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Tu crains de t'expliquer; parle, timide enfant;
Ouvre-moi les replis de ton cœur innocent:
Souffre qu'à tes secrets je fasse violence.
Je la pressais en vain, et son jaloux silence
Retardait un bonheur où j'étais destiné;

Mais du haut d'un feuillage, en cintre couronné,
La colombe éleva sa voix plaintive et tendre.
La bergère en rougit, et son cœur fut troublé:
Hélas! je n'ai plus rien, me dit-elle, à t'apprendre;
« Je n'avais qu'un secret; l'oiseau l'a révélé. »

Par CHABANON.

LES BAISERS RENDUS.

HUREUX les cœurs qu'un doux penchant rassemble!
Mais que l'absence est cruelle à leurs feux!
Nise et Mirtil se faisaient leurs adieux:
Près du départ ils conclurent ensemble
Qu'à certaine heure, en regardant les cieux,
Ils s'enverraient des baisers amoureux.
En se quittant leur chagrin fut extrême :
Douleur d'amans est pis que la mort même;
Car à son aide on appelle la mort;
Je le sais bien me préserve le sort
D'être obligé de quitter ce que j'aime!
Le couple absent fut pendant tout un mois
Inconsolable, et c'est un long veuvage.
Au tems marqué les baisers chaque fois
Allaient, venaient, soufflés entre les doigts,
Et les zéphyrs se chargeaient du message.

Mais le bonheur passe comme l'éclair;

Il nous fatigue, inconstans que nous sommes !
Le changement, dans ce siècle de fer,
Est devenu le lot de tous les hommes.
Las à la fin de ces baisers perdus,

Le beau Mirtil ne fut plus qu'un volage :
Sur Nise absente Emire eut l'avantage;
Il oublia l'objet qu'il ne vit plus.
Etant un jour entre les bras d'Emire
Il se souvint que dans ce même instant
Nise envoyait son gage à l'inconstant:
A cette idée il éclata de rire.

A son récit sa belle en fit autant:
Elle disait dans sa maligne joie:

Rends-moi soudain les baisers qu'on t'envoie.
Mais savez-vous ce que Nise faisait?
Elle donnait ses baisers à Sylvandre:
En les donnant l'infidelle disait:

A mon berger charge-toi de les rendre.

Par LEONARD.

LE SIÈCLE PASTORAL.

PRÉCIEUX jours dont fut ornée

La jeunesse de l'univers,

Par quelle triste destinée

N'êtes-vous plus que dans nos vers?

Votre douceur charmante et pure
Cause nos regrets superflus,
Telle qu'une tendre peinture
D'un aimable objet qui n'est plus.

La terre, aussi riche que belle,
Unissait, dans ces heureux tems,
Les fruits d'une automne éternelle
Aux fleurs d'un éternel printems.

Tout l'univers était champêtre,
Tous les hommes étaient bergers;
Les noms de sujet et de maître
Leur étaient encore étrangers.

Sous cette juste indépendance,
Compagne de l'égalité,

Tous dans une même abondance
Goûtaient même tranquillité.

Leurs toits étaient d'épais feuillages,
L'ombre des saules leurs lambris;
Les temples étaient des bocages,
Les autels des gazons fleuris.

Les dieux descendaient sur la terre,
Que ne souillaient aucuns forfaits;
Dieux moins connus par le tonuerre,
Que par d'équitables bienfaits.

Vous n'étiez point dans ces années,
Vices, crimes tumultueux!
Les passions n'étaient point nées,
Les plaisirs étaient vertueux.

Sophismes, erreurs, impostures,
Rien n'avait pris votre poison!
Aux lumières de la nature
Les bergers bornaient leur raison.

Sur leur république champêtre
Régnait l'ordre, image des cieux:
L'homme était ce qu'il devait être;
On pensait moins, on vivait mieux.

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