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DU MÊME AUTEUR :

DE LA CONVENTION DANS LA TRAGÉDIE CLASSIQUE ET DANS LE DRAME ROMANTIQUE (Hachette, 1885).

VICTOR HUGO, RÉDACTEUR DU Conservateur littéraire (Caen; Valin, 1887). LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION (May et Motteroz, 1893).

Coulommiers. - Imp. PAUL BRODARD.

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Professeur de littérature française à la Faculté des lettres de Poitiers

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET Cic

79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79

1893

Droits de traduction et de reproduction réservés.

A

PRÉFACE

Le titre de ce livre a besoin d'être expliqué. Il pourrait laisser croire que j'adopte, dans une étude d'histoire littéraire, une hypothèse, fort discutée encore, de l'histoire naturelle, et que je prends le mot « évolution » au sens où le prend l'École évolutionniste. Ma visée est plus modeste. J'emploie ce mot dans l'acception qu'il a reçue en général, d'après Littré : « développement d'une idée, d'un système, d'une science, d'un art ». C'est ainsi que j'en usais, dès 1885, lorsque j'indiquais le germe de la théorie que je développe aujourd'hui : « Il n'y a pas entre le vers de Racine, que l'on peut prendre comme type de l'alexandrin, et le vers romantique, de différence essentielle : ce dernier est plutôt le terme d'une évolution commencée au XVIIe siècle 1. »

Depuis cette époque, j'accumulais les études de détail, les monographies sur la versification des grands poètes, sans oser les publier en bloc, par défiance pour une théorie générale que je croyais juste, mais qui n'était encore qu'une hypothèse très contestable, lorsqu'un heureux hasard me fit découvrir dans un livre pourtant assez souvent cité, les Remarques de Louis Racine sur les tragédies de son père, un passage capital que l'on trouvera reproduit et commenté au chapitre vi, § 5. Dès lors je pouvais proposer un système qui, assez vraisemblable en lui

1. De la convention dans la tragédie classique et dans le drame romantique, p. 96. Hachette, 1885.

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même, se trouvait vérifié par une preuve extérieure. Voici, très rapidement, l'idée générale de ce livre, et le plan du développement.

En matière de versification, comme en n'importe quelle partie de l'art, les gens de talent éditent des règles, font des poétiques : les créateurs de génie s'insurgent contre les règles, défont les poétiques.

Malherbe promulgue un certain nombre de lois restrictives de la liberté poétique la quantité dans les mots devra être conforme à la prononciation de Paris, à l'orthographe officielle, et toujours identique à elle-même. L'hiatus et la cacophonie sont interdits. La rime doit être rare, difficile, exacte aussi bien pour l'œil que pour l'oreille : la rime léonine est défendue. La césure doit trancher le vers en deux parties égales. L'alexandrin ne peut enjamber. On doit se refuser toute espèce de licence, pousser la haine de la cheville jusqu'à la minutie, chercher la beauté poétique, même le lyrisme, dans l'observance des règles les plus étroites, dans des scrupules de forme quintessenciés.

Corneille accepte la théorie de la césure, admet même l'interdiction de l'enjambement, mais simplement comme une règle générale qui souffre des exceptions. En revanche il rejette les règles de la quantité, c'est-à-dire qu'il suit les indications de son oreille plutôt que les ordres de Malherbe; il admet les cacophonies, quand elles nous valent une forte pensée; il viole toutes les lois de la rime, sans aucune exception; il se permet des licences de syntaxe que condamnait Malherbe; il vise au lyrisme par de tout autres procédés que son devancier, et cherche sa voie dans l'affranchissement du vers.

La Fontaine va plus loin encore dans l'élargissement des règles de Malherbe. Il n'admet plus, comme règle absolue, mais comme habitude générale, la loi de la césure. Pour l'enjambement, les exceptions deviennent si nombreuses qu'on peut douter qu'il se fasse une règle de les éviter autant que possible. Il rejette comme Corneille les règles de la quantité, de la rime;

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