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exerçait les fonctions de procureur, gérant le Collège avec arrogance, et déjà fort ennemi de feu Gilmer.

C'était un piètre avocat au Parlement, de fait «< vieux soliciteur de chetifs procez », madré et roué. Voyant la détresse de Morel, il lui proposa de lui céder son office de procureur, ayant à recevoir deniers et revenus, à condition que ses gages lui seraient payés quand même, prétextant qu'un voyage était pour lui indispensable, espérant, en agissant de la sorte, rendre plus tard le principal redevable d'une certaine somme envers le Collège, et lui susciter ainsi soucis et embarras. Jean Morel accepta, croyant s'en débarrasser, et signa un traité pour cinq ans; puis, fournissant lui-mème et au moyen de ses amis l'argent nécessaire aux réparations. il releva le Collège de ses ruines dans la mesure du possible. Il conçut même le projet de réunir son Collège à celui du Mans, son voisin, et publia à cette occasion un discours qu'il adressa en 4597 à F. Hamelin, principal dudit établissement (1).

C'est un beau morceau oratoire, où il fait avec feu tableau des misères passées et d'un avenir plus souriant, où l'on pût revenir à la culture des lettres après tant d'horreurs, de guerres, de sang. I demandait à m Hamelin de s'unir à lui: « Pande vela mecum...dextras simul jungimus et animos et domos... quid cunctaris, quid hæsitas? Multa vides, scio, ut es perspicax.

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Il s'écrie qu'ils doivent être insoupçonnés de lucre et d'avarice: «Alius ager quærendus.... » dit-il; et il rappelle qu'il a refusé les 500 écus qu'on lui offrait à Clermont

(1) De conjunctione scholarum Rhem. et Cenoman, Joannis Morelli Rhem. gymnasiarchæ oratio ad præstantissimum theologum et philosophum Fr. Hamelinum, Cenom. gymnasiarcham. Paris, Prévosteau,

pour continuer à diriger les écoles; il développe longuement sa comparaison d'un champ à cultiver et fait un nouvel appel à l'union: « Da igitur dextram, Hameline mi; » il termine en exprimant l'espoir de voir de nouveau les portes des collèges se rouvrir et les lettres refleurir; pour lui, il n'a que deux buts, « divinissimam poesim » et « romano eloquentiæ campum ». Dans tout ce discours, il n'est rien traité de pratique, et nous ne savons guère si l'union eut lieu et si elle fut de quelque durée (1). Pendant ce temps, les réparations avançaient et le principal s'y employa jusqu'en 1600, et à ce moment, Nicolas Lefebvre, rentré en exercice, lui réclama une somme 'assez forte, quelques centaines de livres, dues, disait-il, avant l'entrée de Jean Morel. Ce dernier eût pu se pourvoir auprès de son chef direct, l'archevêque, et solliciter l'envoi d'auditeurs » pour la reddition des comptes; mais la recette était si minime qu'il préféra patienter et remettre le Collège en état. Ce n'est pas certes qu'il fit des bénéfices; lui et ses amis fournirent gratuitement de grosses sommes; mais les bâtiments se relevaient et les cours reprenaient. Philosophie, déclamations, jeux publics s'y succédaient; Jean Morel faisant lui-même la leçon dans la première classe, mettant en lumière ses propres compositions, très goûtées des doctes personnages de son temps et de ses élèves, qui lui dédiaient des poésies où son mérite était célébré. En même temps, le prévôt de Paris venait constater les améliorations, et son lieutenant rendait un arrêt déclarant, qu'en attendant la reddition des comptes du procureur et du principal, celui-ci recevrait un quart de ce qui paraissait lui être dù, pour « continuer le zèle qu'il avait de faire

(1) QUICHERAT, ouv. cité.

lesd. réparations

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(1599-1600). Entre temps, cette

mème année (1600), les nouveaux statuts de l'Université étaient enfin rédigés, et Jean Morel, avec les autres principaux régents et suppôts, assistait à leur promulgation, aux Mathurins, le 18 septembre (1).

Nicolas Lefebvre avait appelé de la sentence du prévôt ; le Parlement intervint alors pour décider, le 10 avril 1601, que chacun d'eux devait rendre ses comptes depuis 1593, par devant l'archevêque ou son <<< commis Morel se mit en mesure, suppliant l'archevêque d'envoyer une « commission », qu'il alla porter dès son arrivée à deux avocats, m" du Hamel et Bouchet, qui lui assignèrent jour et heure pour arrêter les comptes; mais, de son côté, Lefebvre fut assez habile pour faire trainer les choses et obtenir un délai de trois mois. Enfin, à l'audience, il fit tant par ses « jazeries» qu'il fit déclarer la commission mal faite, si bien qu'on dut en recommencer une autre, et que, par ses tergiversations, le compte du principal ne put être clos que le 9 juillet 1605. Auparavant, en 1602 (2), sur les plaintes du principal, le recteur l'avait convoqué devant les censeurs, car, d'après les règlements, il ne pouvait conserver sa double qualité d'avocat au Parlement et de clerc de l'Université. Là encore il voulut ruser. Interrogé en latin s'il était clerc et avocat, il répondit en français qu'il ne parlerait pas, n'ayant pas été assigné par écrit; une autre interrogation n'eut pas plus de succès. Les censeurs le déclarèrent alors rebelle, et, devant son mutisme, le retranchèrent du corps universitaire. A la reddition des comptes, il ne ménagea ni

