Ils n'avaient point d'aréopages Ni de capitoles fameux; Mais n'étaient-ils point les vrais sages, Puisqu'ils étaient les vrais heureux? Ils ignoraient les arts pénibles La tendre et touchante harmonie On ignorait dans leurs retraites Les longs remords des courts plaisirs. L'intérêt au sein de la terre Les pasteurs, dans leur héritage Tous dans d'innocentes délices, La mort, qui pour nous a des ailes, Chaque jour voyait une fête ; Ce dieu berger, alors modeste, Les crimes, les pâles alarmes La bergère, aimable et fidelle, La fougère était sa toilette, Son miroir le cristal des eaux; On la voyait dans sa parure Elle occupait son plus bel âge Et, sur la foi d'un chien volage, Elle ne l'abandonnait pas. O règne heureux de la nature! Que n'avez-vous régné toujours! Sort des bergers, douceurs aimables, Ne peins-je point une chimère? J'ouvre les fastes: sur cet âge Tous ceux qui m'en offrent l'image J'y lis que la terre fut teinte Du sang de son premier berger; Ce n'est donc qu'une belle fable; En tout tems l'homme fut coupable, En tout tems il fut malheureux. Par GRESSET. * Mais qui nous eût transmis l'histoire De ces tems de simplicité ? Etait-ce au temple de mémoire La vanité de l'art d'écrire (*) Ces six strophes, dont J. J. Rousseau est l'auteur, ont été publiées, pour la première fois, dans l'excellente édition de ses ouvrages, en vingt-cinq volumes in-12 et 20 volumes in-8°, imprimée aux frais de M. Bozérian. Des traditions étrangères En parlent sans obscurité; Mais dans ces sources mensongères Cherchons-la dans le cœur des hommes, Qui disent dans ce que nous sommes Qu'un savant des fastes des âges Je sens de plus sûrs témoignages Ah! qu'avec moi le ciel rassemble, |