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RECUEIL GÉNÉRAL

De Jurisprudence, de Doctrine et de Législation Coloniales

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PARIS

A l'Administration du Recueil Général de Jurisprudence, de Doctrine
et de Législation Coloniales et Maritimes « La Tribune des Colonies

et des Protectorats »

33, Chaussée-d'Antin, 33

1908

JUL 26 1923

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Le propriétaire d'un navire doit être considéré comme ayant renoncé à la faculté d'abandon, lorsqu'après l'assignation à lui délivrée il a continué à le faire naviguer, sans avoir eu jamais l'intention de l'abandonner, le navire ayant une valeur plusieurs fois supérieure au montant de sa dette (1).

Du moins, l'appréciation des juges du fond à cet égard échappe à la Cour de cassation (2).

(Beck c. Bocquelet).

M. Beck, armateur à Dunkerque du vapeur Justin, qui avait coulé, le 3 octobre 1905, le lougre de pêche Notre-Dame des Dunes, armateur Bocquelet, s'est pourvu en cassation contre un arrêt de la Cour d'ap

(1, 2) En principe, le laps de temps écoulé depuis l'acte ou le fait, cause des obligations du navire, ne permet pas aux créanciers de repousser l'abandon que le propriétaire a le droit de faire.

Pourtant, la faculté d'abandon, n'étant pas d'ordre public, peut être perdue par la renonciation expresse ou tacite du propriétaire. (V. Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. com., 2o éd., t. V, n. 254 et s., p. 155 et s.).

La renonciation tacite s'induit d'actes du propriétaire du navire, impliquant qu'il consent à être tenu même sur sa fortune de terre.

Quant à la question de savoir quand un acte doit être considéré comme ayant cette portée, c'est une question de fait à apprécier par le juge dans chaque affaire, suivant les circonstances. (V. Lyon-Caen et Renault, op. et loc. cit.).

On a discuté particulièrement la question de savoir si le fait par l'armateur de faire naviguer le navire tenu de la dette après l'assignation qu'il a reçue du créancier constitue une renonciation à la faculté d'abandon. Pour MM. Lyon-Caen et Renault (op. cit. p. 157, n. 261), le propriétaire qui continue à employer le navire à l'usage auquel il est destiné ne fait qu'user de son droit; l'assignation qu'il reçoit ne peut être assimilée à une saisie qui, seule, mettrait obstacle à la navigation. M. de Courcy (Questions de dr. marit. 2a série, p. 175 et s.) partage cette opinion. A la raison invoquée, qui ne nous paraît pas suffisante, on peut en ajouter une autre, c'est que le seul fait de la réception par l'armateur de l'assignation n'implique

pel de Douai du 28 décembre 1906, qui avait refusé de valider l'abandon par lui consenti de son navire pour le paiement de la dette née de l'abordage.

Il a invoqué, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique suivant :

Violation de l'art. 216 C. com. par fausse application de l'art. 1382 C. civ., en ce que, reconnaissant que l'armateur conserve la faculté de faire abandon du navire en le faisant naviguer postérieurement aux faits motivant l'abandon, l'arrêt attaqué l'a néanmoins déclaré irrecevable à le faire par cela seul que le navire a péri par un cas fortuit, pendant cette navigation, en prétendant assimiler cette perte à un fait personnel à l'armateur engageant sa fortune de terre.

La Cour, après avoir entendu M. LETELLIER, conseiller, en son rapport, Me GOSSET, avocat, en ses observations, et M. l'avocat général LOMBARD, en ses conclusions, a rendu l'arrêt suivant :

LA COUR :

Sur le moyen unique pris de la violation de l'art. 216 C. com. par fausse application de l'art. 1382 C. civ. :

Attendu qu'un abordage ayant eu lieu le 5 octobre 1904 entre le vapeur Justin et le lougre de pêche Notre-Dame des Dunes qui fut coulé dans le sinistre, Becquelet, propriétaire de ce dernier bateau, assigna le 3 février 1905 le capitaine et l'armateur du Justin en responsabilité de l'abordage; qu'un arrêt de la Cour de Douai du 28 septembre 1905 a définitivement admis cette responsabilité ;

Attendu que, malgré l'action dont il était l'objet, Beck a continué à faire voyager le Justin qui s'est perdu à son tour pendant le procès, le 29 août 1905, et que l'abandon qu'il en a effectué le 1er décembre suivant a été repoussé par l'arrêt attaqué;

Que cette décision est juridique; qu'elle constate en effet que le propriétaire du navire abordeur a fait naviguer, postérieurement à l'assignation qui lui avait été délivrée, le bâtiment qui constituait le gage unique de son créancier, et que, ce bâtiment ayant une valeur dix fois supérieure à celle du bateau coulé, Beck n'avait nullement eu l'intention de l'abandonner;

Que les juges du fond ont pu conclure de ces faits que le demandeur en cassation avait renoncé à se prévaloir du bénéfice de l'art. 216 et que leur appréciation échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Par ces motifs :

Rejette.

pas qu'il reconnaisse la dette dont son navire est tenu, et dès lors pourquoi aurait-il à prendre un parti sur l'exercice de la faculté d'abandon: son option ne peut se con. cevoir qu'autant que la dette n'est point contestée ou que la décision de justice qui la proclame est passée en force de chose jugée. Cette opinion est partagée par Haumont et Lévarey (Les transports maritimes, n. 804). Suivant certains auteurs, la faculté d'abandon existe même après une condamnation devenue définitive, tant que le propriétaire n'a pas laissé accomplir des actes d'exécution sur sa fortune de terre. Quant à la jurisprudence, elle s'est prononcée en sens contraire: V. Poitiers 3 juill. 1876 (D. 77, 2, 70), et l'arrêt recueilli consacre à nouveau cette opinion, mais dans des circonstances de fait toutes particulières le navire abordeur avait en effet une valeur dix fois supérieure au navire abordé; il n'avait subi aucun dommage dans la collision et il avait continué à naviguer longtemps, jusqu'au jour où il avait été luimême victime d'un accident de mer qui avait entraîné sa perte totale. Dans ces conditions, il eût été bien difficile d'admettre que l'armateur n'avait pas renoncé à la faculté d'abandon.

