Page. "With regard to the safety of fishermen upon the North Atlantic 1135 Ocean, the committee are of opinion that their safety would be best promoted by unceasing vigilance on the part of the fishermen and by careful compliance, etc. * * *" Il me semble que le Comité dans cette première phrase a évidemment dépassé son idée. N'est-ce pas plaisant de venir dire à celui qui dans un abordage est destiné à jouer un rôle passif et sacrifié, de redoubler de vigilance? Prenons donc les pêcheurs du Banc de Terre Neuve, puisque c'est surtout eux qu'on a eus en vuedans cette partie du rapport, et parlons-en. Ne sont-ils pas, en effet, en droit de se plaindre? Le nombre de bâtiments coulés et de familles en deuil par des collisions avec des steamers passant sur le Banc, doit certainement cadrer merveilleusement avec les recommandations de prudence que notre Comité vient prodiguer en guise de consolation. Permettez-moi de faire quelques observations en ce qui concerne nos pêcheurs. Il y a chaque année environ vingt mille pêcheurs, dont dix mille seulement sont Français et les dix mille autres sont Anglais ou Américains. En ce qui concerne les Français, en 1884 le "Rocabey" a disparu avec 88 hommes de son équipage. Le 25 mai 1885, le "Georges et Jeanne," étant à l'ancre sur le lieu de pêche, a été coulé à 8h. du soir par un paquebot anglais, le "City of Rome." Deux hommes seulement sur 24 sont échappés au désastre. Le 20 juillet 1886 à 10h. du soir "La Sibylle" a été coupée en deux par le vapeur "Nova Scotia" marchant à toute vitesse. Le 8 juin 1886, le "Michel Ernest" a été coulé dans les mêmes conditions, perdant sept hommes. Le "Saint Pair" a eu le même sort le 9 août, étant à l'ancre. La "Marie" a été coulée par le vapeur "Parisian" à peu près vers la même date. Enfin, le "Medellin" a été coulé en plein par le steamer "Queen" avec tout son équipage. Il y a certainement d'autres exemples que je pouvais recueillir, à côté desquels on devrait peut-être placer un certain nombre de ces navires disparus dont le sort n'a jamais été connu. Je n'insisterai pas. Je ne veux que montrer les dangers auxquels sont exposés les pêcheurs sur les Bancs de Terre Neuve par le passage des steamers sur ces bancs. Après l'avoir fait, je me permets de dire qu'on est allé trop loin en mettant cette phrase qui ne trouve rien de mieux à dire aux pêcheurs que de spécifier que le meilleur moyen d'éviter le danger c'est de veiller davantage. Je me demande en vérité ce qu'ils peuvent faire. A quoi peut leur servir cette vigilance tant recommandée? Un navire est à l'ancre, et comme tous ces bâtiments pêcheurs, c'est un bâtiment à voiles qui, pour signaler sa présence, n'a que la corne à bouquin et la cloche. Généralement les pêcheurs ont introduit des fog-horns mécaniques. Ils font tout leur possible pour être entendus et n'être pas abordés. Si Page. 1135 encore vous leur donniez un fog-horn ou un autre instrument phonique convenable, mais vous leur donnez seulement le bon conseil de veiller encore davantage! On a certainement, n'est-il pas vrai, dépassé l'idée du Comité. Il me semble qu'en ce cas on aurait dû renverser les rôles et dire: comme nous ne pouvons pas, quelque généreuses que soient nos intentions, empêcher les steamers de traverser le Banc de Terre Neuve, on doit dire aux capitaines de ces steamers: "Lorsque vous allez entrer sur le Banc de Terre Neuve où vous avez chance de trouver des pêcheurs, vous devez marcher avec la plus grande précaution." Lorsqu'on a discuté la vitesse en temps de brouillard on a voulu limiter la vitesse de ces navires pendant les temps de brume et de brouillard et si une limite eût été acceptée, ces mêmes navires n'auraient pas hésité à descendre plus au sud pour éviter un ralentissement possible • aussi considérable. 1138 La Conférence n'a accepté aucune proposition de ce genre. Par conséquent, puisque vous leur avez donné l'autorisation de passer quand même, que jamais leur vitesse ne descendra au-dessous d'une vitesse considérable, je trouve qu'il est bien hardi de dire aux pêcheurs: "Maintenant, faites attention: c'est vous qui avez tout à craindre, c'est vous qui avez tout à souffrir. Donc: redoublez d'attention." On aurait dû dire au navire: "Nous ne pouvons pas vous empêcher de marcher sur le Banc de Terre Neuve à grande vitesse, mais faites attention que c'est à votre péril." D'après les lois de la plupart des nations, le pêcheur ne doit ni être troublé, ni être molesté dans l'exercice de son industrie. Lorsqu'il a été question de l'éclairage des "small craft and fishing vessels" vous avez fait tout ce qu'il était possible pour que les pêcheurs exercent en paix leur industrie. Pourquoi seriez-vous moins favora. bles à ceux de Terre Neuve? Aussi je ne crois pas que vous ayez été conséquents en mettant cette phrase. C'est le steamer qui doit veiller et non pas le pêcheur, cet être inoffensif, qui ne peut rien faire pour éviter l'abordage. Le Capitaine RICHARD (France). Monsieur le Président, l'honorable