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«<tions des cabinets, si elle doute de l'unanimité de toutes les << puissances. >>

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Avec M. Goschen, tous ses collègues pourront, à la clôture de la conférence, emprunter les termes d'une dépêche du prince de Metternich, et déclarer au grand-vizir: « qu'il ne convient << pas aux cabinets de rester spectateurs d'une situation dont la prolongation indéfinie pourrait amener des catastrophes incal«< culables; que si telle était la pensée de la Porte, des consi« dérations plus élevées ne permettent pas aux puissances de « se rendre complices de ses erreurs, et que, mieux éclairées « que le ministère ottoman lui-même sur ce que ses véritables « besoins lui prescrivent, et lui offrant son intervention autant « pour son propre salut que pour les grands intérêts qu'elles « ont à défendre, elles lui demandent une juste déférence à leurs avis comme condition et gage du maintien de ces rela«tions amicales dont la S. Porte ne pourrait jamais mécon« naître le prix. »>

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On pourra, en Conférence, tomber d'accord et se décider à prononcer ces paroles; mais pourra-t-on également s'accorder sur la nature des moyens auxquels ou aura recours pour triompher d'une résistance obstinée de la part du Sultan et de ses conseillers?

La pression morale du concert des puissances est alléguée commme suffisante; en le pensant, on commet, selon nous, la même erreur qu'en 1823, 1877 et 1878; les ministres de la Porte découvriront, imagineront, s'il le faut, des nuances dans les vues et dans le langage des cabinets, et ils continueront à écouter la voix de leur orgueil plus que celle de la raison.

La proposition anglaise n'a pas d'ailleurs seulement pour objet les questions de délimitation; celles-ci occupent le premier rang comme étant plus promptement susceptibles d'une solution qui puisse établir la paix matérielle dans la péninsule des Balkans. Il y a encore, et, à notre point de vue, il ya« surtout » la question des réformes intérieures; les cabinets ne peuvent s'empêcher de l'étudier dans la Conférence, prolongée à Berlin ou renouvelée dans une autre Capitale. L'article 23 et F'article 61 du Traité leur donnent le droit, leur imposent le devoir de s'occuper du sort des provinces restées turques dans toute la force du terme; ce droit, les cabinets l'exerceront; ce devoir, ils le rempliront; mais, moins heureux que dans les questions de frontières, ils n'ont devant eux aucune solution tangible; ils rencontreront plus que la résistance de l'orgueil

turc, ils rencontreront celle de de l'égoïsme ture: orgueil et égoïsme invincibles, si l'on n'arrive pas à séparer la cause du Sultan d'avec celle de ses conseillers, ou mieux et afin de moins toucher les personnes, la cause des sultans d'avec celle de l'oligarchie qui exploite l'empire et son souverain.

(A suivre.)

DE LA GRÈCE

(Suite. Voir N° 1, p. 23.)

Le deuxième Livre Jaune relatif à cette question, embrasse un peu plus de trois mois, depuis l'avènement du ministère Freycinet en France jusqu'à la veille de la chute du ministère Beaconsfield en Angleterre. On sait déjà que ces nouvelles négociations, ou plus exactement ces négociations prolongées n'ont pas abouti, puisqu'une Conférence est ou va être convoquée pour examiner et résoudre, si elle le peut, la question en suspens. Cependant il n'est pas indifférent de voir comment les négociations ont été tenues sous la direction de M. de Freycinet, et la nouvelle manière dont M. de Salisbury s'est servi pour empêcher le treizième Protocole et le vingtquatrième article de devenir une réalité. La lecture de ces pièces révèle en outre ce que nous avons toujours soutenu, en mettant en relief les sous-entendus, et les dissensions que le Traité de Berlin cache dans son sein.

Les Conférences entre les plénipotentiaires ottomans et les plénipotentiaires hellènes n'étaient pas officiellement closes, mais c'est tout comme, car d'un côté la S. Porte ne les a convoqués, et d'autre côté, il était devenu évident pour tous que l'entente ne s'établirait point entre la Turquie et la Grèce directement, suivant le conseil du Protocole de Berlin, et sans l'application de la médiation des puissances prévue par l'article 24 du Traité.

