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eut une grande influence religieuse sur tout le pays luxembourgeois.

Notons, en passant, que la petite ville d'Echternach a encore conservé une notoriété réelle de nos jours, grâce à sa procession dansante du mardi de la Pentecôte, qui attire, chaque année, douze à quinze mille pèlerins ou curieux. «< Dans. cette procession, instituée au XIIIe siècle et qu'on a vainement tenté d'interdire à plusieurs reprises, dit le Docteur Glæsener, les pèlerins parcourent une distance d'environ douze cents. mètres du pont de la Sûre jusqu'à l'église paroissiale, en faisant trois pas en avant et un en arrière, ou bien cinq pas en avant et deux en arrière, en suivant la cadence d'une mélopée traînante, exécutée par toutes sortes d'instruments de musique éparpillés dans le cortège. »

En 723, Charles Martel ayant été guéri à Trèves, sur le tombeau de saint Maximin, augmenta considérablement les domaines de l'abbaye de ce nom, notamment en lui donnant le territoire de Weimerskirch, où se trouvaient les ruines d'une fortification romaine qui portait le nom franc de Lucilinburhut (petit avant-poste); ce fut, d'après la plupart des auteurs, l'origine de la forteresse de Luxembourg et du nom donné à tout le pays.

En 763, Pépin le Bref passa les fêtes de Pâques et de Noël à Longlier, dans le pays d'Ardenne. Son fils, l'illustre Charlemagne, résida souvent à Thionville pendant le cours de son règne, et y marqua son séjour par plusieurs actes importants, entre autres par le champ de mai tenu en 806. Ce fut à Thionville qu'il promulgua le fameux capitulaire qui divisait l'empire en trois parties et en assignait une à chacun de ses fils.

Arrivons à l'origine du comté de Luxembourg.

Le fondateur de la maison de Luxembourg fut Sigefroi (963-998, le plus jeune fils du comte palatin Wigeric, de la maison d'Ardenne, qui, comme la maison de Lorraine, se prétendait issue du sang de Charlemagne.

En 963, dit le Dr Glæsener (1), sous le règne d'Othon le Grand, et avec l'approbation de l'Archevêque Bruno, de Cologne, Sigefroi acquit de Wicker, abbé de Saint-Maximin, de Trèves, en échange de propriétés sises à Feulen, les ruines d'un petit castel romain, avec les terrains environnants, formant aujourd'hui la banlieue de Luxembourg, le tout situé sur le territoire de la paroisse de Weimerskirch (et provenant de la donation faite par Charles Martel à l'abbaye de Saint-Maximin). Il releva les ruines de ce fortin, placé sur deux rocs isolés, le grand et le petit Bock (bouc) et le convertit en un château-fort (burg), construit selon les règles de la fortification de l'époque (Lucilinburhuc, Lutzelburg, Luxembourg). Une population de vassaux, agriculteurs, artisans et manœuvres ne tarda pas à s'établir sous l'aile tutélaire du manoir fortifié : cet établissement se fit sur le plateau de la montagne, vis-à-vis du grand Bock, et dans la vallée de l'Alzette qui le contourne. Un mur de circonvallation, avec fossé et sept tours quadrangulaires saillantes, entoura la cité naissante, qui ne s'étendait pas plus loin que le marché aux poissons actuel.

On peut donc dire que la ville de Luxembourg a été bâtie sur une terre française.

Telle fut l'origine de la forteresse et de la ville de Luxembourg; on nous pardonnera de nous être étendu un peu longuement sur ce point.

Sigefroi, d'ailleurs, ne porta pas lui-même le titre de comte de Luxembourg; ce fut un de ses descendants, Guillaume (1096), qui, le premier, prit officiellement ce titre.

Le 13 mars 1354, l'empereur d'Allemagne, Charles IV, par une charte donnée à Metz, éleva le comté de Luxembourg au rang de Duché, avec droit pour le Duc de tenir la rène droite du cheval de bataille de l'empereur et de remplir l'office d'écuyer tranchant aux fêtes impériales (2). Charles IV fit cette érection en faveur de son frère consanguin Wenceslas, fils

(1) D' GLÆSENER. Le Grand-Duché de Luxembourg, historique et pittoresque. Diekirch, 1885.

(2) Voir le P. BERTHOLET, de la Compagnie de Jésus. Histoire ecclésiastique et civile du duché de Luxembourg et du comté de Chiny, 8 vol. in-4°, Luxembourg, 1743.

unique du second mariage de Jean, comte de Luxembourg, avec Béatrix de Bourbon, fille du comte de Clermont.

