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somme la balance connue du budget de l'Algérie se solde par 17,875,000 fr.

Revenons donc aux départements de la guerre et de la marine et des travaux publics (service extraordinaire) qui absorbent ensemble 832,625,000 fr. Là nous voyons tout d'abord d'énormes réductions à faire en temps ordinaire, mais des raisons spéciales s'opposent à ce que ces dépenses soient de quelque temps réductibles. La suspension de grands travaux publics serait dangereuse, le licenciement de l'armée autrement que graduellement est tout aussi dangereux, pour ne pas dire impossible, et la guerre a dû mettre au grand complet tous les cadres de l'état-major. Engagée dans cette voie, la France reste encore en face d'un très-lourd budget de guerre, quoique bien des économies soient possibles avec le temps et un changement complet de système.

A notre avis il ne s'en pourrait réaliser de plus considérable que les coupures à pratiquer dans les dépenses à l'extraordinaire de 1867.

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Le minimum des budgets de la guerre de l'Empire ne suffirait qu'à grand'peine aux exigences de la situation actuelle. Aussi ne porterons-nous le total des économies à réaliser de ce chef qu'à 250 millions, y compris les 25 millions des dotations.

IV

Nous arrivons maintenant à la question de savoir quel pourra être le montant de ce que la France devra supporter pour faire face au service des intérêts de sa dette de nouvelle création.

L'étendue du dém mbrement est encore incertaine (1), mais en le réduisant aux trois départements du Bas-Rhin, Haut-Rhin et de la Moselle, la diminution du revenu serait considérable.

Voici le tableau des recettes pour l'exercice 1867 de ces trois départements au profit des impôts directs, de l'enregistrement et des contributions indirectes.

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(1) L'auteur de l'article ne connaît pas encore les préliminaires de paix

signés depuis à Versailles.

(Note du traducteur.)

Le chapitre Douanes et quelques autres seront aussi atteints de ce chef. Par contre il y aura quelques dépenses à bonifier, mais ce sont des dépenses d'administration sans grand effet.

La seconde de nos déductions porte sur l'abaissement des recettes, résultat inévitable dans une année de guerre et d'anarchie. Tout ce qui précède part de ce point que le revenu de la France serait aujourd'hui basé sur les données antérieures à la guerre, mais telle ne sera pas la réalité. L'année 1848 amena dans le rendement annuel un déchet de 10 0/0 qui ne fut éteint qu'en 1852. Les convulsions de la dernière guerre ont été bien plus fatales à l'industrie. Une perte du dixième sur les recettes actuelles représenterait 175 millions, un chiffre suffisant pour dérouler tous les calculs. Enfin un rappel à faire dans ce sens existe du chef des engagements pris par les autorités départementales pour le service desquels il faudra leur abandonner quelques recettes nouvelles. Le cumul de ces services doit diminuer les ressources fiscales du Gouvernement central.

En d'autres termes: aux lieu et place des 350 millions nécessaires au service des intérêts de la dette constituée à nouveau, la France aura de la peine à réunir 125 à 150 millions de francs. Si elle obtient davantage ce ne sera qu'au prix des plus pénibles efforts, au sujet desquels personne n'est autorisé à émettre des prévisions.

Nous n'avons pas besoin d'ajouter que, si la France possède ces 150 millions pour les intérêts de la dette nouvelle, le capital dont ils représentent le principal ne peut être payé intégralement à l'Allemagne. Les pertes éprouvées sont importantes. Les frais de guerre du côté de la France ne peuvent guère être de moins de deux milliards. En prenant pour base des contributions imposées aux départements celle exigée de Paris, on arrive au chiffre de 500 millions, sans compter les réquisitions, plus un semestre sur les impôts indirects et l'enregistrement des départements envahis, ce qui donne, Paris compris, 575 millions de perte sèche, grossissant d'autant le déficit de 1870. Ces taxes, par leur nature même, ne sont recouvrables qu'en temps utile. De plus, bien que la rentrée de l'impôt direct annuel puisse s'opérer en fin de compte, l'extension du théâtre de la guerre sur la plus grande partie de la France aura pour résultat la perte de sommes importantes sur la contribution indirecte. Encore ne faisons-nous pas entrer en ligne de compte les pertes cruelles éprouvées en personnel, pertes que l'Etat doit compenser dans une certaine mesure. La dette résultant de ce concours nécessitera, même à 6 0/0, une redevance bien supérieure à 150 millions de francs.

La question, bien loin d'être dans le plus ou moins de facilité que

pourront trouver les Allemands à extirper de la France une grosse indemnité, consiste bien plus à savoir comment celle-ci s'y prendra pour leur en fournir une d'un chiffre bien inférieur à leurs préten tions vraisemblables.

(Traduit de THE ECONOMIST du 11 février 1871.)

LA

DÉCENTRALISATION ADMINISTRATIVE

ET LES

RÉFORMES FINANCIÈRES EN FRANCE

La France traverse une nouvelle et bien terrible crise. Chacun se demande quelle sera demain notre véritable situation?

A la suite de nos désastres, il faut nécessairement procéder à une entière reconstruction, et comme nous avons la triste expérience du passé, fonder l'avenir sur de tout autres bases.

Il est donc opportun d'étudier ces diverses modifications. Nous nous bornerons, quant à nous, à examiner les questions économiques et administratives.

Le meilleur moyen de relever notre situation compromise, c'est, à notre avis, de prendre le contre-pied du système impérial.

