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mette à la ville la scène des églogues. Après avoir beaucoup plaisanté sur les entretiens des bouviers et des gardeurs de brebis il ajoute ironiquement que nous pourrions un jour choisir des porteurs d'eau pour héros de nos idylles. Fontenelle avait pour faire des églogues tout l'esprit qu'il ne faut pas.

Nous ne parlerons pas des poètes pastoraux plus rapprochés de nous; nous laissons à leurs lecteurs le soin de les juger.

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LES MOUTONS.

HÉLAS! petits moutons, que vous êtes heureux!

Vous paissez dans nos champs, sans souci, sans alarmes;
Aussitôt aimés qu'amoureux,

On ne vous force point à répandre des larmes:
Vous ne formez jamais d'inutiles desirs ;

Dans vos tranquilles cœurs l'amour suit la nature:
Sans ressentir ses maux vous avez ses plaisirs.
L'ambition, l'honneur, l'intérêt, l'imposture,
Qui font tant de maux parmi nous,
Ne se rencontrent point chez vous.
Cependant nous avons la raison pour partage,
Et vous en ignorez l'usage.

Innocens animaux, n'en soyez point jaloux;
Ce n'est pas un grand avantage:

Cette fière raison dont on fait tant de bruit
Contre les passions n'est pas un sûr remède;
Un peu de vin la trouble, un enfant la séduit;
Et déchirer un cœur qui l'appelle à son aide
Est tout l'effet qu'elle produit.

Toujours impuissante et sévère,

Elle s'oppose à tout, et ne surmonte rien.

Sous la garde de votre chien

Vous devez beaucoup moins redouter la colère

Des loups cruels et ravissans

Que sous l'autorité d'une telle chimère

Nous ne devons craindre nos sens.

Ne vaudrait-il pas mieux vivre comme vous faites
Dans une douce oisiveté?

Ne vaudrait-il pas mieux être comme vous êtes
Dans une heureuse obscurité
Que d'avoir sans tranquillité
Des richesses, de la naissance,
De l'esprit et de la beauté?

Ces prétendus trésors dont on fait vanité

Valent moins que votre indolence:

Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels;
Par eux plus d'un remords nous ronge.

Nous voulons les rendre éternels,

Sans songer qu'eux et nous passerons comme un songe.

Il n'est dans ce vaste univers

Rien d'assuré, rien de solide: Des choses ici bas la fortune décide

Selon ses caprices divers:

Tout l'effort de notre prudence

Ne peut nous dérober au moindre de ses coups. Paissez, moutons, paissez sans règle et sans science; Malgré la trompeuse apparence

Vous êtes plus heureux et plus sages que nous.

Par Mme DESHOULIÈRES.

LA COLOMBE,

imitation de Cavalcanti.

Sous l'ombrage écarté d'un bosquet solitaire
J'aperçus l'autre jour une jeune bergère :
Elle avait de Vénus la fraîcheur et l'éclat;
Son teint s'embellissait d'un modeste incarnat.
Elle foulait aux pieds l'herbe tendre et fleurie,
Où l'humide rosée, en perles arrondie,
Brillait pour rafraîchir la trace de ses pas.
Un jonc souple, ornement de ses doigts délicats,
Rassemblait ses troupeaux errans à l'aventure;
L'or de ses blonds cheveux lui servait de parure.
Elle chantait l'amour, la tendre volupté,
Et l'attrait du plaisir animait sa beauté.

<< Bergère, êtes vous seule? Hélas! répondit-elle,
J'erre seule en ce bois. - Quoi! seule? - Oui; tous les jours
J'y viens lorsque l'aurore aux travaux nous rappelle;
J'en sors lorsque la nuit recommence son cours.

Tome XI.

16

L'AMANT.

Hélas! le sombre ennui doit vous suivre sans cesse: Sont-ce là les plaisirs de l'aimable jeunesse?

LA BERGERE.

Je voudrais ignorer qu'il en est de plus doux.

L'AMANT.

L'ignorer! et pourquoi ? Parlez, expliquez-vous.

LA BERGER E.

Tous les jours la colombe, en ce bois gémissante,
Prolonge en sons plaintifs sa voix attendrissante:
Elle appelle un oiseau qui soudain lui répond,
Et leur joie innocente aussitôt se confond.
Ce spectacle touchant, que chaque jour répète,
Jette un trouble confus dans mon ame inquiète.
Quand la colombe chante une douce langueur
M'avertit en secret des besoins de mon cœur.

L'AMANT.

A cette voix, bergère, il est tems de te rendre:
Tes besoins sont remplis si ton cœur veut m'entendre;
Dis un mot, à tes jours j'associerai les miens:

Le bien seul qui te manque est le plus grand des biens;
Et mon ame, éprouvant tout ce qu'amour inspire,
N'enviera plus le sort de l'oiseau qui soupire...

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