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MADAME JOURDAIN.

Madame, je vous prie aussi de ne vous point embarrasser de ce qui ne vous touche pas.

DORANTE.

C'est l'amitié que nous avons pour vous qui nous fait intéresser dans vos avantages.

MADAME JOURDAIN.

Je me passerai bien de votre amitié.

DORANTE.

Voilà votre fille qui consent aux volontés de son père.

MADAME JOURDAIN.

Ma fille consent à épouser un Turc?

DORANTE.

Sans doute.

MADAME JOURDAIN.

Elle peut oublier Cléonte?

DORANTE.

Que ne fait-on pas pour être grande dame?

MADAME JOURDAIN.

Je l'étranglerai de mes mains, si elle avait fait un coup comme celui-là.

M. JOURDAIN.

Voilà bien du caquet. Je vous dis que ce mariage-là se fera.

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MADAME JOURDAIN.

Je vous dis, moi, qu'il ne se fera point.

M. JOURDAIN.

Ah! que de bruit!

LUCILE.

Ma mère...

MADAME JOURDAIN.

Allez, vous êtes une coquine.

M. JOURDAIN, à madame Jourdain. Quoi! vous la querellez de ce qu'elle m'obéit?

MADAME JOURDAIN.

Oui. Elle est à moi aussi bien qu'à vous.
COVIELLE, à madame Jourdain.

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Je n'ai que faire de votre mot.

COVIELLE, à M. Jourdain.

Monsieur, si elle veut écouter une parole en particulier, je vous promets de la faire consentir à ce que vous voulez.

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M. JOURDAIN, à madame Jourdain.
Écoutez-le.

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MADAME JOURDAIN.

Je ne veux point qu'il me dise rien.

M. JOURDAIN.

Voilà une grande obstination de femme! Cela vous ferait-il mal de l'entendre ?

COVIELLE.

Ne faites que m'écouter, vous ferez après ce qu'il vous plaira.

MADAME JOURDAIN.

Hé bien, quoi?

COVIELLE, bas, à madame Jourdain.

Il y a une heure, Madame, que nous vous faisons signe. Ne voyez-vous pas bien que tout ceci n'est fait que pour nous ajuster aux visions de votre mari, que nous l'abusons sous ce déguisement, et que c'est Cléonte lui-même qui est le fils du grand Turc?

MADAME JOURDAIN, bas, à Covielle. Ah! ah!

COVIELLE, bas, à madame Jourdain. Et moi Covielle, qui suis le truchement? MADAME JOURDAIN, bas, à Covielle. Ah! comme cela, je me rends.

COVIELLE, bas, à madame Jourdain. Ne faites pas semblant de rien.

MADAME JOURDAIN, haut.

Oui, voilà qui est fait; je consens au mariage.

M. JOURDAIN.

Ah! voilà tout le monde raisonnable. (à madame Jourdain.) Vous ne vouliez pas l'écouter. Je savais bien qu'il vous expliquerait ce que c'est que le fils du grand Turc.

MADAME JOURDAIN.

Il me l'a expliqué comme il faut; et j'en suis satisfaite. Envoyons querir un notaire.

DORANTE.

C'est fort bien dit. Et afin, madame Jourdain, que vous puissiez avoir l'esprit tout-à-fait content, et que vous perdiez aujourd'hui toute la jalousie que vous pourriez avoir conçue de monsieur votre mari, c'est que nous nous servirons du même notaire pour nous marier Madame et moi.

MADAME JOURDAIN.

Je consens aussi à cela.

C'est

M. JOURDAIN, bas, à Dorante. pour lui faire accroire.

DORANTE, bas, à M. Jourdain.

Il faut bien l'amuser avec cette feinte.

M. JOURDAIN, bas.

Bon, bon. (haut.) C'on aille querir le notaire.

DORANTE.

Tandis qu'il viendra, et qu'il dressera les con trats, voyons notre ballet et donnons-en le divertissement à son altesse turque.

II. Molière.

10

M. JOURDAIN.

Cost fort bien avisé. Allons prendre nos places.

Et Nicole?

MADAME JOURDAIN.

M. JOURDAIN.

Je la donne an truchement; et ma femme,

qui la voudra.

COVIELLE.

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Monsieur, je vous remercie. (à part.) Si l'on en peut voir un plus fou, je l'irai dire à Rome.

FIN DU CINQUIÈME ACTE,

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