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Gaîté nouvelle,

Quand le vin frais

Coule à longs traits:

Toujours la belle

Donne ou reçoit,
Fuit ou m'appelle,
Rit, aime ou boit.
Le chant succède,

Et ses accens
Sont l'intermède

Des autres sens.
Sa voix se mêle

Aux doux hélas

De Philomèle,

Qui si bien qu'elle

Ne chante pas.

Telle est la chaîne

De nos desirs,

Nés sans soupirs, Comblés sans peine, Et qui ramène De nos plaisirs L'heure certaine.

O vrai bonheur!
Si le tems laisse

Durer sans cesse

Chez moi vigueur,

Beauté chez elle,

Jointe à l'humeur

D'être fidelle,

Qu'à pleines mains

Le ciel prodigue
Comble et fatigue
D'autres humains:

Moi, sans envie,
Je chanterai

Avec Sylvie;

Je jouirai,

Et je dirai

Toute la vie:

Rien n'est si beau

Que mon hameau.

Par BERNARD.

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GLYCERE avait seize ans, et Glycère était bello.
Sa mère depuis peu dormait dans le tombeau;
Et Glycère, en perdant l'appui qu'elle eut en elle,
Etait réduite à conduire un troupeau.

A cette tombe solitaire

Un jour, les yeux baignés de pleurs,

Elle revient offrir son tribut ordinaire,
Une coupe d'eau pure et de champêtres fleurs.
Quand la jeune orpheline, en sa tristesse amère,
De la tombe en silence eut fait trois fois le tour,
A l'ombre des cyprès qui croissent à l'entour

Elle s'assied, et dit : « O la plus tendre mère!

« Qu'à jamais sous mes yeux ton exemple vainqueur « Me fasse des vertus adorer la puissance!

« Oui, c'est ton souvenir, toujours cher à mon cœur, << Qui des pièges d'un séducteur

<< Vient de sauver mon innocence.

« Sur tes traces toujours, ah! puissé-je marcher! << Mais apprends les dangers d'où naissent mes alarmes: « Eh! dans quel autre sein répandrais-je mes larmes? << Non, ma douleur ne te veut rien cacher;

<< Tu sauras tout. - Las du vain bruit d'Athènes, << Le seigneur de ces lieux, Mysis, venait chercher « Le calme qu'on respire aux bords de ces fontaines. << L'autre jour il m'aborde, et d'un air gracieux « Il vante les troupeaux confiés à ma garde;

:

Il me flatte, et je vois, alors qu'il me regarde, « Je ne sais quelle joie éclater dans ses yeux. « Je me disais qu'il est bon notre maître! << Les riches sont heureux, et chers aux immortels. « Ah! quand on lui ressemble on mérite de l'être.

« Je ne puis rien; mais au pied des autels << Pour lui, dans ce temple champêtre,

« J'offrirai des vœux éternels.

« Je voulais... mais, hélas! qu'on est simple au village!... « Le lendemain, non loin de ce bocage, «Devant moi, par hasard, je le retrouve encor.

<< Tiens, me dit-il, reçois ce gage.

« A mon doigt aussitot il passe un anneau d'or.
« Je baisse en rougissant ma timide paupière.
«Vois-tu gravé sur cette pierre

« Ce bel enfant ailé qui sourit comme toi?

« C'est lui qui peut te rendre heureuse.

« Sa main pressait la mienne, et sa voix dangereuse « Dans le fond de mon cœur se glissait malgré moi. « Il t'aime; il a pour toi la tendresse d'un père. « Mais par où, me disais-je, aurais-tu pu, Glycère, << Meriter les bontés d'un seigneur si puissant? « C'était alors, oui, c'était tout, ma mère, « Ce que pensait ta pauvre enfant.

« Quelle était mon erreur! dieux justes que j'atteste, « J'étais loin de prévoir un danger si prochain! « C'est ce matin qu'en ce verger funeste << Il m'appelle : j'y vole; et me serrant la main: << Viens, me dit-il, beauté touchante; << Abandonne un moment le soin de ton troupeau: «J'aime les fleurs, et leur parfum m'enchante;

<< Apporte-m'en sous ce berceau.

« Crédule, je m'empresse à choisir les plus belles, « Et joyeuse, j'accours sous ces ombrages frais. «Que de grâces! dit-il. Oui, ces roses nouvelles << Offertes par Glycère ont pour moi plus d'attraits. << Alors s'abandonnant au feu qui le dévore,

« Dieux immortels, ah! j'en frémis encore, << Il me saisit, il m'entraîne, et soudain << Ses bras avec fureur me pressent sur son sein.

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