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O confidens discrets de tous ses sentimens,

Vous qui de ses longs jours fites un long printems,
Amis qu'il adorait, laissez couler vos larmes;
De ses douces vertus vous regrettez les charmes,
Cette voix que jamais n'a démenti son cœur,
Ce cœur pur où régnait une noble candeur!
Jamais il ne connut la basse jalousie;

Il aima ses rivaux, et fit taire l'envie:
Il connut des mortels les crimes, les fureurs,
Et les chérit toujours en plaignant leurs erreurs;
Dans ses écrits touchans l'humanité respire,
Et qui lit ses écrits dans son ame peut lire.
Dites, quel ennemi n'eût-il pas désarmé:
Sans doute il aima trop pour n'être pas aimé :
Aussi, tendre amitié, c'est ta main consolante
Qui soutint le fardeau de sa tête mourante
Dans ce moment fatal de tendresse et d'effroi;
Son ame en s'exhalant se reposa sur toi.

Reçois, ô Saint-Lambert! reçois ce pur hommage.
Oui, si le ciel m'accorde un paisible hermitage,
Sous des saules touffus, sur les bords d'un ruisseau
Je veux entre les fleurs t'élever un tombeau:
Je viendrai tous les jours dans ce temple champêtre
Me livrer aux plaisirs que tu m'as fait connaître,
Nourrir de tes beaux vers mon esprit et mon cœur,
Admirer la nature, adorer son auteur,

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ÉLÉGIE XIII

DU LIVRE IV DES POÉSIES DE PARNY.

Il est tems, mon Eléonore,

De mettre un terme à nos erreurs;
Il est tems d'arrêter les pleurs
Que l'Amour nous dérobe encore.
Il disparaît l'âge si doux,
L'âge brillant de la folie!
Lorsque tout change autour de nous
Changeons, ô mon unique amie!
D'un bonheur qui fuit sans retour
Cessons de rappeler l'image;
Et des pertes du tendre amour
Que l'amitié nous dédommage.
Je quitte enfin ces tristes lieux
Où me ramena l'espérance,
Et l'Océan entre nous deux
Va mettre un intervalle immense!

Il faut même qu'à mes adieux
Succède une éternelle absence!
Le devoir m'en fait une loi.

Sur mon destin sois plus tranquille;
Mon nom passera jusqu'à toi:
Quel que soit mon nouvel asile,
Le tien parviendra jusqu'à moi.
Trop heureux si tu vis heureuse,
A cette absence douloureuse
Mon cœur pourra s'accoutumer.
Mais ton image va me suivre;
Et si je cesse de t'aimer
Crois que j'aurai cessé de vivre.

ÉLÉGIE V

DU LIVRE II DES AMOURS DE BERTIN.

JE

E vous revois, ombrage solitaire,
Lit de verdure impénétrable au jour,
De mes plaisirs discret dépositaire,
Temple charmant où j'ai connu l'amour!
O souvenir trop cher à ma tendresse!
J'entends l'écho des rochers d'alentour
Redire encor le nom de ma maîtresse!
Je vous revois, délicieux séjour!
Mais ces momens de bonheur et d'ivresse,
Ces doux momens sont perdus sans retour!
C'est là, c'est là qu'au printems de ma vie
En la voyant je me sentis brûler

D'un feu soudain; je ne pus lui parler,
Et la lumière à mes yeux fut ravie:
C'est là qu'un soir j'osai prendre sa main,
Et la baiser d'un air timide et sage:

C'est là qu'un soir j’osai bien davantage :
Rapidement je fis battre son sein,

Et la rougeur colora son visage.

C'est là qu'un soir je la surpris au bain.
Je vois plus loin la grotte fortunée
Où, dans mes bras soumise, abandonnée,
Les nœuds défaits et les cheveux épars,
De son vainqueur évitant les regards,
Mon Eucharis, heureuse et confondue,
Pleura long-tems sa liberté perdue.
Le lendemain de ses doigts délicats
Elle pinçait les cordes de sa lyre;
Et, l'œil en feu, dans son nouveau délire
Elle chantait l'Amour et ses combats.
A ses genoux j'accompagnais tout bas
Ces airs touchans que l'Amour même inspire,
Que malgré soi l'on se plaît à redire
L'instant d'après. Alors, plus enflammé,
Je m'écriais: Non, Corinne et Thémire,
Céphise, Aglaure et la brune Zulmé,
Qu'on vante tant, ne sont rien auprès d'elle.
Mon Eucharis est surtout plus fidelle;
Je suis bien sûr d'être toujours aimé !
La nuit survint : asile humble et champêtre,
Long corridor interdit aux jaloux,

Tu protégeas mes larcins les plus doux :
Combien de fois j'entrai par la fenêtre
Quand sa pudeur m'opposait des verroux!
Tome XI.

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