Images de page
PDF
ePub

nationaux qualifiés pour procéder, à l'avenir, en vertu de règles préétablies, à l'admission des membres de nouveaux groupements au bénéfice du régime minoritaire.

La XXI Conférence de l'Union interparlementaire, tenue à Copenhague du 15 au 17 août 1923, a adopté le texte suivant (point 2 de la Déclaration des droits et devoirs des minorités) : « Tout ressortissant d'un État a le droit de faire devant les pouvoirs compétents de cet État une déclaration décisive d'appartenance à la majorité ou à une minorité de race, de religion ou de langue. Cette déclaration doit être faite librement, sans contrainte, et sans entraîner pour le déclarant aucune conséquence préjudiciable. » Ce texte nous semble ne tenir compte que des intérêts de l'individu, sans sauvegarder ceux de l'État. Et cependant, les intérêts de ce dernier doivent être aussi peu sacrifiés que ceux de la minorité : les uns et les autres doivent être délimités par une autorité impartiale internationale. A ce sujet nous partageons les idées du savant allemand Kurt Wolzendorff, exposées dans une fort intéressante brochure « Grundgedanken des Rechts der nationalen Minderheiten, » Berlin, 1921. Les nations, dit cet auteur, sont des manifestations de la vie sociale (soziale Lebenserscheinungen), qui peuvent et doivent être constatées objectivement. Malgré toute l'importance qu'il faut attribuer à la conscience nationale, la création des nationalités ne saurait devenir un « sport. » La constatation de l'existence (Vorhandensein) d'une nationalité appartient à l'État, mais seulement tant qu'il n'existe pas une organisation internationale qui pourrait assumer cette tâche1.

1. Wolzendorff, op. cit., p. 23-24.

TROISIÈME PARTIE

LES DROITS ET LES DEVOIRS DES MINORITÉS

L

α. DROIT POSITIF.

Es personnes appartenant à des minorités jouissent, dans le système des traités, de différents droits, au triple titre d'habitants, de ressortissants ou de membres d'une minorité. C'est dans ce même ordre que nous croyons le plus utile d'exposer le contenu des traités.

I. - Droits reconnus aux membres des minorités
en leur qualité d'habitants.

PROTECTION DE LA VIE Et de la libeRTÉ

PERSONNELLE ET RELIGIEUSE.

L'article 2 du traité polonais, reproduit par tous les autres traités, porte :

« Le Gouvernement polonais s'engage à accorder à tous les habitants pleine et entière protection de leur vie et de leur liberté, sans distinction de naissance, de nationalité, de langage, de race ou de religion. »

<< Tous les habitants de la Pologne auront droit au libre exercice, tant public que privé, de toute foi, religion ou croyance, dont la pratique ne sera pas incompatible avec l'ordre public et les bonnes mœurs. >>

Le contenu de ces stipulations n'a besoin d'aucun commentaire. Ce qu'il faut souligner, c'est la forme générale que leur ont donné les traités de minorités, en englobant dans la protection tous les habitants du pays. Il a semblé bon aux auteurs des traités de soustraire à l'arbitraire de l'État, non seulement le droit à la vie et à la liberté de ses ressortissants appartenant à une minorité, mais également celui des ressortissants appartenant à la majorité, et celui de tous les étrangers. C'est la consécration, sur une plus vaste échelle, de l'intervention d'humanité, jusqu'ici exercée, en Turquie et dans les États balkaniques, au seul profit des minorités.

II. - Droits reconnus aux membres des Minorités en leur qualité de ressortissants.

[blocks in formation]

L'ACQUISITION ET LA PERTE DE LA NATIONALITÉ.

Un autre principe consacré par les traités de minorités est celui de l'égalité entre tous les ressortissants des États liés par ces traités. Ces États se trouvant être, sans exception, des États nouveaux soit nouvellement créés, soit transformés à la suite de la guerre mondiale, une question préalable se pose, vitale pour toutes les personnes habitant ces nouveaux États au moment de leur constitution celle du droit d'acquérir la nationalité du nouvel État, celle également du droit de s'en affranchir. Aussi les traités de 1919-20 ont-ils eu soin de résoudre cette question par des règles précises.

Dans le système des traités, chacun des deux faits suivants confère, de plein droit et sans aucune formalité, la nationalité de l'État nouvellement créé ou agrandi aux anciens sujets de l'État démembré : 1) le domicile sur le territoire cédé, lequel domicile, pour les États créés ou agrandis de territoires ayant fait partie de l'ancienne monarchie austro-hongroise, est remplacé par l'indigénat, c'est-à-dire le lien légal de l'individu avec une commune déterminée; 2) la naissance, sur le territoire cédé, de parents y étant domiciliés.

