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LE 4 DÉCEMBRE.

Le Capitaine RICHARD (France). Monsieur le Président, autant que j'ai pu le comprendre, la Conférence en votant précisément l'amendement que j'ai eu l'honneur de lui soumettre, se rangeait au principe que j'ai précédemment préconisé. Ce principe était de donner au remorqueur seul le droit et l'obligation de signaler sa présence, tandis que pareille faculté était refusée au bâtiment remorqué ou aux bâtiments remorqués, quel que fut leur nombre et la longueur de leurs remorques. Tel était le principe qui a dicté mon amendement. Si maintenant, nous adoptons la proposition de l'honorable délégué de la Grande-Bretagne, nous reprenons la rédaction du Comité des "Sound Signals," et toute la discussion peut être à recommencer.

Lorsqu'un remorqueur signale sa présence, il indique par cela même qu'il a un ou plusieurs bâtiments à la remorque. On a donné au remorqueur, qu'il soit à vapeur ou à voiles, ce signal, afin de n'avoir plus à se préoccuper du signal à faire faire par le navire remorqué, et de supprimer ainsi une difficulté qu'il est difficile de surmonter.

La Conférence va t-elle donner au remorqué le même signal phonique qu'au bâtiment remorqueur? Va-t-elle, au contraire, lui donner un signal phonique différent? Hier, on s'est plaint que le nombre des signaux phoniques efficaces fût trop restreint. Si on conserve au remorqué le même signal qu'au remorqueur, n'est-il pas à craindre que lorsque plusieurs navires seront à la remorque d'un seul, il n'y ait une grande confusion? Si tous ces navires font des signaux phoniques, comment distinguera-t-on où est le remorqueur?

Je crois que le mieux serait de repousser cet amendement. Le Capitaine RICHARD (France). Monsieur le Président, je suis ae l'avis qui a été exprimé par plusieurs orateurs qui m'ont précédé, c'est que nous devons renvoyer cette prescription au Code International des signaux et de ne pas l'introduire dans les règles de route.

Certainement, j'admets avec les délégués des États-Unis, que la prescription pourrait être très utile, mais je ne la crois pas indispensable, et vous ne devez introduire dans les règles de route à la mer que des choses strictement indispensables, et vous serez encore obligé d'en laisser de côté.

J'ai été étonné tout à l'heure d'entendre l'honorable Amiral Sir George Nares dire que le Comité, après s'être occupé des dangers et des obstacles qu'un navire pouvait rencontrer, à un moment donné, et avoir pourvu aux signaux phoniques qui devaient indiquer leur présence, s'était ensuite occupé des communications à échanger entre les bâtiments. Est-il donc réellement vrai que le Comité ait si heureusement réussi à indiquer clairement par des signaux précis et nets, toutes les situations où un navire a un intérêt majeur à faire connaître son caractère.

Si j'avais une critique à faire, je vous demanderais s'il a été donné un signal spécial pour les navires qui ne sont pas maîtres de leur ma

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nœuvre, et pour les navires qui sont en train de poser ou de relever des 903 cables télégraphiques et qui ne sont pas maîtres de leurs manœuvres. J'ajouterais en outre que le Comité n'a pas su, dans la rédaction qui nous est soumise, formuler des signaux suffisamment nets et suffisamment clairs pour indiquer sans crainte d'erreur, ce que l'on prétend avoir indiqué.

Ce serait une grande sagesse et une grande prudence de se borner à des signanx phoniques strictement nécessaires-je dirai même strictement indispensables-et peut-être même de s'opposer à la prise en considération de toute demande tendant à donner, à certain cas, un signal particulier, lorsqu'il est reconnu qu'il est impossible de donner un signal qui soit à l'abri de toute confusion. Je crois que jusqu'ici le besoin ne s'est pas fait sentir de la plupart des signaux dont on nous gratifie, et ce n'est que depuis que la Conférence siège qu'on a trouvé qu'il est absolument nécessaire de donner un signal spécial pendant la brume et pendant le brouillard à un navire à l'ancre dans une passe, à un navire remorquant, à un navire dont la machine est stoppée.

Vous aurez beau multiplier les signaux de qualité douteuse, vous aurez multiplié plus encore les exigences auxquelles vous aurez à faire face en laissant introduire toutes les demandes pour des cas, au moins aussi intéressants que ceux auxquels vous avez donné satisfaction. En combinant les sons longs et brefs, on pourra trouver bien des signaux phoniques différents, mais en le faisant on abandonne le principe qui jusqu'ici avait guidé dans l'usage des sons longs et brefs. On a, je crois, embrouillé la situation.

La grande difficulté est de donner dans la pratique des sons qu'il soit facile de distinguer et d'interpréter. Les trois quarts des abordages-si vous prenez les statistiques, on s'aperçoit qu'ils sont arrivés par suite des difficultés de savoir d'où étaient partis les sons entendus. Comme vous le voyez, ce n'est pas seulement la perception du signal, ni son interprétation, mais encore la connaissance du point d'où il part. Pourquoi donc augmenter le nombre des signaux phoniques inefficaces et d'en créer de plus inefficaces encore ? Vous êtes maintenant arrivés à donner un coup de sifflet bref suivi d'un coup long, puis d'un coup de sifflet bref.

