Images de page
PDF
ePub

Le voilà donc le prix de ma longue tendresse!
Qui croira désormais à tes attraits menteurs?
Après sept ans entiers de bonheur et d'ivresse
Il faut me détacher de tes bras enchanteurs!
Je vais donc maintenant, tel qu'un ramier sauvage
Qui sur le rocher nu lamente ses ennuis,
Seul dans un lit désert déplorant mon veuvage,
Mesurer tristement le cercle entier des nuits!
Du moins l'amant trahi d'une beauté cruelle,
Qui, ne pouvant fléchir ses injustes mépris,
Se venge en l'imitant, forme une amour nouvelle,
D'un regret moins amer voit ses beaux jours flétris:
Mon sort à moi, mon sort en perdant Eucharis
Est de ne pouvoir plus aimer une autre qu'elle.
Employez l'artifice, étalez mille atours;

Non, vous ne m'aurez point, orgueilleuses maîtresses:
Eucharis a reçu mes premières caresses,

Eucharis obtiendra mes dernières amours.

L'ARBRE MOURANT.

CITOYENS qui voyez étendus sur la terre
Ces rameaux, ces tristes débris,
Ma chûte qui vous a surpris

Ne vient point des feux du tonnerre.
Hélas! apprenez mon destin:
J'ombrageais le tertre voisin

Du lieu qu'habitait Galathée;
L'ingrate s'en est écartée:

J'ai langui, j'ai perdu ma séve et mes couleurs.

Je n'ai plus goûté l'avantage

De parer son jardin, de garantir ses fleurs,
Et de la voir sous mon ombrage.

Tout m'a quitté : l'oiseau qu'attirait mon feuillage
Portait ailleurs ses chants, me laissant mes douleurs,
Et me privait de son ramage.

La douleur de ne plus vous voir,
Galathée, a causé mon dernier désespoir.
les aquilons partent de ces collines
Qui touchent aux plaines voisines;

Les vents,

Je les ai conjurés de terminer mon sort.
Les vents m'ont écouté; j'ai senti leur effort,
Et vous contemplez mes ruines.

Si quelque voisin plus heureux

Peut s'attacher à vous d'une ardeur aussi vive,
Sur mon exemple, hélas ! favorisez ses vœux,
Et n'ordonnez pas qu'il me suive.

Par BERNARD,

SUR

LA MORT DE SAINT-LAMBERT.

AMIs chers et constans, et vous,

dons du génie,

Beaux arts consolateurs des peines de la vie,

Il faut donc tôt ou tard vous quitter sans retour!
Chaque instant dit à l'homme : il faut mourir un jour!
Ce poète charmant, dont la voix douce et pure
Sur de sublimes tons a chanté la nature,

Repose maintenant dans la nuit du tombeau !
J'ai vu de ses longs jours s'éteindre le flambeau.
Amis des arts, prêtez une oreille attentive;
La nature à ma voix mêle sa voix plaintive.

Le spectacle des cieux, cet auguste appareil
Du lever du matin, du coucher du soleil;
La chaîne des saisons qui dispensent au monde
Ces trésors variés que la terre féconde;
Le printems qui ramène et les fleurs et l'amour,
Et l'été qui confond la nuit avec le jour,
Qui, sur son char de feu s'avançant sur nos têtes,
Colore nos moissons et roule les tempêtes;

L'automne qui mûrit tant de bienfaits divers,
Dont la prodigue main enrichit l'univers;
L'hiver enveloppé de sa robe d'albâtre
Qui tapisse des monts le vaste amphithéâtre;
Ces tableaux imposans n'agitent plus son cœur
De terreur ou d'espoir, de plaisir ou d'horreur;
Et celui dont la voix célébra ta carrière,
Soleil, ne pourra plus jouir de ta lumière.
Printems qu'il a chanté, lorsqu'assis sur les airs,
De roses couronné, planant sur l'univers,
Tu viendras consoler la nature flétrie,

Tu lui demanderas d'une voix attendrie:

<< Qu'est devenu celui qui chanta mes plaisirs?... >>
Elle te répondra par de profonds soupirs.
Tu comprendras alors ce funeste langage,
Tu couvriras ton front d'un lugubre nuage,
Et tes pleurs, s'échappant de ce triste rideau,
Du peintre des saisons baigneront le tombeau.

Il ne chantera plus vos arts, votre innocence,
Vos rustiques travaux guidés par l'espérance,
Bergers, nymphes des bois, modestes laboureurs,
Sur ces cendres aussi répandez quelques fleurs.
Loin du faste des grands, du tumulte des villes,
Souvent il visitait vos cabanes tranquilles:
A ces biens qu'on achète aux dépens du repos
Il préféra toujours le calme des hameaux;
Il préféra des fleurs, des rians paysages,
Des amis, seul trésor et seul desir des sages.

« PrécédentContinuer »