(1) JOURDAIN, p. 9. (2) Idem, p. 30.

les discours, ni les injures; on l'obligea par arrêt à faire des excuses; puis il reprit une autre thèse, en prétextant que Morel était débiteur d'une grosse somme, espérant le faire emprisonner et gagner du temps. Mais le principal produisit toutes ses pièces, les requêtes adressées à Reims, et n'eut pas de peine à confondre l'imposteur; aussi la Cour ordonna-t-elle la reddition pure et simple (4). La recette s'éleva à 1,220 1. 4 s. 3 d.; la dépense à 2,874 1. 3 s. 7 d. C'était donc une somme de 1,653 1. 9 s. 4 d. qui restait due au principal; mais Lefebvre, toujours en charge de procureur, ne put rien lui délivrer. Lui-même, il est vrai, était plongé dans la misère; ses meubles, lit compris, venaient d'ètre vendus. sur le pont Saint-Michel, à la poursuite d'un créancier. En vain obtint-on quatre arrèls contre lui, en 1602, 1603, avril et juillet 1606, on n'en put rien tirer. Il mourut, du reste, le 1 septembre suivant « année en laquelle la ville fust fort affligée de peste, l'Université toute deserte, specialement icelluy college. Delaquelle estant frappé, fut delaissé seul en sa chambre led. Lefebvre, fors un sien parent et amy, licencié en medecine, qui l'assista, seigna et medicamenta, mais ne le preserva pas ». Morel lui-même dut quitter le Collège, et « s'en alla refugier aux champs, vers un sien intime ami qui dèz longtemps auparavant l'avoit convié à ce faire ». Il y resta jusqu'à la Saint-Martin, époque fixée par le recteur pour la reprise des leçons; mais les collèges demeurèrent presque vides pendant le reste de l'année. Il n'avait plus d'ar

(1) Pour donner une idée de la détresse financière du Collège au temps passé, et de Fincurie qui y régnait, au 11 juin 1604, Nicolas Lefebvre fit une reconnaissance authentique des 12 d. p. de cens dus à l'abbaye de Sainte-Geneviève, et paya présentement 36 sols t. pour 20 ans d'arrérages! (Archives Nationales, S. 6,560.)

gent, ayant avancé avec ses amis 1,653 1.; il se résolut aux emprunts. Le premier fut de 1,200 1. au denier 16, sur lesquelles 500 furent consacrées à racheter une ancienne dette; il y ajouta 152 1. de son propre bien. Ce fut insuffisant, il fut encore obligé d'en faire deux nouveaux, l'un de 700 1., l'autre de 800, en tout 2,700; grâce à son énergie, le Collège se releva enfin (1).

D'après les comptes de 1608-1611 (2), nous pouvons avoir une idée de l'ensemble des bâtiments du Collège. La description n'en est peut-être pas très claire, la désignation des diverses parties se déroulant sans être bien précise et le plan faisant défaut; on peut néanmoins y puiser d'utiles indications.

En entrant à main droite se trouvait un premier << corps d'hostel », comprenant deux galeries surmontées d'un étage à quatre chambres. La première galerie, composée d'une chambre, puis une salle et cuisine, une petite salle longue garnie de deux « estudes », était affectée au logement du principal. Primitivement, ses devanciers occupaient un petit corps d'hôtel isolé, avec un jardin; mais par suite des guerres, troubles et «< caducité », il était tombé en ruines et devenu inhabitable. Jean Morel l'avait cependant relevé et réparé, avait fait murer la porte du côté du Collège et l'avait loué à un imprimeur, m° Jean de Cauroy, moyennant 120 1. par an. La deuxième galerie comprenait deux chambres garnies « d'estudes », jadis louées à un pédadogue nommé Bonnin, qui ne les avait occupées que deux ans, ayant quitté pour « régenter au Collège de Montaigu », puis devenir principal du Collège de Lisieux.

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(1) Pièce justificative XIII. « Comment Me Jean Morel a mesnagé le college de Reims..., etc... »

(2) Pièce justificative XI.

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