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Vous verrez par les journaux et le projet de décret que je joins, qu'il ne s'agissait pas moins que de dégoûter tout citoyen des municipalités par les peines auxquelles on voulait assujettir leur responsabilité. Nous nous sommes battus lundy et hier pour faire rejeter le projet du comité et pour écarter les motions incidentes qu'on avait fait paraitre. M. de Mirabeau parla hier avec une force de raisonnement qui a, je l'espère, fait tomber dans l'opinion des galeries l'espèce d'odieux qu'on cherchait à répandre sur une partie de l'Assemblée, en l'inculpant de vouloir affaiblir de plus en plus le pouvoir exécutif. Il a prouvé que l'ensemble de la constitution seul formait la force de ce pouvoir, que c'en était l'àme et l'impulsion qui donnait le mouvement à la machine, qu'il fallait donc que tous les rouages fussent engrainés avant que le mouvement principal, le moteur, pût agir. Il s'est montré quelquefois plus sublime, mais jamais il ne parla avec plus de suite et un raisonnement plus serré.

Ce n'est pas que la loi en quatre articles qui a été arrêtée hier soit parfaite et qu'on puisse en attendre le succès qui l'a fait proposer1. On ne peut dans ce moment-ci concevoir d'espoir fondé de voir cesser les troubles que de la prudence, de la sagesse des municipalités. C'est la confiance dont elles jouissent qui doit les porter à en faire usage pour faire renaître l'ordre et la tranquillité, pour rétablir le cours arrêté d'une partie des impôts, faire connaitre que, sans cette force motrice, il ne peut être aucun repos pour personne.

On va commencer les articles du rapport du comité féodal pour tranquilliser les provinces où les insurrections paraissent avoir eu pour cause l'incertitude sur les droits abolis sans ou avec indemnité. C'est ainsi que les circonstances du moment nous éloignent du travail de la constitution. Mais il faut voir que si on laisse des causes à l'effervescence, si il en résulte une insurrection qui fasse des progrès, nous ne tenons rien. Il y a encore

1. 23 février. Décret sur la tranquillité publique.

l'article des finances, non moins urgent, et c'est bien celui qui nous inquiète le plus.

Adieu, mon ami, nous nous assemblons ce matin pour finir le procès-verbal de notre département, objet non moins pressant. Toutes les provinces sont engagées à remettre, au plus tard dans cette semaine, les cartes et les procès-verbaux de division en districts et de districts en cantons. Nous allons remplir ce devoir, nous avons formé les cantons le mieux qu'il nous a été possible. Comme ce n'est qu'une opération provisoire, que les paroisses qui seraient mal accouplées pourront faire entendre leurs réclamations, il y avait moins de danger à faire ici ce travail, sur lequel d'ailleurs il eût été difficile d'avoir une opinion fixe même sur les lieux.

Au moment où je vais fermer ma lettre, les trois premiers articles du projet du comité féodal sont décrétés.

LXXXVII

Paris, 6 mars 1790 1. Je vous félicite, mon ami, de votre courage à aller en avant sur les rôles en prenant les précautions que vous avez senti nécessaires. C'est le moyen de prévenir des reproches fondés.

Nous allons supprimer les droits contre lesquels vous vous êtes souvent récrié, ces droits de halle qui se percevaient sur les particuliers; c'était une suite de la suppression de la justice sans indemnité; le projet de décret a été lu hier, mais il m'a paru susceptible d'amandemens et de difficultés dans l'exécution. Quand il sera imprimé, je vous l'adresserai.

Nous avons eu hier l'assurance de M. Dupont que le service de cette année serait assuré. Le comité devait faire un rapport ce matin, mais l'annonce d'un mémoire de M. Necker, qu'il doit envoyer ce matin à l'Assemblée, a fait différer ce rapport. Lundy je pourrai vous envoyer l'extrait du mémoire.

1. Autre lacune du 26 février au 6 mars.

Je n'ai pu hier qu'apprendre, très à la hate, de M. de la Roche qui sortait de voir M. Tarbé, premier commis des finances, de qui il tenait que, pour faire cesser toute. réclamation, il faudrait que MM. de la commission intermédiaire recommencent leur département pour 1790. Que cette nouvelle ne vous arrête pas dans votre travail, parce que le département se fera sur le principe que la propriété sera imposée. Je tâcherai d'avoir de lui un plus ample détail par lequel je terminerai ma lettre.

