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refus, une indemnité de deux millions de thalers, soit 7,500,000 francs!

2° Que tous les militaires français qui pénétreraient sur le territoire du Grand-Duché fussent internés ;

3° Que l'exequatur fût retiré au vice-consul de France, accusé d'avoir favorisé l'établissement d'un bureau de recrutement pour les militaires français ;

4° Enfin, que des poursuites fussent intentées contre deux gendarmes qui auraient cherché à favoriser l'entrée dans le pays de deux militaires français.

Le but de cet ultimatum était facile à expliquer (1). On voulait réagir contre l'influence française dans le GrandDuché, et obliger celui-ci à travailler dans les vues du chancelier, qui avait déjà décidé de s'emparer des chemins de fer exploités par la compagnie de l'Est dans le Grand-Duché et dans l'Alsace-Lorraine.

Le Gouvernement luxembourgeois était le plus faible. En vertu du nouvel axiome introduit dans les relations internationales: la force prime le droit, il devait céder sur la majeure partie de ces demandes, pour ne pas s'exposer à se les voir imposer toutes, et de vive force. Aussi, M. Servais (2), d'accord avec le prince lieutenant du Roi et ses collègues, promit l'internement des militaires français qui arriveraient sur le territoire luxembourgeois, ce qui se pratiquait d'ailleurs déjà; il promit également la punition des deux gendarmes, si les faits reprochés étaient exacts; il céda au sujet du retrait de l'exequatur du vice-consul de France, qui était réclamé avec une grande vivacité, parce que cet agent pouvait s'être livré, à l'insu du Gouvernement grand-ducal, à des actes imprudents et qu'il était à craindre qu'en le soutenant on ne fit naitre l'idée d'une connivence avec lui.

Mais le ministre d'État, s'appuyant sur les termes précis du traité de Londres, refusa absolument d'accepter, même de discuter, aussi bien la question de l'indemnité pécuniaire ré

(1) J. JORIS, op. cit., page 359. (2) Autobiographie, page 73.

clamée, que celle de l'abandon à l'Allemagne de l'exploitation des chemins de fer et de l'administration des postes et télégraphes. Il faisait observer avec raison que ces prétentions était contraires au principe même de l'indépendance du Grand-Duché.

Les choses en restèrent donc là jusqu'au traité de Francfort. La Prusse n'osa ou ne voulut plus insister, et le GrandDuché put se croire enfin à l'abri des éventualités périlleuses dont il était menacé.

Voici la conclusion du rapport de M. Servais sur cet incident:

La mission de M. d'Ernshausen a eu certainement pour principal objectif la cession de l'exploitation de nos chemins de fer à l'Allemagne, qu'on a cherché plus tard à acquérir par le traité de Francfort; la manière dont elle a été remplie fait voir que M. de Bismarck avait ses raisons pour ne pas désirer que ses projets fussent divulgués; qu'il ne voulait pas employer la force, ni même paraitre vouloir recourir à la menace pour les réaliser, tout en profitant volontiers, à cette fin, des craintes qu'il n'hésitait pas à inspirer. Elle est un curieux spécimen des procédés diplomatiques dont il sait, à l'occasion, se servir.

Nous terminerons sur cette citation. Ce n'est pas à nous de contredire une appréciation aussi juste d'un ministre luxembourgeois sur la politique cauteleuse du chancelier de fer.

POST-SCRIPTUM

Le Luxembourg en 1899.

avons raconté

Nous voici parvenu à la fin de notre tâche. Nous le plus exactement qu'il nous a été possible, et en laissant de côté tout ce qui aurait pu troubler notre impartialité celles des différentes

phases de la vie du pays de Luxembourg pendant lesquelles les Français ont joué un rôle important

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prépondérant quelquefois dans son histoire. Nous espérons avoir réussi à donner quelque intérêt à ces récits. Depuis 1871, des Français et en assez grand nombre viennent encore à Luxembourg. Mais ils y viennent en industriels ou en commerçants, en voyageurs ou en simples touristes; quelquefois, même, en malades, chercher souvent avec succès dans le calme et l'air pur de la riante vallée de l'Alzette ou des montagnes de Diekirch, la guérison de leurs maux ou le bienfaisant repos de leurs nerfs surmenés.

