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ÉLÉGIES.

APRÈS avoir désigné l'idylle, Boileau parle

ainsi de l'élégie:

D'un ton un peu plus haut, mais pourtant sans audace,
La plaintive élégie, en longs habits de deuil,
Sait, les cheveux épars, gémir sur un cercueil :
Elle peint des amans la joie et la tristesse,
Flatte, menace, irrite, appaise une maîtresse.
Mais pour bien exprimer ces caprices heureux
C'est peu d'être poète; il faut être amoureux.

Toute la poétique de l'élégie se trouve dans ces vers. Boileau complette la leçon dans cet autre vers:

Il faut que le cœur seul parle dans l'élégie.

Les idées recherchées, les expressions am

Tome XI.

bitieuses, les mouvemens tragiques seraient déplacés dans l'élégie; elle doit être simple et touchante. Son peu d'étendue rend moins sensible l'uniformité du ton qui règne dans son ensemble. La douleur qui se plaint est elle-même monotone : c'est peut-être cette monotonie qui fait le charme du chant élégiaque. On pourrait comparer l'élégie à la musique de ces anciennes romances qui portent dans l'ame une si douce émotion: l'air n'est composé que de quelques notes qui reviennent sans cesse, comme des soupirs et des plaintes.

L'esprit est l'antipode de l'élégie; dès qu'il se montre, plus de charme, plus d'illusion. L'élégie n'est qu'une rêverie éloquente.

Elle adopte toutes les mesures de vers: les vers libres semblent exprimer mieux l'abandon et le vague de la pensée.

Les novissima verba des anciens, ou les dernières paroles des mourans, formaient la plus tendre élégie. On a cité comme modèle en ce genre ces beaux vers de Phèdre :

Oh! que ne suis-je assise à l'ombre des forêts!

On pourrait y ajouter la plupart des morceaux de Bérénice.

Il ne nous reste d'élégies grecques que celles qui se trouvent dans les tragédies. Tibulle est, parmi les Latins, celui qui a le mieux pris le ton de l'élégie. Properce a souvent trop d'érudition; et Ovide trop d'esprit. On peut reprocher à ce dernier le même défaut dans ses héroïdes, que nous avons oublié de citer dans le discours précédent. Tout le récit de Simèthe dans la seconde idylle de Théocrite; le Gallus de Virgile, offrent des modèles d'élégies.

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