Amiral Bowen Smith n'a pas compris ma pensée. Si j'avais une solution meilleure à proposer, je l'aurais proposée au Comité. Je ne m'élève que contre la phrase dans la subsection (b), qui, à mon avis, aurait été mieux placée ailleurs. Elle donne aux pêcheurs pour tout conseil, celui de veiller avec tout soin, lorsqu'ils ne peuvent rien faire et que toute leur vigilance ne saurait détourner d'eux un navire abordeur. J'ai eu l'honneur de vous citer un certain nombre de navires français coulés sur les Bancs de Terre Neuve et à côté des témoignages qui sont dans l'appendice je trouve celui d'un M. Charles Peterson. A sa connaissance, jamais un navire n'a été coulé par un steamer. C'est évidemment le témoignage d'un esprit simple, qui n'a guère vu au-delà de son navire, et l'appendice B ne me paraît pas appelé à jeter sur la question un jour nouveau. LE 18 DÉCEMBRE. Le Capitaine RICHARD (France). Monsieur le Président, la discussion a été tellement étendue, et tous les arguments pour et contre l'amendement qui nous est proposé ont été dévelopés avec tant d'ampleur, que je crois qu'il est inutile pour moi d'entrer dans les détails de cette discussion. Je me bornerai à dire que les deux systèmes, que les rayons se croisent sur l'avant ou ne se croisent pas, ont leurs inconvénients aussi bien que leurs avantages. Dans le premier cas vous avez une zone obscure dans laquelle peut se présenter une collision. Dans l'autre cas, quand les rayons se croisent, vous avez la zone éclairée qui peut également mener à une collision; par l'observation stricte des règles de route chacun de nous connaît les cas particuliers auxquels je fais allusion. Par conséquent, dans ces conditions-là, il me semble qu'on redouble l'incertitude en ne sachant pas à quoi on a affaire, et que c'est un grand point, quelles que soient les propositions qu'on nous offre, que tous nos bâtiments soient placés dans les mêmes conditions. C'est tout ce que nous pouvons demander. Dans ces conditions-là je suis prêt à me rallier à la solution qui sera adoptée par tout le monde, parce qu'alors vous aurez les mêmes règles et les mêmes lois, ce qui sera une garantie de sécurité. Évidemment je crois qu'il ne faut pas porter témérairement la main sur les vieilles règles, car elles sont tellement connues que nous avons là un élément de sécurité résultant d'une interprétation commune, et que si vous comparaissez devant une cour vous connaissez par avance le jugement qui sera porté. Un certain nombre de nations, et non pas les plus petites, si on en considère le tonnage, ont adopté le croisement des feux. La GrandeBretagne est parmi elles. Je demande, puisque la chose existe, et que cette mesure plus ou moins justifiée et plus ou moins contestable n'est pas adoptée par tout le monde, qu'on se mette d'accord sur cette question qui n'est pas sans importance. J'ai un reproche à faire au nombre de degrés proposé par le délégué d'Allemagne pour arriver au croisement des feux; je (dirai qu'on ne nous donne pas une indication assez précise. La distance de croisement des feux vert et rouge sera variable avec la largeur du bâtiment. Pour les petits bâtiments la zone obscure, lorsque les feux ne se croisent pas, est de peu d'importance, parce que les petits bâtiments ont en général très peu de stabilité de route; c'est à dire, ne gouvernent pas en général suivant une route mathématiquement rectiligne. On voit leur feu rouge et leur feu vert tour à tour lorsqu'on est dans la zone obscure. Deux systèmes sont en présence; l'un avec les feux ne se croisant qu'à l'infini; l'autre avec les feux se croisant à une distance définie. Qu'importe le système, pourvu que la solution soit uniforme? Jusqu'ici rien n'a été proposé pour arriver à cettə uniformité. Page. 1181 Je crois donc que nous devons autant que possible appuyer une 1186 mesure uniforme pour tout le monde, et c'est pourquoi je me rallie à l'article proposé par notre honcrable collègue d'Allemagne. Page. 1186 L'Amiral VIEL (Chili). Monsieur le Président, la proposition que j'ai faite de retrancher du rapport de la Commission de Collocation, après le mot "apart" je crois nécessaire. Car il est difficile à la mer, et surtout pendant la nuit, d'apprécier une distance de 600 pieds sans qu'elle soit marquée par un point quelconque. C'est pour cela que je propose l'amendement que je présente, d'autant plus que les remorqueurs ordinaires ne pourront pas mettre trois lanternes à cause de la petite dimension de leurs mats, et s'il arrive par hasard des troubles qui les obligent à remorquer, il leur sera encore bien difficile d'obtenir trois lanternes du même caractère que celui qui est d'ordonnance. Si la proposition que je viens de soumettre était adoptée, on serait obligé de retrancher de l'article 5 les mots: "and any ships towing", et de les remplacer par un autre article rédigé dans les termes de celui que je présente. 