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côté du Musée ethnographique de Berlin, plutôt qu'a côté de celui de Stockholm. Lorsqu'il fut installé au moment de l'Exposition de 1878, il prit en effet le nom de << Museum ethnographique des missions scientifiques >> et il fut entendu qu'il réunirait les produits de toutes les nations, l'Europe civilisée exceptée. Plus récemment seulement, on s'aperçut que s'il est fort instructif de connaître par les objets usuels l'histoire des peuplades de l'Afrique centrale ou des Indiens de l'Amérique du Nord, il est au moins aussi intéressant de rassembler les témoins des usages, des traditions, de l'industrie domestique de nos paysans français : une grande salle du premier étage fut réservée à l'ethnographie de la France; forcément, les provinces les plus pittoresques Alsace, Auvergne, Bretagne... y furent surtout représentées; notre Champagne n'y occupe qu'une petite vitrine.

Fig. 7. Lampe de foyer ou couperon.

Pour que cette histoire figurée du peuple fût complète, il faudrait que toutes les grandes cités de France imitassent les petites villes de Suède et de Norvège, en s'efforçant de recueillir et d'exposer tout ce qui a trait à l'art populaire, aux traditions, aux usages, aux superstitions même des contrées dont elles sont le centre.

Ainsi a été fondé le musée ethnogra(Ardennes.) phique de Quimper, si curieux par sa collection de costumes bretons.

A côté du musée artistique et du musée archéologique, qui ont d'autres visées, Reims ne devrait-il pas

avoir aussi son musée du peuple, son musée ethnographique de la Champagne, ou du moins de l'ancien Rémois (Ardennes et partie de la Marne)? Et que l'on ne croit pas que les éléments fassent défaut pour une semblable collection.

Les périodes préhistoriques, gauloises, romaines, mérovingiennes n'y seraient représentées que par ce qui intéresse plus spécialement la vie du peuple. Grâce aux travaux des de Baye, des Bosteaux, des Morel, des Nicaise, il serait facile d'organiser cette section, et les collectionneurs n'hésiteraient sans doute pas à l'enrichir de quelques spécimens choisis.

Les époques postérieures fourniraient les sculptures sur bois, les carreaux émaillés, les toiles brodées, les broderies, les vieux étains, etc.

Mais la plus grande place serait réservée à l'époque moderne ou quasi- moderne. On pourrait montrer une ancienne maison de paysan de la Champagne, avec la vaste cheminée où pend la lampe de fer (fig. 7), la <«< maie » à pain, le «< ménager >> chargé d'assiettes d'étain et de faïence à fleurs, l'horloge à gaine, le

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lit protégé par ses rideaux de serge et garni de sa <«< chambrière» (fig. 8), et, au coin du feu, une vieille

filant, coiffée de la colinette ou du bonnet rond. Ici on verrait un tisserand de la vallée de la Suippe, là un cloutier des Ardennes près de sa forge dont un chien fait mouvoir le soufflet.

Ce tableau d'une veillée de village, extrait de l'histoire inédite de Sévigny-la-Forêt, par M. Paulin Lebas, mériterait d'être reconstitué :

<«< Au milieu de la place, suspendue aux solives par une crémaillère de bois, la lampe, de forme toute primitive, projetait une clarté douteuse comme celle d'une veilleuse. Dans le « couperon» de cette lampe, l'huile de lin mal épurée baignait une mèche de six fils de coton que la ménagère dédoublait souvent par mesure d'économie..... Cependant, femmes et jeunes filles, rangées en rond autour du « lumichon », filaient; les hommes « passaient » le chanvre et le lin; d'autres fai

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Serrure en bois provenant de Villers-devant-le-Thour. (Musée de Reims.)

saient des «< trames», des «< cannelles » pour tisser la toile; les enfants dévidaient les bobines. Mais ni le ronflement monotone du rouet, ni le clapotement des dévidoirs ou le crissement métallique des dents du « séran >> vibrant sous le frottement de la filasse, n'avaient le pouvoir d'in

terrompre les conversations, de suspendre les récits. » Les vitrines seraient remplies d'objets dont beaucoup deviennent rares marques à beurre, moules à pâtisseries, serrures en bois (fig. 9), « couvots », « canons » à souffler le feu, navettes sculptées, marques d'arpen

Fig. 10. Bâton de berger et quenouille. (Ardennes (1).) '

teurs, médailles de pèlerinages, chaussures à patins et sabots «<gageolés », bâtons de bergers (fig. 10), amulettes, écorçoirs en os de cheval des bûcherons de l'Ardenne... et combien d'autres dont la valeur intrinsèque est à peu près nulle, mais qui acquièrent leur importance par la comparaison avec des objets similaires, plus anciens ou plus récents, et jalonnent ainsi le travail et les progrès de l'humanité.

Une bibliothèque renfermerait tout ce qui intéresse l'histoire des classes rustiques les publications du folklore, les impressions populaires, les patois, etc.

Une autre section serait consacrée spécialement aux ouvriers des villes; on y verrait les vieilles enseignes, les travaux de serrurerie (entrées de serrures, marteaux de porte, fers forgés), de menuiserie (panneaux

(1) Les figures 7 à 11 ont été dessinées par M. V. Charlier; les nos 8 et 10 sont tirés d'un Album (inédit) de curiosités pour servir à l'ethnographie du département des Ardennes, obligeamment communiqué par M. Bruge-Lemaitre, d'Attigny; la figure 9 est dessinée d'après un objet du Musée de Reims; les figures 7 et 11, d'après des pièces nous appartenant.

sculptés, chaises (fig. 11), les souvenirs des anciennes corporations tisserands, drapiers, tailleur d'images, étaminiers, pain d'épiciers, etc. Plus nombreux encore

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seraient les objets se rapportant à l'industrie de la laine et au commerce du vin de Champagne dans le passé; ce serait une sorte d'introduction au musée industriel qu'il faudra bien que Reims organise un jour.

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