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prix d'argent. Toutefois, je crois que cet exemple n'est pas invoqué dans un moment opportun, car, si je suis bien informé, en présence de la difficulté, sinon de l'impossibilité de recruter l'armée anglaise, on discute chez nos voisins la question de savoir s'il ne faut pas en arriver à la conscription; de sorte qu'il est probable qu'avant peu d'années vous verrez l'armée anglaise établie sur ce pied, c'est-à-dire qu'elle se recrutera par la conscription sous une forme ou sous une autre.

A cette objection voici notre réponse :

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Pour que le recrutement obligatoire eût la plus petite chance d'être jamais établi en Angleterre, il faudrait que le droit de réunion eût préalablement cessé d'exister, et qu'il n'y eût plus de meetings? Est-ce probable? Est-ce possible? Non; donc, l'objection manque le but.

Il n'y a contre l'enrôlement volontaire substitué au recrutement obligatoire, à l'impôt corporel, au servage militaire, qu'une seule objection qui ait du poids et qui soit sérieuse : c'est le prix qu'il faudrait payer les soldats si l'on voulait en avoir un nombre sensiblement plus considérable que le nombre actuel des remplaçants et des rengagés. Mais, loin de nous arrêter, cette objection acquiert à nos yeux la puissance d'un argument décisif.

Jamais les ouvriers de la guerre, se basant sur la loi suprmée de l'offre et de la demande, ne réclameront un salaire trop élevé, car plus le taux de ce salaire sera élevé et plus l'effectif de l'armée sera forcément restreint.

Restreindre les armées au chiffre le plus faible possible, n'est-ce donc pas là le but que sans relâche et sans fin doit se proposer la civilisation?

Le jour où le servage militaire aura disparu, la guerre, frappée mortellement au cœur, sera bien près de disparaître. Que ceux qui veulent fermement la paix et la liberté renoncent donc à l'emploi de ces mots caducs mercenaires, prétoriens, et s'unissent pour demander l'abolition du servage militaire.

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Ou l'enrôlement volontaire comme en Angleterre et aux États-Unis ainsi le veut la liberté dans la loi; ou le service obligatoire pour tous, sans exception, comme en Prusse : ainsi le veut l'égalité devant la mort.

XXVI.

CONCLUSION.

C'est vainement qu'on a cherché, sous la Monarchie de 1830, les moyens de prévenir les abus inséparables du remplacement militaire, justement qualifié de « traite des blancs» par le penseur qui a échangé sa plume de publiciste contre une couronne d'empereur; c'est vainement qu'on s'efforcera sous son règne d'être plus heureux dans cette recherche. N'est-ce pas de l'impuissance de prévenir les abus du remplacement qu'était née l'exonération, laquelle a donné lieu à d'autres plaintes non moins fondées et plus graves encore, puisque, après avoir passé du remplacement à l'exonération, on est revenu de l'exonération au remplacement?

Par nature et par essence le remplacement étant un abus, il est aussi naturel qu'il soit fécond en abus qu'il est naturel qu'un grain de blé porte des épis. Ou il faut fermer les yeux sur les abus du remplacement, ou il faut abolir cette traite des blancs non moins radicalement qu'on a aboli la traite des noirs, après qu'il a été reconnu par l'expérience que toutes les mesures qui avaient été imaginées et prescrites pour la rendre moins inhumaine n'avaient abouti qu'à la rendre plus cruelle et plus meurtrière.

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Ne réglementez pas le remplacement militaire, supprimez-le !

Le moyen, l'enrôlement volontaire n'étant pas adopté comme régime unique, - c'est d'étendre les appels jusqu'à la limite de la classe, en restreignant le service effectif à la durée la plus courte, cette durée variant selon le plus ou le moins d'aptitude des appelés, aptitude constatée chaque année par des examens de sortie, dont l'objet serait de faire passer de l'armée active dans la garde mobile tous ceux qui auraient justifié qu'ils possédaient l'instruction militaire jugée suffisante.

