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SUR LE

COLLÈGE DE REIMS A PARIS

1412-1763 (1)

Par HENRI LACAILLE, Membre correspondant,
Lauréat de l'Académie.

AVANT-PROPOS

Une histoire complète et détaillée du Collège de Reims à Paris aurait dépassé les bornes d'une simple étude; et c'est du reste chose impossible. De trop grandes lacunes, en effet, existent dans les documents qu'on peut recueillir sur lui; car, ruiné presque à sa fondation, et d'existence bien précaire jusqu'au xvII° siècle, ce n'est qu'à cette époque que, grâce à une belle série de comptes, à des règlements ou mémoires parvenus jusqu'à nous, qu'on peut suivre à peu près les diverses phases qu'il a

traversées.

Presque tous les documents sont aux Archives Nationales; quelques-uns à la bibliothèque Mazarine et à celle de l'Université; très peu à Reims.

(1) Mémoire adressé au Concours d'histoire de l'Académie de Reims en 1898.

Plusieurs ont été indiqués ou utilisés par Quicherat dans son Histoire du Collège Sainte-Barbe, ou par l'abbé Cauly dans l'Histoire du Collège des BonsEnfants de Reims; mais la plupart sont inédits. J'ai essayé de les découvrir, de les grouper et d'en tirer parti. J'ajouterai que je me suis strictement renfermé dans les limites du sujet, évitant, autant que possible, d'oiseuses et inutiles digressions sur l'histoire de l'Université en général ou celle des autres collèges. C'est une courte esquisse, sans prétention

aucune.

Décembre 1897.

ÉTUDE SUR LE COLLÈGE DE REIMS A PARIS

CHAPITRE 1er.

Le Collège de Reims depuis sa fondation
jusqu'au XVIIe siècle (1412-1593).

Item alias duas partes do et lego, et ordino ad convertendum in alios usus pro instruendis juvenibus in litteratura, temporibus venturis, qui sunt de terris mense predicte, et unus de terra patrimoniali mea hodierna, vel de Mureto, si reperiatur, qui velit venire. Et amore Dei ad hoc attendat successor ut detur ordo, prout et spero facere, si vitam Deus concesserit et non adversetur fortuna, nam inde posset utilitas magna et meritum acquiri, juxta quod attendi debere, consilium magistri Johannis de Magduno, in Testamento suo, ubi instruit prelatos tenere studentes in diversis scientis, qui eis haberent servire. Et spero dare formam et praticam, si vixero et invenero personas propitias ad hoc, et jam fecissem si commode potuissem...

Tels sont les termes d'un codicille ajouté à son testament par Guy de Roye, archevêque de Reims en 1400, et qui déterminèrent quelques années plus tard la fondation du Collège de Reims à Paris (1). Le bon prélat,

(4) Léon LE GRAND. Le Codicille de Guy de Roye, étude publiée dans le Bulletin de l'Académie de Reims. On y trouve les principaux textes relatifs à la fondation du Collège.

en effet, ne devait pas voir lui-même son rève réalisé, et on pourrait presque croire, qu'en écrivant les dernières lignes de ce codicille, il avait le pressentiment du genre de mort qui devait le surprendre. Monstrelet nous a laissé un tableau frappant de cet événement tragique : «En ce temps (1409) le cardinal de Bar, filz au duc de Bar et Guy de Roye, arcevesque de Reims, avec eulx maistre Pierre d'Ailly, evesque de Cambray et plusieurs autres prélas et autres gens d'église alans au concile general qui lors se tenoit à Pise, furent logéz en une ville sur la mer, nommée Voutre (1), séant à quatre lieues de Genes, en laquelle ville le mareschal dud. arcevesque eut noise et content avec ung autre mareschal de lad. ville pour le salaire de ferrer ung cheval, et tant multiplia la discorde que led. mareschal dud. arcevesque tua celui de lad. ville, et tout prestement il s'enfuit à l'ostel de son maistre à saulveté. Auquel lieu ceulx de lad. ville soudainement en grant nombre tous esmeuz vindrent pour venger led. mareschal occis. Et quant led. arcevesque oy la noise, lui estant en grant ennoy pour lad. besogne, descendi de sa chambre appelant iceulx doulcement et promectant que prestement il feroit amender lad. offense à leur voulenté... Mais ce riens n'y valu, car ainsi que led. arcevesque parloit à eulx en dehors de l'uis de son hostel, l'un d'iceulx lui lanca une javeline parmi le corps, droict au cuer, si doloreusement qu'il chey prestement mort sans depuis parler aucune parole. Dont ce fut très piteuse chose, car il estoit très notable prelat, bien condicioné et de noble lignée (2,. » S'il ne lui fut pas donné de fonder lui-même

(1) Aujourd'hui Voltri, près de Gènes.

(2) MONSTRELET. Edit. Douët d'Arcq, Societé de l'Histoire de France, tome II, p. 7.

le collège qu'il désirait, ses héritiers, d'après sa volonté dernière, furent chargés de ce soin. D'ailleurs, pendant sa vie, il avait beaucoup fréquenté l'Université; très lié avec le célèbre Gerson, instruit, lettré, il laissa au Chapitre de Reims de précieux manuscrits et avait composé, lorsqu'il était encore archevêque de Sens, en 1388, le <«< Doctrinal de Sapience », sorte de commentaire et d'explication des Écritures à l'usage des simples gens, et il exhortait les curés et chapelains à en lire de fréquents passages à leurs paroissiens. Ce travail, dénotant chez son auteur une vaste érudition, eut de nombreuses éditions et fut même traduit en anglais et en espagnol (1). Il n'est donc pas étonnant que son esprit fùt naturellement tourné vers l'enseignement et l'éducation, et que sa pensée dernière fùt de consacrer une partie de sa fortune à l'établissement d'un collège pour les « pauvres escholiers de son diocèse, surtout à une époque où, depuis la fondation de la Sorbonne, l'exemple du chapelain de saint Louis était suivi à l'envi par quelques grands seigneurs et aussi par les hauts prélats. A la fin du XIV siècle, on comptait une cinquantaine de ces élablissements, et ce nombre était encore insuffisant. Les diocèses de Rouen, Tours, Bayeux, Autun, Narbonne, et bien d'autres encore, avaient leurs collèges; Reims seul en manquait: grâce à la générosité de Guy de Roye, cette lacune allait être comblée. Son successeur fut Simon de Cramaud, auparavant patriarche d'Alexandrie, et il laissait comme héritiers ses deux sœurs, les dames de Créqui et de Hangest, et deux neveux, Jean et Mathieu de Roye. Ceux-ci, ou leurs procureurs, désireux de satisfaire à ses dernières volontés, allèrent trouver le

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(1) Prosper MARCHAND. Dictionnaire historique, La Haye, 1758, p. 162,

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