Vous devez avoir à présent toutes les déclarations sur la contribution patriotique. A combien monte-t-elle pour notre ville? Ici, à Paris, malgré le malheur des tems, elle montera à 50 millions. La confiance et l'espoir que les payemens ne seront pas arrêtés commencent à reprendre. Ou la Caisse d'Escompte commencera à payer incessamment à bureau ouvert les petits billets de 200#, ou il leur sera accordé des primes et un intérêt à un Papier national qu'on pourra substituer aux billets de la Caisse. En géné. ral le comité des finances parait dans la plus grande sécurité sur le service de 1790 et M. de la Borde 1, à qui j'en parlais un de ces jours, m'a assuré qu'il n'y avait rien à craindre et qu'on pouvait, malgré que la contribution patriotique ne monterait pas à ce qu'on en espérait, faire face aux engagemens.

Attendons encore quelques momens et le voile se lèvera. Les gens à argent se lassent en voyant la patienee des créanciers de l'État, surtout des rentiers de la ville. Cette patience, qu'on doit aux Parisiens, les plus intéressés, est bien une des plus grandes preuves de patriotisme qu'ait donné cette ville.

Ce ne sera que pour la forme que le département sera renouvelé. Mais il ne sera rien changé à la forme de représentation indiquée par la lettre imprimée.

(A suivre).

`1. F.-L.-J. de Laborde-Méréville,fils du banquier de la cour, était garde du trésor royal au moment de la Révolution. Elu député du Tiers-Etat à Etampes, un des principaux actionnaires de la Caisse d'Escompte, mort à Londres en 1804.

LETTRES

DE

MICHEL-RENÉ MAUPETIT

Député

A L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE

1789-1791.

(Suite).

LXXXVIII

Du 8 mars (1790), à minuit.

Je répare, mon ami, mon oubli de lundy en vous envoyant comme j'espère pouvoir le faire le journal d'aujourd'hui qui renferme le décret même de suppression des droits de halle, hallage et autres; ainsi Millière n'aura point de perception à faire pour la foire de la Passion. Mais je crois bien que, pour l'intérieur de la Halle, il reste autorisé, jusqu'à ce qu'il ait été pris des arrangemens avec la municipalité, à en percevoir les droits de loyer qu'on ne peut envisager que sous cette forme et qui doivent au moins tenir lieu du produit de cette propriété. Cependant, comme vous avez le décret, vous pouvez en examiner l'esprit et voir, avec Messieurs les officiers municipaux, ce qu'ils croiront convenable à cet égard. Il sera toujours nécessaire de pourvoir au

minage des grains, au moins pour suivre l'apprécis du marché, y faire fournir des mesures.

Il sera présenté demain à la délibération trois articles, lus ce matin, pour l'indemnité des fermiers preneurs à rente apanagiste de ces droits. Comme peut-être ils seront imprimés dans le journal ou séparément, je me dispense de les transcrire; cela assurera à Millière son indemnité, au moins la résiliation de son bail.

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Il n'y aura certainement pas de banqueroute, malgré la gêne actuelle que fait éprouver la grande émission de papiers de la Caisse. Vous avez vu les tempéraments proposés par M. Necker. On attend au premier jour le rapport du comité des finances qui nous rassurera sur les dettes de l'État. Le plus pressant est de rappeler la confiance et avec elle l'argent enfoui. Ce ne sera que par des efforts de la Caisse d'escompte, pour payer bureau ouvert d'abord les petits billets de 200 livres. Elle est déterminée à faire tous les sacrifices possibles, et elle pourra être secondée, d'après ce que nous ont assuré plusieurs de ses actionnaires. Mais je ne suis pas étonné qu'on répande la frayeur de la banqueroute. Elle ne sera jamais prononcée par l'Assemblée et avant peu on pourra présenter des biens à l'appui des assignats.

Vous ne pouvez encore rien faire pour les assemblées d'élection qu'il n'y ait la proclamation du roy qui indique le jour et le lieu des assemblées, qu'il n'y ait des commissaires du roy pour ouvrir l'assemblée de département. Tout cela sera indiqué par une proclamation qui n'est suspendue jusqu'ici que par le retard de différens départemens sur l'indication des chefs-lieux de cantons et des paroisses y réunies. La proclamation contiendra. l'indication du chef-lieu de canton, les paroisses qui doivent s'y réunir pour nommer les électeurs qui se rendront au département. Ce travail doit être fini cette semaine et, aussitôt qu'il sera achevé, il sera mis à l'impression, avec la proclamation. Notre

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