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DE L'IDYLLE ET DE L'ÉGLOGUE.

BATTEUX ATTEUX a défini la poésie pastorale une imitation de la vie champêtre, représentée avec tous ses charmes possibles. Elle dut être la plus ancienne de toutes les poésies comme les premiers hommes furent bergers ils ressentirent les premiers le besoin d'exprimer leurs sensations, de célébrer leurs plaisirs et leurs peines, d'imiter enfin les images de la nature.

Les Grecs n'attachaient pas précisément au mot églogue le sens que nous y attachons aujourd'hui la racine de ce mot signifie choix divers. L'idylle ne se bornait pas chez les anciens à la peinture d'une scène pastorale; tout ce qui était doux et gracieux était

de son domaine. L'étymologie de son nom désigne un petit tableau.

Il existe très-peu de différence entre l'idylle et l'églogue; la seule que l'on puisse établir c'est que l'églogue se sert plus souvent de la forme et des mouvemens dramatiques, tandis qu'un simple récit, une image ou l'expression d'un sentiment suffisent à l'idylle.

La simplicité et la naïveté sont inséparables du genre pastoral. Sans doute le style doit être plus élevé que celui des bergers; mais que l'on se figure des bergers de l'âge d'or, et que l'on écrive à peu près comme ils auraient parlé.

Le style de l'idylle et de l'églogue est celui de la nature; il se nourrit d'images. Les bergers attachent leurs idées et leurs expressions aux circonstances qui leur sont accoutumées. Dans le langage le plus familier les habitans des campagnes expriment le retour du printems ou l'arrivée de l'automue par la chûte et le retour des feuilles. Il en est ainsi de la plupart de leurs locutions,

C'est surtout dans la poésie qu'on peut les transporter avec succès. Il ne faut pas non plus, comme dit Boileau, présenter de basses circonstances; il ne faut prendre de la vie champêtre que son calme, sa douceur, et ceux de ses travaux qui n'ont rien de grossier.

Le législateur du Parnasse donne en quelques vers la meilleure définition de l'idylle; après l'avoir comparée à une bergère il ajoute:

Telle, aimable en son air, mais humble dans son style s
Doit éclater sans pompe une élégante idylle.

Son tour simple et naïf n'a rien de fastueux;
Il n'aime point l'orgueil d'un vers présomptueux:
Il faut que sa douceur flatte, chatouille, éveille,
Et jamais de grands mots n'épouvante l'oreille.

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Théocrite et Virgile se sont partagé l'empire de la poésie bucolique. «Théocrite, a dit Chabanon, était plus berger, et Virgile plus poète.» Cette distinction est généralement vraie; mais Théocrite est souvent poète, et Virgile est souvent berger.

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Moschus et Bion se sont distingués par le coloris de leurs compositions.

Calpurnius et Némésianus, qui ont vécu trois cents ans après Virgile, ont quelquefois suivi assez heureusement ses traces : leurs églogues sont peu connues, et la plupart ne méritaient guère de l'être. Il existe aussi un certain poète bucolique qui se nommait Baptiste le Mantouan. Sa patrie est tout ce qu'il avait de commun avec Virgile.

De toutes les nations modernes l'Italie est celle qui a le plus cultivé la poésie pastorale, et dont le génie en est le plus éloigné. Sannazar n'introduit dans ses pastorales que des pêcheurs qui discutent longuement: Guarini, Bonarelli, cavalier Marin ont presque toujours sacrifié dans l'idylle le naturel à la recherche, le sentiment au bel esprit : le Tasse lui-même dans Aminte, et surtout dans Sylvie, n'est pas toujours exempt de ce reproche. Parmi nous Marot, Ronsard, Racan, Segrais ont composé des idylles. Marot y est souvent très-mauvais plaisant : il suffit de citer

ces vers:

Coignac s'en coigne en sa poitrine blême;
Romorantin sa perte rémémore.

Anjou fait joug, etc.

Cela peut donner une idée des calembourgs du siècle de François I.

Ronsard n'est guère plus heureux lorsqu'il nomme Henri II Henriot, Charles IX Carlin, Catherine de Médicis Catin. Le style répond parfaitement aux noms des personnages. Remy Belleau, son contemporain, est encore plus barbare.

Racan n'a pas tant de grossièreté dans ses bergeries; mais on lui reproche de la recherche et du faux brillant.

Segrais, dont Boileau a dit que Segrais dans l'églogue enchante les forêts, a surpassé ses devanciers : il a de la grâce et de la naïveté.

Fontenelle, qui n'écrivait qu'avec l'esprit, a composé un discours très-spirituel sur l'églogue, et des églogues plus spirituelles encore. Son discours contient une poétique faite exprès pour ses églogues. Il s'efforce de justifier le langage citadin de ses bergers; il va jusqu'à souhaiter que l'on

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