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au grand-duché de Luxembourg la maxime favorite du docteur Pangloss, empruntée par Voltaire à Leibnitz Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Il n'y a donc, au moins à notre humble estime rien de paradoxal à soutenir que le grand-duché de Luxembourg doit, en bonne conscience, une véritable gratitude à la France! N'est-ce pas, en effet, le désir bien légitime de cette dernière de s'annexer en 1867-par des voies pacifiques et du consentement des populations - ce beau pays de Luxembourg, qui a été pour lui la cause occasionnelle de tous les avantages dont il profite aujourd'hui ? Et, mon Dieu, nous comprenons fort bien que, restant fidèles à leur refrain national, les Luxembourgeois redisent encore :

Mir welle bleiwen wât mer sin !

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1. Texte du traité du 11 mai 1867. Voici le texte officiel de cet acte important :

Traité.

Au nom de la très sainte et indivisible Trinité;

Sa Majesté le Roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, prenant en considération le changement apporté à la situation du Grand-Duché par suite de la dissolution des liens qui l'attachaient à l'ancienne Confédération germanique, a invité leurs Majestés la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, l'Empereur d'Autriche, le Roi des Belges, l'Empereur des Français, le Roi de Prusse et l'Empereur de toutes les Russies, à réunir leurs représentants en conférence à Londres, afin de s'entendre, avec les plénipotentiaires de Sa Majesté le Roi grand-duc, sur les nouveaux arrangements à prendre dans l'intérêt général de la paix.

Et leurs dites Majestés, après avoir accepté cette invitation, ont résolu d'un commun accord de répondre au désir que Sa Majesté le Roi d'Italie a manifesté, de prendre part à une délibération destinée à offrir un nouveau gage de sûreté au maintien du repos général.

En conséquence, Leurs Majestés, de concert avec Sa Majesté le Roi d'Italie, voulant conclure dans ce but un Traité, ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir: .....

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :

ARTICLE 1er. Sa Majesté le Roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, maintient les liens qui attachent le dit Grand-Duche à la maison d'Orange-Nassau, en vertu des traités qui ont place cet Etat sous la souveraineté de Sa Majesté le Roi grand-duc, ses descendants et successeurs.

Les droits que possèdent les agnats de la maison de Nassau sur la succession du Grand-Duché, en vertu des mèmes traités, sont maintenus.

Les hautes parties contractantes acceptent la présente déclaration et en prennent acte.

ARTICLE 2. Le grand-duché de Luxembourg, dans les limites déterminées par l'acte annexé aux traités du 19 avril 1839, sous la garantie des Cours de la Grande-Bretagne, d'Autriche, de France, de Prusse et de Russie, formera désormais un Etat perpétuellement neutre.

Il sera tenu d'observer cette même neutralité envers tous les autres Etats.

Les hautes parties contractantes s'engagent à respecter le principe de neutralité stipulé par le présent article.

Ce principe est et demeure placé sous la sanction de la garantie collective des puissances signataires du présent traité, à l'exception de la Belgique, qui est elle-même un Etat neutre.

ARTICLE 3. Le grand-duché de Luxembourg étant neutralisé aux termes de l'article précédent, le maintien ou l'établissement des places fortes sur son territoire devient sans nécessité comme sans objet.

En conséquence, il est convenu d'un commun accord que la ville de Luxembourg, considérée par le passé sous le rapport militaire comme forteresse fédérale, cessera d'être une ville fortifiée.

Sa Majesté le Roi grand-duc se réserve d'entretenir dans cette ville le nombre de troupes nécessaires pour y veiller au maintien du bon ordre.

ARTICLE 4. Conformément aux stipulations contenues dans les articles 2 et 3, Sa Majesté le Roi de Prusse déclare que ses troupes actuellement en garnison dans la forteresse de Luxembourg, recevront l'ordre de procéder à l'évacuation de cette place immédiatement après l'échange des ratifications du présent traité. On commencera simultanément à retirer l'artillerie, les munitions et tous les objets qui font partie de la dotation de la dite

place forte. Durant cette opération, il n'y restera que le nombre de troupes nécessaires pour veiller à la sûreté du matériel de guerre et pour effectuer l'expédition, qui s'achèvera dans le plus bref délai possible. ARTICLE 5. Sa Majesté le Roi grand-duc, en vertu des droits de souveraineté qu'il exerce sur la ville et forteresse de Luxembourg, s'engage de son côté à prendre les mesures nécessaires, afin de convertir la dite place forte en ville ouverte, au moyen d'une démolition que Sa Majesté jugera suffisante pour remplir les intentions des hautes parties contractantes, exprimées dans l'article 3 du présent traité. Les travaux requis à cet effet commenceront immédiatement après la retraite de la garnison. Ils s'effectueront avec tous les ménagements que réclament les intérêts des habitants de la ville.

Sa Majesté le Roi grand-duc promet en outre que les fortifications de la ville de Luxembourg ne seront pas rétablies à l'avenir, et qu'il n'y sera maintenu ni créé aucun établissement militaire.