Quelque forme que pût prendre cette médiation dans son exécution, sa corrélation avec le Protocole eût semblé devoir lui imposer un principe, celui-là même que le Congrès avait adopté à l'unanimité. M. Waddington l'avait abandonné, espérant sans doute gagner à ce prix le concours sincère et pratique du cabinet anglais et de son ambassadeur à Constantinople. M. de Freycinet conserva intacte la proposition émanée de son prédécesseur; tous les cabinets y avaient adhéré, sauf le cabinet anglais; c'était pour M. de Freycinet un motif de la conserver, d'expliquer généreusement le retard que mettait Lord Salisbury à répondre aux ouvertures françaises « par les exigences particulières de la saison que nous «< traversons, écrivait-il le 3 janvier à M. de Saint-Vallier,

<< et qui chez nos voisins amène pendant quelques jours une « suspension presque complète des affaires. »

M. de Freycinet ne douta pas qu'il ne fût sous peu informé de la manière de voir du cabinet de Londres sur la suggestion de M. Waddington. Cependant, quand le 7 janvier il demanda à Lord Lyons s'il pouvait espérer connaître bientôt les intentions de son gouvernement, celui-ci répondit qu' <<< avant d'arrêter ses vues à ce sujet, Lord Salisbury avait désiré savoir si le nouveau ministère français maintenait intégralement la proposition présentée aux cabinets par M. Waddington. « Je n'ai voulu, écrit le lendemain M. de <«< Freycinet, laisser aucun doute dans son esprit et je lui ai indiqué les raisons d'intérêt général qui me paraissent militer « pour que l'Europe conduise, le plus tôt possible, à bonne fin « une question depuis trop longtemps restée en suspens. J'ai «< invité l'amiral Pothuau à insister auprès de Lord Salisbury «< afin d'obtenir une réponse, et nous ne saurions maintenant « tarder à la recevoir. >>

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Il reçut en effet, non pas une réponse, mais un avant-goût de ce que serait la réponse définitive. « Lord Salisbury n'est «< pas encore tout à fait prêt à répondre, rapporte l'amiral << Pothuau en date du 12 janvier; il le sera bientôt, après « avoir consulté ses collègues du gouvernement de la Reine, << mais il craint de ne pouvoir nous donner complète satisfaction « sur la partie du tracé qui, en Thessalie, concède à la Grèce «< un accroissement de territoire selon lui trop considérable. Il « ne voudrait pas d'ailleurs que cette proposition, si elle était adoptée par les Puissances signataires du Traité de Berlin, « sous forme collective, fût présentée à la Turquie et à la «Grèce comme devant entraîner l'emploi de la force, dans le " cas où elle n'obtiendrait pas leur agrément. Dans son opinion, «< cela ne devrait être qu'un simple «< conseil » donné dans « l'intérêt des deux puissances en présence pour terminer leur différend. >>

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En adressant ce rapport à Paris, M. Pothuau a eu lieu d'espérer que les arguments qu'il a fait valoir auprès de Lord Salisbury lui ont démontré la nécessité d'une prompte solution. M. de Freycinet crut cependant utile d'accepter la solution et de prévenir une réponse calquée sur les objections faites par Lord Salisbury à l'ambassadeur de France; il lui adressa donc de nouvelles instructions destinées à les réfuter ou écarter. Voici le texte de cette dépêche.

«Paris, le 15 janvier 1880.

« Monsieur l'Amiral, votre dépêche du 12 de ce mois me rend compte du premier entretien que vous ayez eu avec le marquis de Salisbury après votre retour à Londres. Parmi les questions que vous abordez, celle qui présente l'intérêt le plus immédiat pour nous est assurément l'affaire des frontières grecques, et vous avez répondu de tout point aux intentions du Gouvernement en pressant le principal Secrétaire d'État de la Reine de vous faire connaître le plus tôt possible la manière de voir du cabinet de Londres sur le projet de transaction suggéré par la France. Toutes les autres Puissances signataires du Traité de Berlin ont émis un avis favorable à cette combinaison; mais la réussite n'en saurait être assurée tant que l'Angleterre se maintient dans la réserve.

«Lord Salisbury, tout en disant qu'il n'était pas encore prêt à formuler une réponse, vous a fait entendre quelques obsertions, d'où il est sans doute permis de préjuger, dans une certaine mesure, les sentiments du gouvernement britannique. Sur le fond même de la proposition, il a objecté qu'elle attribuait à la Grèce une proportion de territoire trop considérable du côté de la Thessalie. Quant à la forme sous laquelle elle devait être présentée aux deux parties intéressées, il a exprimé l'opinion qu'il conviendrait de la leur soumettre à titre de simple conseil, et qu'il était désirable que les puissances. s'abstinssent de toute action collective pouvant entraîner des mesures de coërcition matérielle.

<< Les indications qui vous ont été transmises par mon prédécesseur vous fournissent tous les arguments nécessaires pour justifier l'adoption de la ligne qui a été considérée comme le tracé le plus véritablement conforme à l'intérêt mutuel de la Turquie et de la Grèce. Les concessions que ce projet implique en faveur de la Porte du côté de l'Épire, sont certes assez importantes pour que la Grèce soit fondée à attendre une large compensation en Thessalie. La démarcation que M. Waddington a suggérée entre le massif du Pinde et le littoral de la mer Égée a eu pour but de tenir compte des convenances à la fois ethnographiques et topographiques qui doivent faire pencher la balance dans cette question. Le Congrès de Berlin s'était attaché à cet ordre complexe de considérations, lorsqu'il a envisagé l'éventualité d'une délimi

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