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Où donc est de ce feu l'aliment invisible?

Quel est ce sentiment si profond, si terrible,

Ce trait qu'une main faible arrache, et que souvent
Une autre main plus forte enfonce plus avant?
Quelle est donc cette atteinte et brûlante et mortelle?
Quel est ce fier tyran qu'on chasse, qu'on rappelle?
Qui, toujours repoussé, mais toujours triomphant,
Traîne au fond de l'abyme un cœur qui se défend?...
J'ai cru vaincre l'amour, et, combattant ses charmes,
J'espérais que mes feux s'éteindraient dans mes larmes,
Lorsque, réfugiée aux pieds de l'Eternel,

Tremblante et me cachant dans son sein paternel,
J'attendais que son œil, flambeau de la nature,
Ranimât d'un rayon sa faible créature.
Vanité de l'espoir, et des pleurs et des vœux!
J'ai trouvé dans le ciel un complice à mes feux!
Au sein de l'Eternel je m'étais retranchée:
Mais dans le temple encore à Valmon attachée,
Oubliant à la fois et le prêtre et le dieu,

Et la divine horreur qui remplit le saint lieu,
Je respirais l'amour et son délire extrême,

Et, sous les yeux de Dieu, l'oubli de Dieu lui-même!
Dans ces chants, vers le ciel élancés à la fois,
N'écoutant que Valmon, n'entendant que sa voix;
Cherchant toujours Valmon dans ce chœur de fidelles,
Que nos solennités rassemblent autour d'elles;
Veillant, priant, brûlant de coupables ardeurs
Sur le marbre sacré que profanaient mes pleurs,

Il m'a fallu céder, et descendre flétrie

Du rang de la vertu que j'avais tant chérie,
Toinber en un seul jour du faîte de l'honneur!
Il m'a fallu choisir ma gloire ou ton bonheur:
J'étais amante, ingrat, et j'ai cédé ma gloire....
Toi qui, déjà tyran même avant la victoire,
Avant la trahison déjà perfide amant,
Bravas l'amour en pleurs et la foi du serment,
Ah! du moins en ce jour, satisfait de ton crime,
Laisse en paix expirer ta mourante victime;
Laisse la tombe au moins maîtresse de mon sort:
Je ne suis plus à toi; j'appartiens à la mort.

Et vous,
mes seuls amis, à qui mon infortune
Dans ses longues douleurs ne fut point importune;
Contre un cher ennemi venez me secourir;

Je n'implore de lui que le droit de mourir:
Mais que je puisse au moins des bornes de la vie
Contempler sans effroi ma dernière patrie!
Que le pieux cantique et l'hymne du mourant
Chassent l'ange de mort autour de nous errant;
Et que l'huile divine et l'eau sainte versées
Lavent ce cœur impur du venin des pensées!....
Dieu m'entend.... il m'appelle, et son soleil m'a lui!
Je sens que je ne meurs que pour revivre en lui.
De feux resplendissant, quel ange de lumière
A levé devant moi l'immortelle barrière,
Par qui d'un monde vil les cieux sont séparés?
Mes yeux en se fermant, par la grace éclairés,

Cessent de voir, tournés vers un lieu plein de charmes,

Cette triste vallée où coulent tant de larmes:
Et mon ame, des cieux atteignant la hauteur,
Libre de sa prison, s'élève à son auteur.

Par LAYA.

LA MÉLANCOLIE,

ου

PLAINTES DE MILORD ***

traduite de l'anglais.

De mes chagrins profonds secrets dépositaires,
Grotte obscure, antres sourds, campagnes solitaires,
Où dans un long effroi la nature se tait,
Caverne du silence où la douleur se plait,
Tombe qu'elle éleva dans ce lugubre asile,
Silencieux étang, forêt morne et tranquille,
Sapins si tristement élancés jusqu'aux cieux,
Dérobez s'il se peut l'univers à mes yeux:
De tout ce qu'on y voit mon ame importunée
A ce coin de la terre est à jamais bornée;

Tome XI.

6

J'y puis errer en paix : dans ces lieux pleins d'horreur Tout est calme et désert, la nature et mon cœur.

Quelle divinité majestueuse et sombre

Descend de ce coteau qui se perdait dans l'ombre?
Dieu! que de noirs soucis sur son front amassés!
Elle marche à pas lents, et ses yeux sont baissés;
Mais on voit éclater, à travers sa tristesse,
La touchante beauté dont le charme intéresse:
Son aspect de ces bois redouble encor le deuil,
Et sa bouche s'attache au marbre d'un cercueil.
Tout me dit que c'est toi, muse mélancolique,
Qui présidas aux Nuits du chantre britannique,
Et, fuyant la clarté des célestes flambeaux,
Réchauffas par tes pleurs la cendre des tombeaux.
Demeure, je te suis... attends moi... vain prestige!
Un songe m'enchantait... la vérité m'afflige;

Je me retrouve seul en proie à mes regrets,
Et mes tremblantes mains n'ont saisi qu'un cyprès.

Toi qui rendais le calme à mon ame agitée,
Sensible Corilla, quoi! je t'ai donc quittée!
Ma sombre défiance a passé jusqu'à toi:

Tout, jusqu'à mon amour, s'est tourné contre moi;
Tout me fuit, tout est mort, et je le suis moi-même;
Je le suis au plaisir qui fut mon bien suprême,
Au charme de la gloire, à cet instinct brûlant,
Ame de l'héroïsme et foyer du talent.

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