y appeler de nouveau l'attention de nos lecteurs. Sans avoir en vue rien de personnel, considérant le système seul, en lui-même et dans ses résultats, cette question est d'une haute importance pour l'honneur de la France et pour la paix européenne.

ANGLETERRE. Les mauvaises récoltes et la mauvaise volonté de la Chambre des Lords ont ensemble contribué à produire en Irlande la révolte la plus irrégulière qu'elle ait jamais eu à traverser. Où est l'insurrection? dans toute l'ile, mais dans aucun centre; elle est dans l'esprit public. Quels sont les agitateurs? Les home-rulers? la land-league? Fes fenians? Qui? tous peut-être, ou un élément encore nouveau et inconnu.

Ce doute provient de la diversité des manifestations, de la variété des crimes, et de la vaste étendue du territoire où ils se commettent.

Le gouvernement a commencé par prendre les mesures possibles pour rétablir l'ordre et prévenir le retour de nouveaux

désordres; ses mesures ont été de deux natures; les unes relevant de la force armée, les autres toutes parlementaires. Mais des circonstances nouvelles ont modifié le cours des choses, en les aggravant; M. Forster s'est rendu en personne à Dublin pour étudier la situation et les remèdes à y opposer. On sait qu'en pareilles occasions l'Angleterre ne compte pas les mesures coërcitives.

Le gouvernement anglais a encore sur les bras la lourde affaire de l'Afghanistan ; il poursuit la décision qu'il a prise dès son arrivée au pouvoir, il évacue le pays, il est disposé peutêtre à abandonner les frontières scientifiques, à la recherche desquelles Lord Beaconsfield a sacrifié près de 15 millions de Livres sterling, et des vies humaines dont la valeur est audessus de toute appréciation et dont le chiffre n'est même pas connu. Le cabinet Gladstone persévère dans sa voie, non sans rencontrer les amères critiques de ceux qui ont ainsi engagé la politique des Indes, et pendant que l'armée rencontre dans sa retraite des obstacles de plus d'un genre.

Malgré toutes ces occupations si urgentes et ces préoccupations si naturelles, le gouvernement anglais trouve encore la liberté d'esprit pour préparer en Turquie le succès de sa politique personnelle, en continuant par M. Goschen l'action commencée sous le ministère précédent et par Sir Layard, en vue d'amener en Syrie des complications dangereuses à tous égards, mais propres à expliquer l'occupation de Chypre par l'armée anglaise.

M. Gladstone, protecteur de Midhat-Pacha! Pas de commentaire il nous entraînerait trop loin.

Nous publions ci-après une esquisse des frontières de la Grèce, telles qu'elles ont été établies en 1832, et proposées par la Conférence de 1880. Cette esquisse est calquée sur celle qui est annexée au Livre Bleu, dont nous terminons aujourd'hui l'analyse. A la carte anglaise, nous ajoutons les points extrêmes des tracés qui ont été proposés par la Turquie, par la Grèce par la Russie. Nous avons en outre désigné par une marque spéciale les noms des villes que la S. Porte, au maximum de ses concessions, a déclaré ne pas pouvoir abandonner.

et

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Nos lecteurs voudront bien se rappeler comment, sur la demande de l'ambassadeur d'Autriche-Hongrie, la Conférence, en sa troisième séance tenue le 21 juin, a ajourné ses délibérations pour recevoir d'abord les procès-verbaux de la Commission technique. Le bureau avait été invité à se mettre en relation avec cette Commission, pour l'inviter à présenter à la prochaine séance un rapport écrit formulant son opinion sur le tracé français et sur le tracé russe, ceux de la Grèce et de la Turquie ayant été écartés à l'unanimité comme opposés en un sens ou en un autre au 13° Protocole du Congrès.

Le rapport de la Commission technique n'étant pas prêt pour le 23, la Conférence se vit forcée d'ajourner sa quatrième séance au 25 juin.

Il y aurait une grande utilité à suivre pas à pas les délibérations de la Commission technique comme nous l'avons fait et comme nous continuerons à le faire pour celles de la Conférence; mais il y a un égal avantage à nous limiter aujourd'hui à ses conclusions pour revenir avec elles à la Conférence. Quant aux comptes-rendus de ses séances, ils renferment des informations toujours utiles à l'historien et ouvertes à la critique. Ils ne perdent donc point leur actualité, et nous avons l'intention de nous y arrêter ultérieurement.

Le tracé grec et le tracé turc ayant été écartés par la Conférence, il ne resta plus que le tracé français et l'amendement russe sur lesquels la Commission technique eut à émettre son opinion.

Voici son rapport et ses conclusions :

RAPPORT DE LA COMMISSION TECHNIQUE SUR LE TRACE DE LA NOUVELLE FRONTIÈRE TURCO-GRECQUE PROPOSÉ PAR S. E. M. L'AMBASSADEUR DE FRANCE, ET SUR L'AMENDEMENT PRÉSENTÉ PAR S. E. M. L'AMBASSADEUR DE RUSSIE.

1. Dans la séance du 16 juin 1880, S. E. M. l'ambassadeur de France a présenté à la Conférence internationale de Berlin

et formulé comme suit un projet de tracé pour la délimitation nouvelle des territoires de la Turquie et de la Grèce :

« La frontière suivra la ligne du Kalamas depuis l'embouchure de cette rivière dans la mer Ionienne jusqu'à sa source dans le voisinage de Han Kalibaki, puis les crêtes qui forment la ligne de séparation entre les bassins :

« Au nord, de la Voïoussa, de l'Haliacmon, et du Mavroneri et leurs tributaires;

«Au sud, du Kalamas, de l'Arta, de l'Aspropotamos, et du Salamyrias (Pénée ancien) et de leurs tributaires, pour aboutir à l'Olympe, dont elle suivra la crête jusqu'à son extrémité orientale sur la mer Égée.

« Cette ligne laisse, au sud, le lac de Janina et tous ses affluents, ainsi que Metzovo, qui resteront acquis à la Grèce. << Toutes ces communications se rapportent à la Carte de l'État-major austro-hongrois. >>

Ce projet a été renvoyé à l'examen de la Commission technique convoquée à cet effet le 17 juin.

2.. Le surlendemain, 19 juin, cette Commission a été saisie de l'amendement suivant présenté par S. E. l'ambassadeur de Russie:

Amendement, proposé par le plénipotentiaire de Russie :

« Adopter, pour la partie du tracé occidental, le système des crêtes de montagnes, pareillement à celui proposé pour la frontière orientale, en se guidant autant que possible sur le tracé du projet hellénique, à partir du point de Saint-Georges sur la côte de l'Épire, au nord du lac de Butrinto, jusqu'à l'endroit ù oletracé hellénique rejoint le tracé français aux environs et au sud-est de Paraplana (Carte autrichienne). »

3. Le présent Rapport a pour objet de faire connaître à la Conférence l'opinion définitive de la Commission technique sur le meilleur tracé à adopter.

4. Les Commissaires appelés à discuter cette question importante ont cherché surtout à s'inspirer de l'esprit du Protocole n° 13 du Congrès de Berlin, qui porte:

« Le Congrès invite la Sublime Porte à s'entendre avec la Grèce pour une rectification de frontières en Thessalie et en Épire, et est d'avis que cette rectification pourrait suivre la vallée du Salamyrias (ancien Pénée) sur le versant de la mer Egée et celle du Kalamas, du côté de la mer Ionienne. »

Leur mission consiste à définir une ligne de démarcation qui, comme l'a dit M. Waddington, montre bien à la fois « à

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