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Qu'oubliant l'univers, que, sûre de ta foi,

Je puisse à jamais vivre et mourir avec toi.

Tu ne viens point...mes mauxont-ils pour toides charmes?
Et, sans être attendri, vois-tu couler mes larmes?
Non, ton cœur n'est point fait pour tant de cruauté;
Sensible à mes douleurs, et d'amour transporté,
Tu reviens.... Dieu des vents, enchaîne les orages;
Défends aux Aquilons de troubler ces rivages.
Vous, Zéphirs, déployez vos ailes dans les airs,
Soufflez seuls en ces lieux, et régnez sur les mers.
O toi qui fus propice à sa fuite coupable,
Neptune, à son retour sois aussi favorable;
Et toi, fils de Vénus, tendre dieu des amours,
Conduis Phaon au port, et veille sur ses jours.
Tu reviens, cher amant ! ô ciel! est-il possible?
Quoi! je vais te revoir, et te revoir sensible!...

Mais pourquoi m'abuser par une vaine erreur?
Phaon, n'en doutons plus, est ingrat et trompeur.
Hé bien! tremble, cruel, et frémis de ma rage!
Je vole dans ces lieux où ta froideur m'outrage;
Oui, barbare, je vais m'assurer de tes feux,
Te voir, t'aimer, te plaire, ou mourir à tes yeux!
Par BLIN DE SAINMORE.

LES DERNIERS MOMENS

DE

LA PRÉSIDENTE DE TOURVEL.

QUAND d'un funeste amour victime courageuse,
Après les longs tourmens d'une vie orageuse,
Je goûtais le sommeil dont le juste s'endort;
Quand, de l'éternité croyant toucher le port,
Loin d'un monde pervers, de Dieu seul occupée,
Je respirais des saints la paix anticipée;
Quelle voix me rappelle au séjour de douleur,
Sur la terre d'exil qu'habite le malheur?

Quel nom cher et fatal a frappé mon oreille?
Valmon!..... Ma flamme impure à ce nom se réveille;
Et, déjà loin de moi repoussant mon tombeau,
Je voudrais de mes jours rallumer le flambeau.
Imprudente!..... aux douleurs en esclave asservie,
Veux-tu ployer encor sous le faix de la vie?
Après avoir souffert veux-tu toujours souffrir?
Mourante à chaque instant, crains-tu donc de mourir?
Ah! rentrons dans ma tombe; ah! mourons, mais vengée,
Mais maudissant l'ingrat qui m'a tant outragée,
Qui, loin de moi tranquille, insulte froidement
Par un ris sacrilège à mon dernier moment:
Mourons; mais de mes maux frappe l'auteur impie,
Dieu puissant! que le monstre aux enfers les expie:
Que, plongé tout vivant dans leurs feux éternels.....
Que dis-tu, malheureuse! et quels vœux criminels!
Ah! du ciel sur toi-même appelant l'indulgence,
Invoque un dieu de paix, non un dieu de vengeance;
Et, désarmant le bras levé pour te punir,
Accorde le pardon si tu veux l'obtenir.

Valmon, hélas! sans toi je serais digne encore
D'invoquer, de fléchir cet être que j'adore.
Du pied de ses autels ma prière aujourd'hui,
Pure comme l'encens, monterait jusqu'à lui.
O tems où, de l'amour ignorant la puissance,
Je n'avais respiré que l'air de l'innocence!
Où, dans un doux sommeil reposant sans effroi,
Je pouvais, en quittant, toujours digne de moi,

Un lit que n'avait point profané l'adultère,
Voir sans remords le ciel, et sans honte la terre!
Alors, durant mes jours, dont la sérénité
Ressemblait à l'azur de ce beau ciel d'été,
Au sein de mes devoirs plaçant leur récompense,
D'un époux sans rougir je cherchais la présence;
Alors, durant mes nuits, ces lambris gémissans
Ne s'étaient point peuplés de spectres menaçans:
Des fleurs, des prés, des bois l'image retracée,
De tableaux frais et purs enchantaient ma pensée.
Les simples jeux du cercle, ou l'étude d'un art,
Une amie à fêter, un retour, un départ,

L'entretien d'un époux, mes vœux dans son absence;
Ce besoin des bons cœurs, qu'on nomme bienfaisance,
Ce sentiment actif, tendre, respectueux,

Qu'inspire en se montrant le malheur vertueux;
Le plaisir de calmer, de plaindre ses alarmes,
Le plaisir plus touchant de partager ses larmes,
Voilà comme mon cœur, dans un heureux retour,
Retraçait à mes nuits les souvenirs du jour;
Et comme le bonheur, grâce à ces doux mensonges,
Dormant à mes côtés, me suivant dans mes songes,
De mes tranquilles nuits compagnon généreux,
Me payait du plaisir d'avoir fait des heureux!
O tems de mes vertus, âge d'or de ma vie,
De quels regrets amers votre fuite est suivie !
Qui vous rappellera? quand renaîtra le cours
De ces jours innocens unis à mes beaux jours?

Ces jours d'enchantement et d'ivresse éternelle,
Où, pour nous vierge encor,pour nous toujours nouvelle,
La nature parée, et fraîche en tous les tems,
Semble en son hiver même un aimable printems!
Tu fuis du cœur coupable, illusion charmante!
Mais toi, toi dont l'amour, seul trésor d'une amante,
Raffermissant ce cœur sous sa faute abattu,

Me tint lieu du bonheur que donne la vertu;
Toi qui me pouvais seul consoler de moi-même,
Trop coupable enchanteur que j'aimai tant... que j'aime,
Ah! lorsque de l'amour dont tu parus épris
Je me croyais l'objet, comme j'étais le prix,
Si, des cœurs amoureux intéressant modèle,
Ton cœur n'eût point brûlé d'une flamme infidèle,
Peut-être le remords qui s'attache à mes pas
Ne m'eût osé jamais poursuivre dans tes bras;
Je redouterais moins un monde qui m'accuse:
L'amour a fait ma honte; il serait mon excuse.
Coupable fortunée! en voyant ton bonheur
J'eusse oublié ma faute et pleuré moins l'honneur.
Mais l'honneur! mais l'espoir! l'espoir, ce don céleste!
Mais Valmon!... tout me fuit, et mon amour me reste!...
Mon amour! quoi! ce feu, ce poison dévorant
Conserve ses fureurs dans un corps expirant!
Quoi! le sang refroidi dans les veines glacées
Laisse à l'ame sa force, à l'esprit ses pensées!
J'aime lorsqu'attristée des ornemens du deuil
Les portiques sacrés attendent mon cercueil!

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