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facrileges, & par toutes fortes d'excès; quelquefois jufqu'à effufion de fang (*). Eudes donna l'an 1198. un Mandement pour retrancher un defordre fi fcandaleux. Mais il y a grande apparence que par fon autorité il ne put venir à bout de retrancher abfolument la Fête des Foux dans fon Eglife, puifqu'elle fubfiftoit encore 240 ans après, comme on en peut juger par la cenfure de la Faculté de Théologie de Paris, en datte du 12 Mars 1444. rapporté à la fuite des Oeuvres de Pierre de Blois, page 788.

Mervefin,

mus,

Noftrada

La Provence que les Romains Faucher, avoient tant eftimée, a toûjours paffé pour un païs dont les Habitans font nés avec une agréable vivacité d'efprit, & une certaine gayeté, à laquelle la chaleur du climat contribue peut-être. C'est-là que vers la fin du XI. Siecle on vit paroître ces aimables génies, qui tirerent les

(*) Et au fortir de là fe promenoient dans des

Chariots les Rues &
par
montoient fur des efchaf-
fauts, chantans toutes les
chanfons les plus vilaines
& faifans toutes les poftu-

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Mervelin.
Fauchet.

nus.

Mufes de l'affoupiffement où elles étoient depuis long tems en France, & donnerent l'idée des Spectacles qui parurent dans la fuite. Ces Poëtes Provençaux, qu'on appella Trouverres, ou Troubadours, c'eftà-dire inventeurs, compoferent différentes fortes de Poëfies qui furent nommés Chant, Chanterel, Chanfon, Son,Sonnet, Vers, Mot, Layz, Depport,Soulas, Pastorales, Syrventes, Tenfons, & Comédies. (Nous ne parlerons que des trois derniers genres, les autres étant étrangers à notre fujet.) De plus ces Trouverres eurent la gloire d'avoir les premiers fait fentir à l'oreille les veritables agrémens de la rime. Jufqu'à eux elle étoit indifféremment placée au commencement, au repos, & à la fin du Vers. Ils la fixerent où elle eft maintenant, & il ne fut plus permis de la changer.

Les voyages pour le recouvrement de la Terre-Sainte, que tous

Noftrada- les Princes de l'Europe entreprirent dans le XI. fiecle, & les Victoires qu'ils remporterent fur les Infideles, furent célébrées par les Troubadours: les Pieces qu'ils compoferent

à ce fujet, & qu'on nomma Syra ventes,étoient des efpeces de Poëmes mêlés de louanges, & de fatires. A l'égard des Tenfons,c'étoient des demandes fines & délicates fur l'amour,& fur les amans: En voici quel ques-unes pour en donnner une idée.

Un amant a eu deux maîtreffes ; l'une ne lui a accordé fon cœur qu'après de longues pourfuites; l'autre ne l'a pas fait foupirer longtems: on demandoit à laquelle des deux il avoit plus d'obligation.

Un amant eft fi jaloux qu'il s'allarme de la moindre chofe, un autre eft fi prévenu de la fidélité de fa maîtreffe qu'il ne s'apperçoit pas feulement qu'il a de juftes fujets de jaloufie, on demandoit lequel des deux marquoit plus d'amour.

Deux Dames ont chacune un amant, celui de la premiere compte aller éxercer fa valeur, & fon adreffe à un Tournois qui fe prépare, cependant comme cette maîtreffe lui défend d'y aller, il obéit: La feconde au contraire, ordonne à fon amant de fe trouver à ce même Tournois, & quoiqu'il foit foible & peu courageux, il part dans le

Fauchet.

mus.

moment même. On demande lequel de ces deux amans a marqué plus d'amour pour fa Dame.

. Ces demandes donnoient lieu à mille ingénieufes réponfes; & parce que les fentimens étoient toûjours parta gés, il en naiffoit d'agréables difputes qu'on appelloit Jeux mi-partis.

Ces difputes étoient envoyées à une fociété de Dames, autant illuftres par leur naiffance, que par leur fçavoir, qui réfidoient ordinairement à Romanin, ou à Pierre-feu, qui donnoient leur décifion fur les différentes matiéres que l'amour peut fournir. Elles rendoient leurs jugemens fur les jaloufies, & fur les brouilleries des amans: c'eft pour celà qu'on appelloit cette Société la Cour d'Amour.

Ces Poëfies mirent la Langue Noftrada. Provençale en ufage par toute l'Europe, & les Troubadours en une fi grande réputation, que les deux Empereurs, Frederic premier, & fecond du nom, en attirerent plufieurs à leur Cour. Richard Coeurde - Lyon, Roi d'Angleterre, les honnora de fon amitié, & de fes bienfaits. Le Roi Louis le jeune,

non feulement les reçût à fa Cour & leur fit d'auffi riches préfens que les Princes que l'on vient de nommer; mais même quand il partit en 1147. pour la conquête de la TerreSainte, il voulut en avoir à fa fuite, efpérant qu'ils lui feroient d'un grand fecours pour adoucir les ennuis d'un fi long voyage.

Avant que de rendre compte des Comédies, compofées par les Trouverres ou Troubadours, il eft néceffaire de parler des Conteurs, Chanteurs, & Jongleurs qui parurent dans le même tems.

Police.

Les premiers compofoient les Pro-Traité de la fes hiftoriques & romanefques; car Noftradail y avoit Romans rimés,& fans rime. mus. Les Romans rimés étoient faits par les Trouverres, & les autres par les Conteurs. Ce fut alors qu'on parla des Soudans d'Acre, de Damas de Babylone, & autres Princes de l'A fie inconnus avant les voyages d'Outre-mer.

Les Chanteurs, dont le nom ex• primè affés l'emploi, chantoient les productions des Poëtes Troubadours; à l'égard des Jongleurs, ils étoient plus anciens que ceux dont

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