Telle est, après un examen approfondi de la question, attesté par tout ce qui précède, telle est notre conclusion, à laquelle, pour être juste, nous devons reconnaître que l'Empereur Napoléon III était arrivé longtemps avant nous, et longtemps avant de monter sur le trône de France.

LA LOI DU 11 MAI 1868.

Que les écrivains éclairés et généreux ne se découragent pas. Nous leur disons: Allez en avant, voas qui avez le courage de proclamer la vérité et de combattre les injustices ou les abus de pouvoir; allez en avant, vous qui, par vos vues et votre patriotisme, mérites d'être associés à l'esprit de législation, lors même que votre situation ne vous permet pas de concourir aos lois par vos suffrages; vous qui êtes véritablement faits pour préparer nos travaux et en partager la gloire ; vous enfin qui semez journellement dans la société des maximes salutaires, des idées heureuses, des instructions et des plans dignes de la patrie et des meilleurs siècles : vous exercer la plus indépendante des magisPORTALIS, 1791.

tratures.

I.

LE PROJET DE LOI RELATIF A LA PRESSE.

24 janvier 1868.

Projet de loi relatif à la presse. tel est le titre que porte la proposition dont le Corps législatif doit commencer la discussion, après l'interpellation sur les cimetières, digne préface de cette loi funèbre : oui, funèbre; car, comment ne pas se souvenir que la liberté de la presse a vécu en France, sous la République de 1848, et que c'est le coup d'État du 2 décembre 1851 qui l'a mise à demi vivante dans le cercueil, d'où il s'agit de l'exhumer?

Répétons-le! lorsque nous lisons en tête d'un projet de loi ce titre projet de loi relatif à la presse, le sentiment que nous éprouvons est absolument le même que celui que nous éprouverions si nous lisions: projet de loi relatif à l'hérésie, ou projet de loi relatif à la magie.

Ne plaisantez pas! Des souverains, des nations, de grandes nations, des hommes sérieux, des magistrats éclai

rés, d'éminents esprits, d'immortels génies, ont cru pendant des siècles, ont cru jusqu'au dix-huitième siècle à la puissance de la magie.

A Rome, sous le régime des Douze Tables, était puni de mort celui qui était convaincu d'avoir jeté un sort sur la récolte, de l'avoir enchantée, selon les termes de la loi.

En France, le Montesquieu, le Vico, le Herder, le Turgot, le Malesherbes, l'Adam Smith, le Bayle, le Voltaire du seizième siècle, Jean Bodin, l'auteur du livre fameux LA RÉPUBLIQUE, du traité célèbre MÉTHODE POUR ÉTUDIER L'HISTOIRE, etc., publiait en 1580 un livre intitulé: LA DÉMONOMANIE, qui établissait doctement que la sorcellerie se composait de quinze degrés différents... « crimes détestables, le » moindre desquels mérite la mort exquise». Deux siècles plus tard, en 1770, un célèbre jurisconsulte, Daniel Jousse, dans son TRAITÉ DE LA JUSTICE CRIMINELLE, après avoir défini la magie et la divination, déterminait ainsi à quels signes on reconnaissait les devins :

Ce sont tous ceux qui, en vertu d'un pacte exprès ou tacite fait avec le démon, ou même sans aucun pacte, veulent connaître ce qui est caché ou veulent savoir les choses futures dont la connaissance est réservée aux seuls décrets de la providence de Dieu : c'est ce qu'on appelle pronostication.

Quelques années plus tôt, en 1748, avait paru L'ESPRIT DES LOIS. Au livre XII, chapitre v, intitulé: De certaines accusations qui ont particulièrement besoin de modération et de prudence, comment Montesquieu, le grand Montesquieu, l'immortel Montesquieu, s'exprime-t-il sur la magie? Déclare-t-il qu'elle n'existe qu'à l'état d'imposture? Non. Voici ce qu'il dit :

Maxime importante: Il faut être TRÈS-CIRCONSPECT dans la poursuite de la magie et de l'hérésie. L'accusation de ces deux CRIMES peut extrêmement choquer la liberté et être la source d'une infi

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