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composassent le 1" bureau, les numéros 2, 32, 62, etc., le 2o. Après cette division, chaque bureau procéderait au scrutin au choix d'un seul président et de six secrétaires.

Le règlement fut approuvé par acclamations et la séance remise au lendemain jeudy. Toute l'Assemblée parut satisfaite de la tranquillité et de l'ordre de la

séance.

3o Séance, du jeudy 2.

A l'ouverture, lecture du procès-verbal de la veille. Formation et appel des membres des 30 bureaux où se trouvaient indistinctement et sans proportion des membres du Clergé, de la Noblesse, des Communes. Ainsi dans le 6° bureau dont je suis, il y a 9 ecclésiastiques dont un évêque, 13 nobles et 18 des Communes.

Ces bureaux ne doivent subsister qu'un mois, au bout duquel ils seront de nouveau changés en prenant une liste alphabétique du nom des députés.

M. le cardinal de la Rochefoucault demanda acte des réserves des membres du Clergé de leur droit ancien de n'opiner que par ordre et de délibérer séparément. Il appuya sa réserve de la lettre du Roy écrite au Clergé. Il demanda acte de sa déclaration au nom du Clergé ; que c'était par déférence aux désirs du Roy que le Clergé s'était rendu dans la salle et de ce que le Clergé avait accepté la déclaration du Roy publiée dans la séance Royale.

M. l'Archevêque de Vienne observa que le Clergé était où se trouvait la majorité; que le Clergé n'avait point fait d'acceptation de la déclaration; que le Clergé n'avait fait aucune déclaration portant des réserves.

M. de Mirabeau se leva pour démontrer que l'Assemblée ne devait, ny ne pouvait, donner acte de protestations tendantes à contester son existence.

A peine s'était-il assis que M. l'Archevêque d'Aix

(Boisgelin) se leva, commença par le début le plus pathétique, par les vœux, les désirs sincères du Clergé de concourir au bien général. « Que le peuple ne peut-il m'entendre ? il jugerait si jamais ses intérêts ont été plus chers à personne qu'au Clergé. Il le verrait uni de sentiments avec tous les représentants de la Nation. tous d'accord sur le fond. Ce n'est que sur des formes indifférentes qu'on diffère et ces formes sont l'ancienne Constitution du Royaume, elles sont consacrées par un long usage plus particulier encore au Clergé. Ce ne sont pas des protestations contre le bien général que veut faire le Clergé. Ce ne sont que des réserves de ses antiques usages qui ne peuvent arrêter la réforme des abus. »>

M. de Mirabeau se leva, à lui se joignit un autre député d'Aix et la dispute allait s'élever entre les codéputés du même baillage, lorsque M. de la Borde? réclama l'ordre du jour, la séparation de l'Assemblée en burcanx. On laissa donc la dispute sur les réserves de M. le Cardinal et on ajourna l'Assemblée en bureaux pour l'après-midi à l'effet d'y procéder au scrutin pour un président et six secrétaires. Chaque bureau devait prendre note du scrutin, le rapporter au grand-bureau pour y dépouiller le scrutin général.

Les bureaux ont eu lieu, on y procéda aux nominations indiquées. Mais à 9 heures, le dépouillement n'étant pas fait, l'Assemblée a été ajournée à ce matin 8 heures.

4 Séance, du vendredy.

A l'ouverture de l'Assemblée, M. Bailly, président, monça qu'à une grande majorité M. le duc d'Orléans vait été nommé président.

1. le duc d'Orléans s'avança au bureau, dit qu'il

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était sensible au choix qui venait d'être fait, qu'il reconnaissait ne pouvoir remplir l'importante fonction dont l'Assemblée l'honorait; que l'acte qu'il faisait de renoncer à ses intérêts personnels était une preuve de son désir sincère de voir le bien s'effectuer. Si ce ne sont pas ses propres expressions, c'en est le sens.

M. Bailly lui ayant cédé la place et lui ayant fait observer qu'il ne pouvait plus présider, M. le duc demanda à l'Assemblée de se diviser en bureaux pour procéder à un nouveau scrutin.

L'Assemblée se retira et le nouveau scrutin, à presque l'unanimité, fut pour M l'Archevêque de Vienne qui, s'avançant au bureau, dit : « La plus forte éloquence ne pourrait rendre les sentiments dont je suis pressé. La fin de ma carrière ne pouvait me promettre un honneur aussi distingué. Que me reste-t-il à désirer? de m'ensevelir au milieu des triomphes de la Nation et de voir, à mes derniers moments, l'aurore de la restauration de la France. »

M. le Président proposa de reprendre l'affaire de la députation de Saint-Domingue et la décision restante sur le nombre de députés que pouvait avoir cette colonie.