ARTICLE 2469.

COUR DE CASSATION (CH. CIVILE).

Présidence de M. BALLOT BEAUPRÉ, 1er président.

Audience du 30 avril 1907.

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MOYEN NOUVEAU.

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AUTORISATION DE PLAIDER. ORGANISATION DES COLONIES.
II. SUCCESSIONS VACANTES.
FRAIS DE JUSTICE.

ORDRE PUBLIC.

CURATEUR.

FONCTIONNAIRE.

CAUSE DE LA COLONIE.

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MISE EN

I. Au Sénégal, d'après le décret du 4 février 1879, art. 33, no 5, aucune action ne peut, sauf le cas d'urgence, être introduite et il n'y peut être défendu au nom de la colonie sans que le conseil général ait statué sur l'instance à intenter ou à soutenir (1).

(1) C'était là une question générale et de principe, et la solution donnée par l'arrêt nous semble incontestable. La colonie du Sénégal et dépendances a été, par décret du 10 août 1872, dotée d'institutions municipales de plein exercice, et la population a été appelée à participer à l'établissement du budget local, à l'examen des questions intéressant l'assiette de l'impôt et le tarif des contributions publiques de la colonie. Puis fut institué, par décret du 4 février 1879, un conseil général nommé au suffrage universel, investi de la plupart des attributions que les sénatus-consultes des 3 mai 1854 et 4 juill. 1866 (Sirey, Lois annotées, année 1866, p. 48; Pand. franç., Lois, Décrets, etc., 1866, p. 84) ont conférées aux conseils locaux des Antilles et de la Réunion, et organisé comme les assemblées locales des diverses grandes colonies. Or, ce décret (publié au Bulletin Officiel de la Marine, 1879, 1, p. 257, et rapporté au Dalloz, Périod., 1879, 4, p. 52, et Dalloz, Répertoire, v° Organisations des colonies et protec torats, n. 384) comporte un article conçu en ces termes: Art. 35. « Le conseil général « statue, en ce qui concerne les territoires compris dans l'étendue des circonscripa tions électorales...: 5° sur les actions à intenter ou à soutenir au nom de la colonie, « sauf dans les cas d'urgence où le gouverneur peut intenter toute action ou y dé« fendre sans délibération préalable du conseil général et faire tous actes conserva<< toires. >>

Cette disposition implique évidemment que puisque, dans la présente affaire, aucune urgence n'était établie ni même invoquée (non constatée en tout cas par l'arrêt attaqué), une délibération préalable du conseil général du Sénégal était indispensable pour habiliter l'administration à représenter la colonie devant les tribunaux. Une jurisprudence constante en décide ainsi en ce qui concerne les administrations communales (V. Serrigny, 2o édit., I, n. 406). De même, il a été jugé, en matière coloniale, que la disposition similaire de l'art. 1 § 5 du sénatus-consulte du 4 juillet 1866 s'applique à toutes les actions dans lesquelles la colonie (Guadeloupe, Martinique ou Réunion) est en cause, aussi bien quand il s'agit de son domaine que de tout autre de ses intérêts: Cass. 28 mars 1893 (Penant, Rec. gén. 1893, I, 350, 188; D. 1894, 1, 293; S. 1896, 1, 326). V. aussi Civ. rej. 13 janv. 1890 (S. 1893, 1, 230); Req. 18 juill. 1900 (Penant, Rec. gen. 1900, p. 312 et note), et Cour Nouméa 20 nov. 1902. Cf. Civ. cass. 18 oct. 1904 (Penant, Rec. gen. 1903, p. 42, et la note faisant des réserves basées sur des considérations d'espèce; S. 1905, 1, 259; D. 1905, 1, 32). Doctrine conforme (V. notamment Fuzier-Herman, v Autorisation de plaider, n. 784).

Or, en l'espèce, l'existence d'une autorisation du conseil général du Sénégal habi. litant le gouverneur général de la colonie à suivre sur son appel ne ressortait ni des qualités du jugement du tribunal de Saint-Louis du 17 juin 1899, ni de celles de l'arrêt attaqué. La défense entendait, il est vrai, tirer argument d'une délibération du conseil général qui, le 30 décembre 1897, avait approuvé une décision de la commission coloniale refusant l'inscription au budget du montant des condamnations aux dépens prononcées antérieurement contre le curateur. Mais, comme l'a déclaré avec raison la chambre civile, il ne s'agissait nullement là de l'autorisation exigée par le décret susvisé la délibération n'avait pu porter sur la défense à une action qui, en fait, n'a été dirigée contre l'administration que beaucoup plus tard. Dans ces conditions, la cassation de l'arrêt attaqué s'imposait.

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