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Que de lis outrages! que d'attraits obscurcis!
L'émail de ses beaux yeux, l'orgueil de ses sourcils,
Son vermeil incarnat, le corail de sa bouche,
Tout meurt... Vénus en vain le regarde, le touche;
En vain d'ardens baisers Vénus couvre Adonis;
Adonis qui n'est plus n'en ressent plus le prix.
Pleurons tous Adonis : Amours, fondez en larmes;
Adonis meurt percé par de cruelles armes!
Sa blessure profonde à son sang donne essor;
Mais la tienne, ô Vénus! est plus profonde encor.
Sa meute autour de lui fait gémir les campagnes;
Les nymphes en pleurant descendent des montagnes;
Vénus court au hasard, et, les cheveux épars,

Foule aux pieds les buissons et les débris des dards;
De sa sombre douleur laisse en tous lieux l'empreinte;
Et l'épine en tous lieux de son beau sang est teinte.
Vénus de cris aigus fait retentir les airs,
Redemande Adonis, Adonis aux déserts...
Déesse, ton amant ne voit plus la lumière;
Tout son sang répandu roule sur la poussière:
Les ris n'habitent plus sur ses traits ombragés;
En amaranthe, hélas! tous ces lis sont changes!
Ah, Vénus! ah, Vénus! dit Cythère en alarmes,
Quel malheur t'a ravi ton époux et tes charmes?
Tant qu'Adonis vivait nous avons vu Vénus;

Nous la cherchons en toi depuis qu'il ne vit plus.
Ah, Vénus! tout ressent tes mortelles atteintes:
Les rochers et les bois répondent à tes plaintes ;

Par tes cris douloureux les fleuves attendris
Répètent en pleurant : Adonis! Adonis!

La pourpre de son sang rougit les dons de Flore;
Et Vénus cependant, Vénus l'appelle encore!
Adonis!... Ah, Vénus! ah, regrets superflus!
Echo, la triste Echo, t'apprend qu'il ne vit plus!
Hélas! à ta douleur qui n'eût donné des larmes,
Quand tu vis Adonis, l'objet de tes alarmes,
Adonis ton amant, Adonis ton époux,

Sur l'arène étendu, percé de tristes coups!
Tu lui tendais les bras; ta voix, ta voix plaintive,
Rappelait, mais en vain, son ame fugitive:

<< Arrête, cher amant! me fuis-tu pour toujours?
« Te perdrai-je, Adonis? Adonis mes amours!
<< Reçois du moins avant ce baiser plein de flamme;
<< Laisse-moi recueillir les restes de ton ame!
<< Reviens, cher Adonis, et par un tendre effort
« Mêle encore un soupir à ce dernier transport;

<< La bouche sur ta bouche, et l'œil sur ta paupière,
<< Ton ame dans mon cœur volera toute entière :
<< Dans tes soupirs mourans je confondrai mes feux;
<< Je vivrai malheureuse, et tu mourras heureux.
<< O baisers précieux! ô volupté suprême!

<< Ils vivront dans mon cœur à l'égal de toi-même!
<< Vivez donc, ô baisers! puisqu'Adonis me fuit;
« Il fuit loin de Vénus, dans l'éternelle nuit !
<< Il verra donc sans moi la rive ténébreuse!
Et moi je lui survis! Déesse malheureuse!

«Que ne puis-je avec lui descendre chez les morts!
<< Jouis de mes regrets, reine des sombres bords;
<< Enlève-moi l'époux dont tes lois me séparent,

<< Puisqu'il n'est rien de beau dont tes mains ne s'emparent: << Terrible déité, triomphe de mes pleurs!

Nul mortel comme moi n'éprouva tes rigueurs. « Je suis, cher Adonis, dans le royaume sombre: << Mon bonheur et ta vie ont passé comme une ombre! << Vénus est sans époux, mon fils est sans flambeau, << Et mes plus chers amours te suivent au tombeau. «Eh! pourquoi, tendre époux, ornement de la terre, << A des monstres affreux vas-tu porter la guerre ? » Ainsi pleurait Vénus. Les Amours attendris Répétaient : O Vénus, tu n'as plus d'Adonis! Sur Adonis sanglant Vénus toute éplorée Dans les pleurs, dans le sang nageait désespérée. La terre s'abreuva de leurs flots réunis:

Du sang naquit la rose, et des pleurs les soucis.
Pleurons tous Adonis, Adonis et ses charmes!
Vénus quitte ces bois, complices de tes larmes;
Transportons Adonis dans un lieu de repos;
Que ton lit serve encore à ses derniers pavots.
Son
corps privé de vie offre encor de quoi plaire:
On croit voir Adonis dormant sur la fougère.
Grâces, apportez-lui ces riches vêtemens,
Témoins de la douceur de leurs premiers sermens;
Pour la dernière fois venez le voir encore:

Ceignez son pâle front des dons brillans de Flore.

Jonchez, ornez de fleurs sa tête et ses habits,
Si quelque fleur survit au trépas d'Adonis!
Epuisez les parfums de l'heureuse Arabie;

Baignez son corps sanglant dans les flots d'ambroisie.
Puisqu'Adonis n'est plus, parfums, périssez tous!
Dans la pourpre couché je vois ce tendre époux.
Les Ris pleurent en foule autour de sa blessure;
Les Amours désolés coupent leur chevelure:
L'un foule aux pieds ses traits, et de ses faibles doigts
Sépare avec effort et brise son carquois;

Celui-ci du héros détache le cothurne,

Et cet autre en pleurant se penche sur son urne.
Pleurez, tendres Amours, la reine de Paphos;

Et toi, dieu d'hyménée, éteins tous tes flambeaux;
Changeons les chants d'hymen en des chants funéraires,
Pleurons Vénus, Hymen, et leurs douleurs amères.
Pleurez, Grâces, pleurez le fils de Cyniras;
Pleurez ses tendres feux, et son cruel trépas.

Eh! qui ne pleurerait ce mortel plein de charmes?
Des yeux des parques
même il arrache des larmes.
Mais l'inflexible Hécate est sourde à leurs regrets;
Adonis a touché le seuil de son palais.

Vénus espère en vain qu'elle le lui renvoie,

Et l'Achéron jaloux ne lui rend point sa proie.

Par POINSINET (de Sivry.)

L'ABSENCE.

A THAIS.

DEPUIS

EPUIS long-tems, beauté légère,
Un rival m'a ravi ta foi:

Peut-être, hélas, il sait mieux plaire !

Mais sait-il mieux aimer que moi?

Déjà t'entraîne sur ses traces

L'espoir mensonger du bonheur;

Loin de moi fuit l'essaim des Grâces,
Et je reste en ces lieux seul avec ma douleur.

As-tu vu quelquefois la colombe fidelle,
Triste sur un rameau, dans l'ombre de la nuit,
Rappeler en vain auprès d'elle

Le ramier trompeur qui la fuit?
Ainsi, dans ma longue tristesse,

Privé de toi, mon seul amour,

Combien de fois la nuit surprendra ma tendresse, Par de stériles vœux invoquant ton retour!

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