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C'est pour ceux-là s'il n'est pas téméraire d'espérer pour cet opuscule l'heureuse fortune de tomber sous leurs yeux que nous croyons intéressant de dire, en quelques mots, ce que le Grand-Duché est devenu depuis cette guerre de 1870-1871, qui a rejeté dans le plus lointain des avenirs les espérances que la France avait pu concevoir un instant de voir encore les Luxembourgeois redevenir ses enfants.

Les années qui suivirent la guerre de 1870 ne furent signalées par aucun événement notable dans la vie extérieure du Grand-Duché. Il continua sa paisible existence sous le gouvernement plus nominal que réelde Guillaume III de Hollande et sous la direction effective de son frère le prince Henri des Pays-Bas. C'est ce dernier qui a été le véritable souverain du Grand-Duché jusqu'à sa mort, arrivée le 13 janvier 1879.

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Pendant ce temps, jusqu'à l'année 1884, la démolition de la forteresse se poursuit lentement. La ville de Luxembourg se dégage peu à peu de la ceinture de pierre qui l'enserrait étroitement. Elle peut, enfin, qui ne lui était pas arrivé depuis des siècles, respirer librement; et, peu à peu aussi, se révèlent aux yeux surpris et charmés de ses habitants les beautés réellement pittoresques que cachait dans son sein le vallon de l'Alzette, trop bien protégé jusque-là contre les

regards indiscrets.

La population s'accroît chaque année. Des quartiers. neufs sont créés. Les faubourgs s'unissent plus intimement à la ville haute, affranchis qu'ils sont de la multitude de barrières et de servitudes militaires qui entravaient la facilité des communications.

De grands chagrins vinrent attrister les dernières années de Guillaume III. En 1879, au mois de janvier, il perdait son frère unique, le prince Henri, son bras droit pour le gouvernement et l'administration du Grand-Duché, et, cinq mois après, l'aîné de ses fils, héritier présomptif de sa couronne, le prince Guillaume d'Orange, celui qui avait été mèlé d'une manière si

active aux négociations avec la France en 1867. Enfin, le 21 juin 1884, mourait le dernier de ses fils - (il en avait eu trois) le prince Alexandre, devenu prince royal à la mort de son frère aîné. Avec lui s'éteignait l'espoir de postérité mâle de la maison d'Orange-Nassau, branche othonienne de l'illustre maison de Nassau. Guillaume III restait son dernier représentant. On sait que de son second mariage avec la princesse Emma de Waldeck-Pyrmont il n'a eu qu'une fille, Wilhelmine, aujourd'hui reine des Pays-Bas.

La succession au trône du Grand-Duché est régie par le pacte de famille de Nassau du 30 juin 1783 (1), dont les stipulations, en ce qui concerne le Luxembourg, ont été confirmées par l'acte final du congrès de Vienne (art. 71) et par deux conventions conclues entre les divers agnats de la maison de Nassau, le 14 juillet 1814

(1) C'est une pièce fort curieuse que ce Pacte de famille de la maison de Nassau. Il porte les dates des 13 (à la Haye), 23 (à Kircheim), 26 (à Biebrich) et 30 (à Saarbrücken) juin 1783. Il est passé entre: 1° Guillaume, prince d'Orange, prince à Nassau, etc.; 2° Charles, prince de Nassau (en ce temps aîné représentant notre maison princière de Nassau-Saarbrücken); 3° Charles-Guillaume, prince régnant de Nassau, etc.; 4° et Louis, prince de Nassau, etc., maréchal de camp des armées royales françaises et propriétaire des deux régiments d'infanterie Nassau-Saarbrücken et de cuirassiers Nassau-Saarbrücken, etc., tous quatre fils de « Son Excellence notre Seigneur et père le prince d'Orange, à qui Dieu fasse merci ».

Ce pacte de famille est un véritable contrat de société universelle de tous biens présents et à venir, en 48 articles, avec réserve au profit des associés des acquêts faits avec les revenus de la part de chacun dans les biens communs. Il contient, comme un acte de société ordinaire, des stipulations spéciales pour le partage des biens, et prévoit les cas de minorité et de décès survenant parmi les contractants ou leurs ayants-droit. L'article 42, même, sous la rubrique de: Arrangement pour le cas de l'extinction de toute la ligne masculine de Nassau, indique ce que le dernier survivant des représentants males de la maison de Nassau aura la faculté de faire pour assurer la transmission des biens patrimoniaux, lui permettant même de déroger à la loi salique.

Le recueil administratif de M. P. Ruppert reproduit quelques-uns des autres articles de ce pacte de famille.

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