1187 Le Capitaine RICHARD (France). Monsieur le Président, je n'ai qu'une remarque très courte à faire sur l'amendement présenté par nos honorables collègues du Chili. Évidemment la pensée qui aura inspiré cet amendement est une pensée excellente, en ce sens qu'à la mer il y a tout intérêt à ce que dans le groupe formé par un navire remorqueur et un ou plusieurs navires remorqués, on puisse reconnaître où commence le groupe et où il finit. Évidemment l'avant est actuellement indiqué par un éclairage spécial, mais s'il importe de savoir où est l'avant du bâtiment remorqueur, il n'importe pas moins de savoir où est l'arrière du bâtiment remorqué. Je crois que l'amendement prescrit par nos honorables collègues est inattaquable dans le principe. Mais dans la proposition le bâtiment remorqueur a absolument les mêmes feux que le bâtiment qui termine le groupe. C'est exactement la même chose, c'est à dire, 2 feux blancs placés verticalement et espacés d'au moins 6 pieds. 1188 L'Amiral VIEL (Chili). C'est à l'arrière et non pas à l'avant. Le Capitaine RICHARD (France). Parfaitement, mais un observateur qui est placé à l'extérieur ne fera aucune différence entre les deux feux blancs du remorqueur et les deux lumières du dernier bâtiment remorqué. Peut-être à l'œil, percevra-t-on une différence dans l'intensité des deux éclairages, parce que dans l'un vous employez des lanternes spéciales et parce que dans l'autre vous faites usage de fanaux ordinaires; mais cette différence n'est pas suffisante, car l'éclat des lumières est variable avec l'huile, la durée du temps pendant lequel la lampe a été allumée, la fumée, etc. Le principe mérite toute notre sollicitude, mais l'application doit être rejetée parce que vous aurez une confusion entre les feux du remorqueur et du remorqué. C'est la seule objection que j'aurai à faire. L'Amiral VIEL (Chili). Monsieur le Président, je viens d'entendre de l'honorable délégué de la France que la chose est bonne en principe, mais qu'en pratique elle est mauvaise. Depuis que je suis au service Page. de la marine j'ai conduit des convois de navires, et j'ai vu que les fa- 1188 naux d'arrière donnaient une grande facilité pour conserver les convois, et je crois que cette mesure sera d'un grand avantage si on l'adopte. C'est pourquoi j'ai proposé de retrancher ces mots. Le Capitaine RICHARD (France). Monsieur le Président, je crains d'avoir été mal compris par l'honorable Amiral. Je ne discute pas sur le principe, que je trouve très vrai, mais mon objection porte sur l'éclairage lui-même, sur son caractère, que je trouve insuffisant, parce qu'il prête à une confusion qui peut avoir des conséquences graves. L'Amiral VIEL (Chili). Je n'ai pu trouver d'autre signal. On a tellement disposé des signaux que je n'ai pu trouver autre chose que les deux lumières à l'arrière. Mais puisque le Capitaine Richard ne les trouve pas pratiques; je n'insiste pas. Le Capitaine RICHARD (France). Monsieur le Président, je ne partage 1190 pas l'opinion optimiste exprimée par l'éminent délégué de la GrandeBretagne. Qu'il me soit permis d'émettre l'opinion que l'honorable délégué d'Allemagne en introduisant le terme "à la même hauteur" au lieu de " à la même position" n'a pas amélioré le texte de nos règles de route. Sans vouloir demander à ce texte, une rédaction académique, est-il désirable de remplacer une locution vicieuse qui assigne à deux lumières distantes de 6 pieds la même position qu'à une seule lumière placée à une position définie, par une locution qui n'est pas plus explicite et qui a l'inconvénient d'être nouvelle? Chacun de nous connaît le reproche qu'on peut adresser à ce terme, "la même position;" le terme "la même hauteur" mérite encore moins d'estime. Maintenant, d'un autre côté, je soumettrai respectueusement à la Conférence que nous n'avons aucun avantage à dire "where they can best be seen," parce que, quelle est l'intention en mettant les lumières sur l'avant d'un navire qui n'est pas maître de sa manœuvre ? C'est évidemment l'intention d'indiquer le côté dangereux de ce bâtiment, c'est à dire, l'avant. Il est dangereux surtout par son avant parce que ce navire se meut au hasard sans règle définie qui puisse indiquer clairement la route qu'il va suivre. On met la lumière pour dire: "Garez-vous de ce navire." Donc, je crois qu'il vaut mieux laisser l'ancienne prescription, c'est à dire, laisser les feux indiquant que le navire n'est pas libre de sa manœuvre sur l'avant du mât de misaine. Si le mât de misaine a été rompu ce sera évidemment un cas de force majeure, et vous serez obligés de les mettre au grand mât. Mais je ne crois pas que vous deviez entrer dans un examen de ces cas particuliers. Nous aurions alors à examiner les cas de la rupture d'un mât, de deux mâts ou de trois mâts. En bonne vérité, dans ces cas-là il reste toujours un espar à mettre à l'endroit où était le mât. En un mot, il semble qu'en général on peut toujours élever une construction qui puisse vous permettre de mettre des feux, à la position convenable. Mais je crois qu'il faut mettre ces deux lumières sur |