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Pour tromper ton absence et charmer mon veuvage, Ces lieux, peuplés du moins des plus doux souvenirs, De nos beaux jours passés me réservent l'image; J'irai parmi ces fleurs égarer mes loisirs:

Près de ce ruisseau qui murmure

Je croirai quelquefois entendre tes soupirs.
Je dirai: Ce lit de verdure

Vit souvent mon bonheur égaler mes desirs.
La fleur nouvellement éclose
Sous les caresses des zéphyrs,

Le papillon baisant la rose,

Les oiseaux chantant leurs plaisirs,
Oui, même loin de toi, ces jeux de la nature
Rendront l'amour présent à mon cœur enchanté:
Au défaut de la volupté
Je jouirai de sa peinture.

Cruelle, puisque tu le veux,

Porte en d'autres climats ta flamme illégitime;
Que le plaisir sans moi t'accompagne en tous lieux !
Puisses-tu des remords n'être point la victime!
De l'amant que tu fuis tels sont les derniers vœux.
Malgré mon injure et ton crime,

Par ton malheur, hélas, je ne puis être heureux!
Par DEGUERle,

A L'OMBRE DE CAROLINE.

POUR la douzième fois la sœur du dieu du jour
De son disque inégal a changé le contour,
Depuis qu'elle n'est plus celle qui dans mon ame
Régnait, objet sacré d'une éternelle flamme!
Sortant avec effroi d'un néant prolongé,
Je remonte l'abyme où sa mort m'a plongé,
Et, soulevant le poids dont elle est oppressée,
A travers mes sanglots s'échappe ma pensée;
Je renais par degrés, je ressaisis mon cœur,
Et je cède au besoin de peindre mon malheur...
Je puis écrire enfin !... J'écris à Caroline.
Ombre chère, entends-moi de ta sphère divine;
Car s'il existe un Dieu, désormais mon espoir,
Que la raison démontre et ne peut concevoir,
Qu'atteste l'univers, que le malheur réclame,
Dans son sein immortel repose ta belle ame.
Tome XI.

ΙΟ

Jadis, quand tu charmais ce terrestre séjour,
Confiant ma pensée aux ailes de l'Amour,
J'ordonnais; dans ton sein Amour portait ma lettre :
Mais celle-ci quel dieu voudra te la remettre?
Où trouver d'aussi sûrs, d'aussi doux messagers?
Dois-je m'en reposer sur ces songes légers

Qui, pour calmer ma peine et tromper mon veuvage,
M'offrent dans le sommeil ta fugitive image?
Eh! comment me fier à leur zèle imposteur?
Ils osent, empruntant ton organe enchanteur,
Me reprocher l'excès de ma douleur profonde,
M'invitent à chercher, dans le vain bruit du monde,
Le bonheur... le bonheur qui m'a fui pour toujours!
M'assurent que je puis sur les pas des Amours
Y trouver (ô blasphême!) une autre Caroline...
Oui, je puis retrouver ta fraîcheur dans Delphiue,
Dans Rose ton souris, dans Adèle tes yeux,
Dans Zoé de ton sein le contour gracieux;
Ton caractère aussi revit dans Adolphine,
Dans Flore ton esprit, ton cœur dans Joséphine:
Ainsi de ta beauté chacune m'offre un trait;
Mais des traits isolés ne sont point un portrait!
Ainsi, recomposant le plus parfait modèle,
Je puis de tes vertus trouver une étincelle,
Un rayon égaré..... mais je ne pourrais pas
Rallumer le foyer qu'éteignit le trépas!...

Danscestems où l'honneur compte plus d'un naufrage
Sans doute que les dieux, jaloux de leur ouvrage,

Ont voulu te soustraire à ces vils séducteurs,
Des droits de la tendresse heureux usurpateurs,
Qui peut-être espéraient refaire à leur image

Ce cœur qu'ils profanaient par leur impur hommage.
Leurs principes affreux, athéisme d'amour,

Tu les a détestés: tous ces amans d'un jour,
Insectes papillons qui s'attachent aux Graces,
Sans effleurer ton cœur voltigeaient sur tes traces:
Le vice t'entourait, mais n'osa t'approcher.
Ton seul tort, et j'eus droit de te le reprocher,
Est d'avoir méconnu le danger de tes armes.
Je sais que la nature, en créant tant de charmes,
A créé le besoin de les faire admirer,
Et que, pour la beauté, plaire c'est respirer;
Mais pourquoi dérober l'hommage illégitime
D'un amour qu'on ne veut payer que par

l'estime?

Et quel triomphe, hélas! pour un cœur généreux
De se dire : l'on m'aime et l'on est malheureux!
Ah! si dans l'Elysée on est sensible encore,
Souviens-toi que l'amour d'un coup d'œil peut éclore,
Et qu'au séjour nouveau par ton ame habité
Quand on est malheureux c'est pour l'éternité.

Mais souviens-toi surtout de l'ami le plus tendre
Qui, plein de tes vertus, et fidèle à ta cendre,
Reconnaissant d'aimer..... même ce qui n'est plus,
Chérit sa peine, et vit de soupirs superflus.
Espérer le bonheur serait te faire injure:
La consolation est pour moi le parjure.

Les Muses, seul amour permis au malheureux
Qui perd l'objet constant de ses plus tendres vœux;
Les Muses, dont la main essuya tant de larmes,
Pour moi les Muses même ont perdu tous leurs charmes;
Je hais leurs vains lauriers, et mon luth détendu
Aux branches d'un cyprès repose suspendu;

Ou d'un doigt incertain si je l'essaie encore,

Soit quand le jour s'enfuit, soit quand renaît l'aurore,
C'est pour dire aux échos ton nom et ma douleur.
Et qu'importe la gloire à qui perd le bonheur?
Que me fait à présent le succès d'un ouvrage?
La voix du monde entier ne vaut pas ton suffrage;
Toi seule fus ma muse: oui, de tous mes écrits
Caroline fut l'ame et le juge et le prix.

Lorsqu'à mon vers heureux souriait le parterre,
L'orgueil que j'ai senti fut l'orgueil de te plaire.

Ce monde où tu n'es plus m'appelle vainement;
Le monde est un désert pour le cœur d'un amant!
Seule tu le peuplais..... tu le peuples encore.....
Mais quelle nuit affreuse y remplace l'aurore!
J'y vivais d'espérance, et j'y vis de regrets!
Où le myrte a fleuri s'élève le cyprès!

Tout m'y semblait riant; tout est devenu sombre!
Je n'y voyais que toi; je n'y vois que ton ombre!...
Je la trouve aux lieux même où je crois l'éviter ;
Melpomène à ses jeux vient-elle m'inviter,

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