En ce qui concerne les États qui ne sont pas exclusivement composés de territoires cédés en vertu des Traités, mais qui ont été seulement agrandis, la question supplémentaire se pose si le changement de nationalité affecte les sujets de l'État cédant, domiciliés ou nés dans les anciennes parties de l'État agrandi. Cette question est résolue différemment. La nationalité de l'État serbe-croate-slovène est conférée aux ressortissants autrichiens, hongrois ou bulgares domiciliés ou nés, non seulement sur le territoire cédé, mais en général, sur tout le territoire yougoslave (art. 3). La Grèce, par contre (art. 3), limite les changements de nationalité aux ressortissants bulgares ou turcs nés ou domiciliés sur les seuls territoires transférés à la Grèce (art. 3-4); la Roumanie étend les effets du domicile des ressortissants autrichiens ou hongrois à tout son territoire (art. 3), mais limite ceux de la naissance aux territoires roumains nouveaux (art. 4).

Dans le système de certains traités, le domicile ou l'indigénat confèrent la nouvelle nationalité de plein droit seulement dans les cas où il n'est pas trop récent; dans les cas contraires, une autorisation spéciale de l'État cessionnaire est nécessaire. Ainsi, l'article 91 du traité de Versailles dispose que les ressortissants allemands qui auraient établi leur domicile sur les territoires faisant partie

de la Pologne postérieurement au 1er janvier 1908, ne pourront acquérir la nationalité polonaise qu'avec une autorisation spéciale de l'État polonais. Des dispositions analogues figurent aussi dans les traités de Saint-Germain (art. 71 et 76) et de Trianon (art. 62) en ce qui concerne les ressortissants autrichiens et hongrois établis sur les territoires de la Tchécoslovaquie et de l'État serbe-croate-slovène, ainsi que dans le traité de Neuilly (art. 39 et 44) en ce qui concerne les ressortissants bulgares établis sur les territoires de l'État serbe-croate slovène ou de la Grèce.

En ce qui concerne le second fait attributif de la nouvelle nationalité, la naissance sur le territoire cédé, il doit, selon tous les traités, être cumulé avec le domicile des parents. « La Pologne, dit l'article 4 du traité avec cet État, reconnaît comme ressortissants polonais de plein droit et sans aucune formalité, les personnes de nationalité allemande, autrichienne, hongroise ou russe qui sont nées sur le dit territoire de parents y étant domiciliés, encore qu'à la date de la mise en vigueur du présent traité, elles n'y soient pas elles-mêmes domiciliées. »

La Cour permanente de Justice internationale a émis, à la date du 15 septembre 1923, l'avis « que l'article 4 du Traité susmentionné (avec la Pologne) se réfère uniquement au domicile des parents au moment de la naissance de l'individu1. »

La nationalité de l'État cessionnaire conférée de plein droit, du fait du domicile ou de la naissance sur le territoire cédé, peut être répudiée, dans les deux cas, par la volonté de l'individu intéressé. Dans le cas où la nouvelle nationalité leur est conférée du fait de leur naissance sur le territoire cédé, les intéressés peuvent, dans un délai de deux ans, renoncer à cette nationalité devant les autorités compétentes de l'État cessionnaire dans le pays de leur résidence et conserver ainsi leur ancienne nationalité. Dans le cas où ils ont changé de nationalité du fait de leur domicile ou indigénat, les intéressés ont un droit d'option pour leur patrie démembrée, qui varie dans les différents traités entre un an et deux années. Mais le droit d'option peut être exercé non seulement en faveur de la nationalité primitive, comme c'était le cas dans tous les traités conclus avant la guerre. Les traités de 1919-1920, animés, à un plus grand degré que leurs devanciers, du respect pour le principe des nationalités, permettent aux anciens sujets de l'État démembré, établis sur un de ses anciens territoires, d'opter non seulement pour la nationalité primitive, mais également pour celui des nouveaux États, nés ou agrandis à la suite du démembrement, auxquels les attache leur

1. Série B, Recueil des avis consultatifs de la Cour, no 7, avis consultatif donné par la Cour à la date du 15 septembre 1923 sur la question de l'acquisition de la nationalité polonaise, p. 21.

« PrécédentContinuer »