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témoins! les mots d'empire d'Allemagne leur rappellent qu'il y a encore une patrie commune » (1).

Mais lorsqu'on proposa à l'Autriche de reprendre la couronne et l'Empire; elle refusa cette faveur, d'abord, parce qu'elle était vaine, ensuite de crainte que l'élection ne la fit un jour passer à la Prusse. Elle conserva ce qui était le plus réellement profitable, la présidence perpétuelle de la Diète (2). A celle-ci étaient confiées les affaires gé nérales de la Confédération; les confédérés conservaient leur indépendance souveraine, pouvaient avoir leurs armées, leurs représentants auprès des divers États de l'Europe, mais ne pouvaient contracter d'alliance contraire, ni au pacte fédéral, ni à la sûreté de la Confédération et étaient tenus pour la défense de ces grands intérêts à fournir un contingent calculé d'après leur force respective. Comparée à l'ancien Saint-Empire, cette constitution marquait un progrès incontestable: les principautés et villes libres n'étant plus qu'une trentaine, il était plus facile de faire l'essai d'un gouvernement commun, il y avait aussi une armée. L'œuvre, néanmoins, semblait vouée à une certaine immobilité, par suite de la difficulté (3) qu'on trouverait à mouvoir certains ressorts. La chose était prévue et voulue par les puissances allemandes prépondérantes. « Toute confédération, disait Louis XVIII (4), est une République

(1) 3e protocole, séance du 29 mai 1815, Annexe, no 2. Angeberg, p. 1268. 1269.

(2) V. acte constitutif de l'Allemagne du 8 juin 1815 et art. 49, 54, 56, 57, 61, 62, 63, de l'acte final.

(3) Les lois fondamentales et organiques devaient, par exemple, être votées à l'unanimité. La coïncidence, presque textuelle, entre les articles du Projet de paix perpétuelle de l'abbé de Saint-Pierre et ceux de l'acte fondamental de la constitution germanique est très remarquable, V. Wheaton, Hist., I, 325.

(4) Instructions... p. 233.

et, pour être bien constituée, doit en avoir l'esprit. Voilà pourquoi une confédération de princes ne peut jamais être bien constituée, car l'esprit de la République tend à l'égalité et celui du monarque à l'indépendance. »

L'Europe n'avait donc pas à redouter la puissance d'une Allemagne profondément unie; elle avait cru nécessaire à l'Équilibre général de laisser à ce pays son rôle pacifique de médiateur mais peut-être, qu'en méconnaissant les aspirations nationales, elle se préparait de périlleuses secousses, lorsque les peuples allemands voudraient détruire le pacte qu'elle leur avait imposé et qui n'avait pas secondé leurs espérances.

Il fut question à Vienne d'affilier la Confédération Suisse à celle de l'Allemagne et de lier les deux pays dans le même système militaire; les alliés pensaient opposer ainsi de plus fortes barrières à la France (1). C'eut été il est vrai, un grand danger pour nous ; et Louis XVIII, pour l'éviter (2), avait recommandé à Talleyrand de faire garantir la neutralité des pays helvétiques. Bien que le traité du 30 mai parlât seulement de la garantie de leur organisation intérieure (3), le Congrès comprit sans peine (4) que leur neutralisation s'allierait parfaitement avec l'ensemble des mesures qu'il avait prévues. Elle augmentait les moyens de défense et diminuait les moyens d'agression (5) et de la sorte servait autant l'Allemagne, que si on eût fait entrer les cantons dans la Confé

(1) De Pradt, II, 75. Talleyrand. Mem., II, 442. Correspondance des ambassadeurs du 12 novembre 1814.

(2) Instructions. Angeberg, p. 224.

(3) Art. II secret : « La France reconnaîtrait et garantirait, conjointement avec les puissances alliées et comme elles, l'organisation politique que la Suisse se donnerait sous les auspices desdites puissances alliées et d'après les bases arrêtées entre elles. >>

(4) Déclaration du 20 mars 1815.

(5) Talleyrand, Mémoires, II, 296.

dération germanique. Le Congrès s'occupa pourtant de la politique intérieure de la Suisse; il importait aux puissances d'examiner si cette région « était à même de remplir ses engagements envers (elles), savoir, de maintenir sa tranquillité intérieure à l'effet de faire respecter sa neutralité» (1).

Toutefois, lors des Cent-Jours et de la campagne de France, les troupes alliées passèrent sur le territoire de la République (2). Aussi, le 20 novembre suivant, les puissances se hâtèrent de déclarer, « qu'aucune induction défavorable aux droits de la Suisse, relativement à sa neutralité et à l'inviolabilité de son territoire ne pourrait, ni ne devrait être tiré des événements qui avaient amené le passage des troupes alliées sur une partie du sol helvétique. Ce passage, librement consenti par les cantons dans la Convention du 20 mai, a été le résultat nécessaire de l'adhésion franche de la Suisse aux principes manifestés par les Puissances signataires du traité d'alliance du 25 mars... » contre Napoléon (3).