Personne ne peut ici me dire que le signal sera dans la pratique véritablement efficace; qu'il sera convenablement fait et convenablement entendu. Ainsi pour un avantage absolument douteux, qui n'est pas nécessaire, dont vous pouvez vous dispenser, dont l'utilité n'est pas absolument indispensable, vous allez vous lancer dans des signaux dont vous n'avez aucune preuve pratique garanti de l'efficacité. On demande de les introduire dans les règles de route à la mer. Ne serait-il pas mieux de mettre ces signaux dans le nouveau Code International des signaux?

Le Capitaine RICHARD (France). Monsieur le Président, certaine 927 ment ce qu'a dit l'honorable délégué de Hawaii est absolument exact,

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927 mais sa réflexion aurait dû être faite avant que la Conférence ne fút arrivée aux propositions du Comité sur les "Sound Signals." Le comité savait parfaitement alors que ces propositions ont été votées presque intégralement et qu'il ne disposait que d'un nombre de signaux excessivement réduit, et il les a prodigués dans des cas dont l'utilité a été contestée, et maintenant après avoir répandu ces signaux d'une façon relativement prodigue, est-on autorisé à dire qu'il n'en reste plus pour faire face à des besoins réels? Si on avait examiné des cas plus urgents, certes le raisonnement eut été bon, mais peut-on maintenant dire: il est trop tard, on ne peut plus rien faire, nous sommes impuissants?

Qu'on me permette de passer à d'autres objections qui demandent à être réfutées. On a dit, les signaux phoniques proposés par le comité, ont été réclamés par nombre de marins, tandis qu'aucun marin n'a rien demandé pour les navires qui ne sont pas libres de leur manœuvre, ou pour le navire qui pose un cable télégraphique. Est-ce bien réel? Comment! dans les règles de route, article 5, vous avez prévu pour ces bâtiments un éclairage spécial. On a donc reconnu dans le monde maritime tout entier la nécessité d'une distinction pour ces navires. On ne l'a fait, croyez le, que parce que c'était indispensable. Néan

928 moins, on vient dire que personne n'a rien demandé pour eux en temps de brume. Est-il donc besoin que nous nous guidions uniquement sur les demandes qui sont adressées à la Conférence et ne doit-on tenir compte que de cela? Est-il donc besoin que les marins viennent nous dire quels cas il faut envisager, et devons-nous laisser à l'écart tous les points sur lesquels on ne nous a adressé aucune réclamation?

Nous sommes ici une assemblée dans laquelle la marine est largement représentée par des hommes spéciaux, des hommes techniques, qui doivent savoir à quoi s'en tenir par eux-mêmes. Il nous appartient autant qu'à qui que ce soit de juger si les navires qui ne sont pas libres de leur manœuvre, ou ceux qui élongent un cable télégraphique, doivent ou ne doivent pas recevoir cette attention particulière déjà inscrite dans l'article 5.

Un navire qui pose un cable télégraphique entre l'Angleterre et NewYork, par exemple, ne peut ni ralentir ni stopper; devra-t-il couper le cable qu'il pose dès qu'il rencontrera de la brume? Je ne le pense pas. Il continuera sa route à la vitesse qui lui est nécessaire. Il marchera à 6, 7, ou 8 nœuds au moins, pour pouvoir élonger convenablement le cable sur le fond, sans faire de coques et sans être obligé de filer plus de cable qu'il n'est nécessaire. Lorsque ce navire se trouve sur la route d'un autre bâtiment, il est pour ce dernier un danger réel dont il faut l'avertir. Du plus loin qu'on entendra le signal phonique de ce navire qui pose un cable, le mieux sera de s'écarter jusqu'à ce qu'on perde la perception du son.

Vous avez voté qu'il fallait donner des signaux pour un navire à l'ancre dans une passe, pour un navire remorqué, pour un navire qui

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veut indiquer qu'il est stoppé, et maintenant vous avez vu qu'il y avait 928 en dehors de ces cas un certain nombre d'autres qui avaient non seulement une certaine valeur mais qui peut-être se recommandaient davantage à l'attention. Il faut pour ceux-là en même temps que pour les autres une distinction, un signal phonique particulier.

Dérogeant à la simplicité primitive de l'article 12, pour arriver aux signaux des paragraphes d, e, f, on a été obligé de chercher au-delà des signaux simples autrefois en usage. Vous en avez fait de nouveaux, et maintenant vous êtes obligés d'en chercher d'autres, et vous venez nous dire: "nous avons épuisé tout ce qu'il y avait, nos poches sont vides, nous ne possédons plus rien."