C'est ce Jean de Luxembourg, dit Jean l'Aveugle, roi de Bohême et comte de Luxembourg, qui fut tué à la bataille de Crécy, le 26 août 1346. A l'appel de son ami, le roi de France Philippe VI de Valois, il était venu, avec son fils Charles et cinq cents chevaliers du Luxembourg et de la Bohême, porter secours aux Français dans leur lutte contre Édouard III, roi d'Angleterre, au cours de la fameuse guerre de cent ans.

Il faut lire dans Froissart le récit de ce beau fait d'armes, digne des temps héroïques.

Édouard d'Angleterre versa des larmes d'attendrissement à la vue de cette mort aussi étrange que sublime. Il fit célébrer dans l'église de Maintenay un service funèbre en l'honneur du roi défunt et y assista avec ses principaux officiers. Voulant rendre un éclatant hommage à son illustre adversaire, il fit adopter à son fils, le prince de Galles, l'emblème et la devise qui se trouvaient sur sa cotte de mailles trois plumes d'autruche et les mots: Ich dien, Je sers.

Le fils de Jean l'Aveugle, Charles de Luxembourg, n'avait pas montré moins de bravoure, et ce ne fut qu'après avoir reçu plusieurs blessures que ses chevaliers de Bohême purent le décider à quitter le champ de bataille.

Le roi Édouard, honorant le courage de son adversaire, remit au roi Charles de Bohême et de Luxembourg le corps de son père, qui fut inhumé le 7 septembre 1346 dans l'abbaye de Munster, à Luxembourg, ainsi que Jean l'Aveugle en avait exprimé le désir dans son testament. Le clergé et les États reçurent ses restes en grande pompe, mais il était dit que Jean l'Aveugle n'obtiendrait pas, même dans la mort, le repos qu'il n'avait su trouver de son vivant. Après la destruction de l'ancienne abbaye de Munster, en 1543, son corps en fut enlevé pour occuper onze sépulcres successifs et aller à la fin reposer à Castel, près de Sarrebourg, dans un beau sarcophage en marbre élevé par le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, en 1838.

Pendant toute la durée du moyen âge, l'histoire du duché de Luxembourg est intimement liée avec celle de l'empire d'Allemagne. Nous n'avons donc pas à nous en occuper ici.

Notons cependant un fait relevé pendant cette période, et qui intéresse un peu le pays de Champagne :

«On rapporte que Wenceslas II, empereur d'Allemagne et duc de Luxembourg (un des petits-fils de Jean l'Aveugle), vint de Luxembourg à Reims, en l'année 1398. Il eut dans cette dernière ville une longue mais stérile entrevue avec le roi de France, Charles VI, au sujet des affaires de l'Église. Et, si l'on en croit la tradition, il contracta, dans le cours de cette entrevue, un goût excessif pour le vin de Champagne, que l'on ne savait pas encore faire mousser à cette époque, mais qu'il caractérisait en disant : « Das ist ja ein echtes Oel, davon einem die Schnauze anklebt. Mais c'est de la véritable huile qui colle au palais. »>

CHAPITRE II.

Les ducs de Bourgogne et la maison d'Autriche.

En 1401, sous Wenceslas II, le gouvernement du duché de Luxembourg fut confié à Philippe le Hardi, duc de Bourgogne; en 1402, à Louis, duc d'Orléans, frère du roi de France Charles VI. Louis d'Orléans conserva ce gouvernement jusqu'au jour de sa mort. Il fut, comme on le sait, assassiné à Paris, le 23 novembre 1407, par Jean Sans-Peur, duc de Bourgogne.

L'administration du duché passa ensuite, en garantie d'une somme de 120,000 florins, à la nièce de Wenceslas, Élisabeth de Gorlitz, épouse d'Antoine de Bourgogne, duc de Brabant, tué à la bataille d'Azincourt (25 octobre 1415).

Quelques années après, Élisabeth de Gorlitz commença à entrer en négociation avec son neveu, Phillippe le Bon, duc de Bourgogne, fils de Jean Sans-Peur, qui, depuis longtemps, convoitait la possession du duché. Par un traité en date à Hesdin du 4 octobre 1441, ratifié sans réserves le 11 janvier 1442, elle céda à Philippe le Bon tous ses droits sur le duché de Luxembourg, dont elle le nomma mambour et gouverneur.

Le 5 mars 1442, par une proclamation datée de Thionville, elle engagea ses anciens sujets à la soumission et à la fidélité. envers le duc Philippe: «Incapable comme femme et comme veuve, dit-elle, de réprimer les dissensions intestines du pays et de le protéger à l'extérieur, elle en a confié le sort à des mains plus puissantes. >>

Cette proclamation et celle adressée directement aux habitants du pays par Philippe le Bon, le 22 mai 1442, furent mal accueillies, et le duc de Bourgogne dut se préparer à faire

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