Sous l'empire, la loi avait fait place à l'arbitraire, et la centralisation, sous prétexte de donner plus de cohésion aux forces vives du pays, les comprimait ou les anéantissait.

Aujourd'hui que le gouvernement de tous pour tous (1) a succédé au gouvernement personnel, la France veut elle-même gérer ses affaires.

Sur ce point, l'opinion publique est unanime, et elle se manifeste avec énergie. Enfin débarrassée d'une tutelle étroite, elle entend que la nation agisse dans la plénitude de son initiative et marche sans entraves.

Pour satisfaire au vœu général, que faut-il? Décentraliser. Décentraliser, c'est affranchir son pays de toute entrave, c'est

(1) Tous pour an, un pour tous (Devise genevoise).

faire appel à toutes les forces vives de la nation, c'est créer des hommes libres, indépendants, respectant la loi et sachant obéir; c'est fortifier le pouvoir central en le débarrassant des responsabilités inutiles, et, comme conséquence, c'est modifier le mécanisme administratif, surtout celui des directions administratives centrales.

I

La séparation des pouvoirs (pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire) est une condition fondamentale d'existence pour les sociétés.

Sous les républiques, où toute autorité émane de l'élection, la nation se réserve la souveraineté ; mais elle délègue pour quelques années le pouvoir exécutif au Président, qui l'exerce à l'aide des ministres. Elle donne aussi pour un certain laps de temps le pouvoir législatif à une ou deux assemblées.

Dans notre système civil et politique, la commune est la base de l'Etat. Mais, en raison d'une impossibilité de fait, les rapports directs du gouvernement avec nos 37,000 communes ne pouvant exister, on a dû recourir à un intermédiaire, qui est l'administration départementale.

Cette administration se compose d'un préfet, d'un conseil général, d'un conseil de préfecture, de sous-préfets, de conseils d'arrondissement, de maires, d'adjoints, de conseils municipaux.

Cette complication de rouages doit disparaître, il y a nécessité de donner aux départements et aux communes leur autonomie administrative, et de restreindre l'action des ministres ou de leurs subordonnés en tant qu'elle a à s'exercer sur les affaires locales.

De nos jours, les ministres doivent seulement diriger et contrôler. En présence des grandes réformes sociales, judiciaires, financières et commerciales imminentes, ils ne peuvent plus faire exécuter des travaux neufs ou d'entretien. Ils ne doivent plus perdre leur temps à vaincre les difficultés d'exécution. Il leur convient d'employer désormais ce temps à réprimer les abus ou à étudier les grandes questions de progrès et d'intérêt général.

Cependant il leur appartient d'encourager les sciences, les arts et les lettres; d'imprimer à l'agriculture et au commerce une vive impulsion, de provoquer ou de faciliter la création des grandes entreprises d'intérêt public, en n'oubliant jamais ce que Colbert disait à Louis XIV: Sire, vous devez épargner cinq sous pour les choses non nécessaires et jeter les millions pour la prospérité du pays. En un mot, il faut en 1871 laisser au pays la liberté d'agir, il

faut par conséquent donner à ses mandataires départementaux et communaux la responsabilité d'exécution.

Mais il faut laisser au pouvoir central la force nécessaire à la bonne direction des affaires du pays, tout en supprimant le grand inconvénient qui consiste à faire rapporter tout le bien et surtout tout le mal qui se font au chef du pouvoir exécutif.

Les départements et les communes, mettant en pratique la doctrine incontestable on gouverne bien de loin, on n'administre bien que de près, agissant sous la responsabilité de leurs administrations propres ou de leurs conseils respectifs, exerceront un contrôle assez efficace pour empêcher les abus, pour activer l'expédition des affaires et pour débarrasser les administrations des hommes indolents, incapables ou dénués de sens moral. Ils nommeront et révoqueront leurs agents. Ils s'adresseront à des entrepreneurs, à des ingénieurs, à des architectes, à des vérificateurs connus et jouissant dans le pays d'une considération méritée.

Mais, dira-t-on, quel mode substituer au mode actuel?

Le problème nous paraît facile à résoudre. Il suffirait tout simplement de faire des départements qui constituent la division politique du pays autant de divisions administratives dirigées par un conseil général élu et à pouvoirs illimités, à la charge par lui de se conformer aux dispositions des codes, lois et ordonnances existants.

Ce conseil se réunirait au moins deux fois par an, et dans l'intervalle de ses sessions, il pourrait déléguer ses droits à des commissions chargées de services spéciaux.

La répartition de son travail administratif aura lieu comme suit: 4" Comité de la défense départementale et régionale;

2o Comité du budget départemental;

3° Commission de l'instruction publique; 'arts et sciences;

4o Comité des voies de communication;

5o Comité des hôpitaux et des hospices;

6o Comité de l'agriculture, de l'industrie et du commerce.

La liberté d'action des départements et des communes ne doit être limitée qu'en ce qui concerne les emprunts.

Le droit d'emprunter présente trop de dangers, pour que l'exercice n'en soit pas soumis à un contrôle sévère et entouré de précautions nombreuses. Il ne faut pas perdre de vue qu'une bonne administration doit toujours équilibrer son budget avec ses ressources ordinaires, et qu'en fait, emprunter c'est grever l'avenir. Il va sans dire que, dans tous les cas, les emprunts devraient être exclusivement réservés aux grandes dépenses d'intérêt général, aux dépenses productives.

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