ARTICLE 6. (Relatif à la dissolution des liens qui avaient pu exister, au point de vue de la Confédération germanique, entre le grand-duché de Luxembourg et certains territoires appartenant au duché de Limbourg, qui continuent à faire partie intégrante du royaume des Pays-Bas.)

-

ARTICLE 7. Le présent traité sera ratifié, et les ratifications en seront échangées à Londres dans l'espace de quatre semaines, ou plus tôt si faire se peut.

En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs l'ont signé et y ont apposé le sceau de leurs armes.

Fait à Londres, le onze mai de l'an de grâce mil huit cent soixante-sept.

Dans cette séance du 11 mai, sur la demande de M. van de Weyer, plénipotentiaire de Belgique, les membres de la conférence signèrent la déclaration suivante, destinée à rester annexée au protocole n° 4:

«Il est bien entendu que l'article 3 ne porte point atteinte au droit des autres puissances neutres de conserver et au besoin d'améliorer leurs places fortes et autres moyens de défense. »

Enfin, dans une dernière séance tenue le lundi 13 mai, les plénipotentiaires procédèrent à la signature des divers exemplaires en due forme du traité et de la déclaration annexe.

Les ratifications du traité furent échangées dans un procèsverbal dressé à Londres le 31 mai.

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2.

Notification du traité aux Parlements. France. C'est le Parlement français qui, le premier, fut avisé officiellement de la conclusion des négociations de la conférence de Londres. Dès la séance du lundi 13 mai, le marquis de Moustier, ministre des affaires étrangères, monte à la tribune du Sénat, puis à celle du Corps législatif, pour y faire une communication du Gouvernement. Voici les principaux passages de la déclaration (1):

La conférence de Londres a terminé ses travaux. Les plénipotentiaires ont signé, le 11 de ce mois, le traité qui détermine d'une manière définitive la situation internationale du grand-duché de Luxembourg.

Le Gouvernement français s'était depuis longtemps préoccupé de l'état d'indécision où demeurait une question si importante pour la sécurité de nos frontières. Que cette sécurité fút assurée par la réunion du Grand-Duché à la France ou par toute autre combinaison, le point capital pour nous était que la Prusse, dans la condition nouvelle que lui avaient faite les derniers changements européens, ne conservât pas au delà de ses limites, et en dehors de tout droit international, un établissement militaire qui constituait vis-à-vis de nous une position éminemment offensive.

Nous étions autorisés à espérer que nos relations amicales avec le cabinet de Berlin prépareraient une solution favorable, car notre intention a toujours été de ménager les justes susceptibilités de la Prusse, et d'admettre, dans une question qui avait à nos yeux, un caractère européen, l'examen loyal des traités et de l'intérêt des grandes puissances.

Puis le ministre rend compte des travaux de la conférence de Londres et analyse les articles du traité.

Il termine ainsi :

Ce traité répond pleinement aux vues du Gouvernement français. Il fait cesser une situation créée contre nous dans de mau

(1) Moniteur universel du 14 mai 1867.

vais jours, et maintenue depuis cinquante ans; il donne à notre frontière du Nord la garantie d'un nouvel Etat neutre.

Non seulement il supprime les causes d'un conflit imminent, mais encore il donne de nouveaux gages à l'affermissement de nos bons rapports avec nos voisins et à la paix de l'Europe.... Le Gouvernement croit utile aussi de faire ressortir ce fait que, pour la première fois peut-être, la réunion d'une conférence, au lieu de suivre la guerre et de se borner à en sanctionner les résultats, a réussi à la prévenir et à conserver à l'Europe les bienfaits de la paix. Il y a là un indice précieux des tendances nouvelles qui prévalent de plus en plus dans le monde, et dont tous les amis du progrès pacifique de la civilisation doivent se réjouir.

Quel démenti les événements de 1870-71 ont donné à ces belles espérances de M. de Moustier! Les « tendances nouvelles » n'ont pas été longtemps goûtées par M. de Bismarck. Le Moniteur constate que cette déclaration a été accueillie au Sénat par des « marques d'approbation ».

Au Corps législatif, l'assemblée resta muette. Ni approbation ni contestation. Jules Favre se leva seulement pour demander que, suivant la promesse faite antérieurement le ministre d'Etat voulût bien communiquer à la Chambre les documents nécessaires pour discuter lorsque le moment serait venu « les graves questions que font naître les communications. qui viennent d'être faites >>.

Un décret impérial du 1er juin 1867, rendu par conséquent le lendemain de l'échange des ratifications (procès-verbal du 31 mai à Londres), et inséré au Moniteur universel du 2 juin, a prescrit la publication du traité de Londres, dont il a inséré le texte entier.

Au milieu du mois de juin, le Gouvernement français, pour tenir la promesse qu'il avait faite, fit imprimer et distribuer aux membres du Sénat et du Corps législatif un livre jaune sur l'affaire du Luxembourg (1). Cet important document contenait toutes les dépêches diplomatiques officielles!

(1) Ce livre jaune a été reproduit en entier dans le Moniteur universe du 19 juin 1867.

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