L'honorable Amiral Sir George Nares doit bien sentir dans quel endroit se trouve la difficulté. Comme lui, je sens qu'il est difficile de donner des signaux spéciaux appropriés et convenables pour les cas dont je viens de parler. Il me semble que dès le principe nous devions être unanimes à dire que si on augmentait le nombre des signaux phoniques insérés dans les règles de route à la mer, il fallait songer tout d'abord à donner un signal spécial aux navires qui ne sont pas libres de leurs mouvements ou qui posent des cables télégraphiques et ne peuvent stopper. Comment! nous allons donner un signal particulier au navire stoppé, et nous n'en donnons pas à celui qui ne sait pas où il va, dont le gouvernail est brisé, par exemple, et qui dans certains cas peut courir sans frein et sans règle, jouet de la mer et du vent. Vous devez en 929 bonne logique indiquer plutôt la présence du navire qui n'est pas libre de manœuvrer. Je n'ajouterai qu'un mot, pour ce qui concerne les navires posant des cables télégraphiques; on a fait des Conventions Internationales pour ces navires. Par ces conventions, si je ne fais pas erreur, on s'est efforcé d'écarter du navire qui pose ou relève un cable, tous les navires qui sont dans les mêmes parages à une distance qui indique avec quelle sollicitude les gouvernements désirent favoriser ses travaux.

Croit-on que les nations contractantes accueilleront favorablement toute mesure qui ne favorise pas ces bâtiments autant que certaines autres catégories?

LE 5 DÉCEMBRE.

Le Capitaine RICHARD (France). Monsieur le Président, évidemment 936 la question que je demande à l'honorable Président du Comité sur les "Sound Signals" a été très certainement débattue dans le comité. Ce n'est donc pas une critique que je veux faire : c'est seulement un renseignement que je veux demander, de façon que la Conférence puisse s'éclairer sur le point sur lequel mon attention est portée.

En effet, on a demandé que les navires chargés du service télégraphique, et élongeant leurs cables, ou les navires n'étant plus maîtres de leurs manœuvres, ne sonnent leur signal distinctif que lorsqu'ils entendront un navire approchant d'eux. Cela, je vous le dirai, m'étonne

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936 un petit peu, et c'est pourquoi j'en demande l'explication. Il faut noter que s'ils ne sonnent le signal d'un caractère distinctif qui leur a été donné que lorsqu'ils entendront un navire dans leur voisinage, il peut y avoir là quelque inconvénient, si c'est, par exemple, un navire à voiles qui actuellement porte un appareil phonique ne pouvant être entendu de loin,-vous les exposez à donner le signal distinctif lorsque les navires sont absolument rapprochés, lorsqu'un navire à voiles sera incapable de manœuvrer. Je crois que l'indication est ainsi fournie trop au dernier moment, et puisque ces bâtiments ont le privilége des signaux phoniques particuliers il faut leur en donner la charge aussi bien que l'avantage.

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Évidemment le comité a discuté cette question très sérieusement dans son sein. L'explication que je demande ici est le résumé de cette discussion et les motifs puissants qui ont conduit à cette résolution.

Le Capitaine RICHARD (France). Monsieur le Président, mon objection est la suivante: c'est que nous ne pouvons pas d'avance nous lier les mains en adoptant cette proposition, quelque pressés que nous sommes de terminer notre œuvre. Nous avons une loi à examiner, et nous ne pouvons pas nous déclarer d'avance satisfaits de son ensemble sans la bien connaître. Je le répète, nous ne pouvons pas nous lier les mains sans savoir ce que nous aurons devant nous.

Le Capitaine RICHARD (France). Monsieur le Président, pour ma part, après avoir bien réfléchi sur ce qui nous est proposé, je me range à l'opinion qu'il me serait difficile d'adopter le principe sans savoir de quelle façon ce principe sera appliqué.

Certainement il y a en faveur du principe de donner aux pilotes le moyen de se faire reconnaître par les bâtiments qui en ont besoin, un intérêt véritable que je n'entends pas contester. Mais d'un autre côté je suis un peu embarrassé pour adopter ainsi le principe. Si j'adopte le principe je voudrais bien savoir quel usage on en fera. Je n'ai aucune objection contre le signal dont on parle, pour appeler un pilote, mais je puis avoir une suite d'objections formelles contre le signal que vous voudrez faire.'

Jusqu'ici à la suite du Comité sur les "Sound Signals," nous nous somme laissé entraîner dans une série de signaux d'une grande importance, mais après les avoir adoptés, je me demande s'ils sont très efficaces et si nous ne sommes pas allés trop loin?

Je me demande donc, si après avoir adopté le principe on ne va pas adopter un signal qui ne sera pas une nouvelle cause de confusion. Nous avons tiré des signaux phoniques tout le parti qui pouvait en être tiré. Peut-être même plus.

Par conséquent, je me demande s'il est opportun, s'il est sage d'adopter un principe qui va nous apporter encore un nouveau signal phonique. Si le signal est bon, je serai heureux d'adopter le principe en même temps. Mais si vous adoptez un mauvais signal, je me demande si je n'aurais pas mieux fait de repousser le principe. Pour

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