Le rapporteur reprit cette partie de son rapport et on donna la parole. MM. de Mirabeau, Bouche', Turkheim, le marquis de Sillery, Mounier, parlèrent les uns pour reduire la députation à 6, les autres pour la porter à 12. M. Garat le jeune lut une longue dissertation dont on n'entendit rien. M. de Montesquiou3 proposa, en réduisant la députation à 4, de donner voix consultative aux autres qui formeraient un comité que l'Assemblée consulterait lorsqu'il serait question des intérêts des colonies. M. Gouy d'Arcy' prit la défense

1. Avocat au Parlement, député d'Aix.

2. M. de Turckeim, député de la ville de Strasbourg.
3. Le marquis de Montesquiou-Fezensac, député de Paris.
4. D'une famille picarde, député de Saint-Domingue.

de sa députation, fit valoir plusieurs moyens de considération plus que de droit.

On décide de renvoyer l'affaire à la discussion des bureaux cette après-midy.

Alors M. Target prit date pour une motion tendante à faire prononcer par l'Assemblée la nullité des mandats impératifs. Il annonça que M. l'Evêque d'Autun avait une motion sur cet objet. M. l'Evêque d'Autun' la lut. M. Target crut qu'il en développerait mieux les motifs et parla d'une manière satisfaisante. Mais M. l'Evêque d'Autun à son tour donna son exposé et sa logique forte et serrée terrassa l'élocution verbeuse de l'avocat.

M. le comie de Clermont-Tonnerre parla avec la même précision pour prouver que si les mandats étaient nuls, jamais l'Assemblée ne pouvait prononcer sur l'effet d'un serment prêté. Il finit par convenir que cependant cet obstacle ne pouvait point arrêter les délibérations ni l'activité de l'Assemblée.

M. le duc de Mortemart' fut de même avis et parla avec la même aisance.

Un évêque voulut opposer des paradoxes aux principes généralement avoués. L'Evêque de Chartres3 lui répondit et finit par cette comparaison: c'est supposer qu'un joueur se présente à une table avec la résolution de ne mettre au jeu que pour gagner tous les coups heureux seront pour ce joueur et les chances contraires ne l'atteindront pas.

Il faudrait un plus grand développement des moyens employés pour faire sentir qu'un baillage n'a jamais pu, par son mandat particulie., lier la volonté générale, etc...

La fin de cette séance fut on ne peut plus intéressante et MM. de la Noblesse et du Clergé se sont

1. De Talleyrand-Périgord.

2. Député du bailliage de Sens et Villeneuve-le-Roy.

3. De Lubersac.

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signalés par des discours pleins de choses, bien rendues, et la comparaison ne fut pas à l'avantage de nos verbeux orateurs.

Ce soir nous allons en bureaux discuter la cause de la colonie de Saint-Domingue et ensuite nous réunir en assemblée générale pour juger en quel nombre les députés seront admis.

XIX

Séance du lundy 6 juillet.

Après la lecture du procès-verbal de samedy et d'une légère difficulté sur deux articles de sa rédaction relative à la dénonciation de deux curés contre leurs évêques pour n'avoir pas, suivant leur mandat, suivi la majorité du Clergé, un curé se leva pour reprendre l'article des subsistances et proposer les moyens de remédier à la disette et à la misère. Ils consistaient dans un décret de l'Assemblée pour la libre circulation de province à province et une souscription volontaire dans les provinces.

M. de Lally-Tollendal' discuta les secours proposés par le Comité, en démontra l'inutilité, traita les moyens indiqués pour remédier à la disette de quelques provinces dans ce moment et prévenir un pareil fléau pour l'avenir. Sa logique forte, serrée, ne laissa rien à désirer sur ces objets. Il proposa ses vœux particuliers et les étaya des motifs les plus pressants. Sa motion sera dans le journal. Mais les mouvements oratoires qu'il mit en usage pour la faire adopter, pour demander un article de constitution sur les grains à sanctionner dans ce moment, ne seront pas rendus et il n'est pas possible de mieux parler, d'être plus touchant, plus persuasif qu'il ne le fut. On n'avait rien entendu de

1. Le comte de Lally-Tolendal, député de Paris.

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