Ce serait une question discutable de savoir si la Suisse avait la liberté qu'on lui supposait (4). Quoi qu'il en soit, c'est le 20 novembre seulement que la neutralité des cantons fut définitivement reconnue et garantie.

Le royaume de Sardaigne faisait partie du système de défense que l'Europe avait jugé nécessaire à sa sûreté d'organiser contre nous. Sa puissance ayant en effet été insuffisante pour arrêter les armées françaises, on essaya

(1) Annexe no 4 au 10e protocole au comité chargé des affaires de la Suisse, séance du 16 janvier. op. cit. p. 619, 621.

(2) L'Empereur Alexandre ne l'aurait pas voulu; mais Metternich tenait pour l'avis opposé et l'emporta.

(3) Déclaration de Paris du 20 novembre 1815, De Clercq.

(4) Il est vrai qu'on avait mis Napoléon et la France hors du

de le fortifier et d'en faire le rempart de la Péninsule. Pitt, autrefois, aurait voulu l'agrandir par Lyon et le Dauphiné; mais, en 1815, on ne désirait pas démembrer la France, et, quoiqu'il y paraisse, la majorité avait plutôt des idées de modération et de tempérance politique. Aussi, on crut donner au Piémont un accroissement de territoire et de force assez grand en soumettant à ses lois, l'État de Gènes (1). L'Angleterre ne fut pas la dernière à favoriser cette combinaison. Elle ne nous pardonnait pas de nous avoir vus les maîtres de ce port, et accumulait les obstacles, pour que nous ne pussions jamais reprendre ce chemin; comme elle avait déjà élévé des barrières sur la route d'Anvers (2). Et, elle avait bien choisi, en choisissant pour nous les opposer les maisons d'Orange et de Savoie « l'une avait fait sa grandeur en luttant contre la France, l'autre en se servant d'elle, et en la trahissant après s'en être servie » (3).

Ce sont des traditions, qu'on n'oublie pas.

La République de Gènes perdit donc son indépendance. Ce ne fut pas sans protestation. Elle invoqua les déclarations immortelles des puissances dont les villes de Chaumont et de Châtillon-sur-Seine retentissaient encore; n'avait-on pas reconnu que les nations devaient respecter désormais leur indépendance réciproque : Ce fut en vain, « en politique il y a des choses qui sont complètement finies, on ne peut restaurer ce qui est mort »> (4).

(1) Art. II secret du traité de Paris.

(2) Gervinus, I. 254. op. cit.

Discours de Castlereagh au Parle

ment anglais, le 10 mars 1815, dans Villemain, Souvenirs contem

porains d'histoire, p. 106.

(3) Thiers, Consulat et Empire. XVIII, p. 628.

(4) Capefigue, Introduction, p. LXXVIII.

Il en était de Gènes, comme de Malte et comme de Venise. Souverainetés infimes, isolées sur des points d'une importance stratégique immense, elles devaient se trouver englouties dans le vaste système européen, simples indemnités, simples appoints dans un plateau de la balance pour que la pesée soit exacte.

A la réserve d'une partie de la Savoie, que nous allions bientôt lui rendre, la Sardaigne rentrait dans tous les territoires qu'elle possédait au 1er janvier 1792. Avec l'acquisition de Gènes et la neutralité du Chablais et du Faucigny, elle réalisait sans coup férir ses plus grands désirs et quoique Etat secondaire, elle faisait partie de l'ordre général. Elle avait obtenu à la fois tout ce qui lui manquait; une place forte maritime, une grande ville de commerce et la liberté de ses communications avec l'île de Sardaigne (1). Enfin, le Congrès de Vienne régla l'ordre de succession au trône dans la monarchie sarde. La loi salique établie en Savoie, n'existait ni pour le Piémont ni pour la Sardaigne, ce qui pouvait donner lieu, un jour, à un partage de cette monarchie et même à l'acquisition par l'Autriche des provinces non soumises à la loi salique. C'est cette perspective redoutable, que l'Assemblée, par sa décision, a désiré prévenir.

Telles sont les principales dispositions de l'acte final, signé le 9 juin à Vienne par sept grandes puissances. Le plénipotentiaire espagnol refusa la signature, surtout parce que le traité renfermait certains articles, dont il

(1) Traité entre la Sardaigne, l'Autriche, la Prusse, la GrandeBretagne, la France, la Russie, 20 mai, annexe, no 13 à l'acte final.

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