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conscience de son action. Il est très important de rechercher si ces précautions ont été raisonnées et dirigées avec réflexion vers un même but, ou si elles ne sont pas seulement le résultat d'un esprit malade; dans ce dernier cas, ces préparatifs eux-mêmes sont empreints du cachet de la folie, et ont une certaine valeur pour le diagnostic. doit juger autrement, dit Casper, les tentatives ayant pour but de se soustraire à la punition, qui ne sont faites qu'après l'action, par exemple lorsque l'accusé se sauve, nie, cache le corps du délit. Le malfaiteur coupable fait ces tentatives dans la plupart des cas; mais le malfaiteur dont les mobiles sont la vengeance, le fanatisme politique, souvent ne prend pas ces précautions; quelquefois même, le criminel endurci, se confiant à sa bonne étoile, qui l'a déjà protégé jusque-là, se présentera hardiment sans faire un pas pour se soustraire au châtiment. Ces hommes se comportent alors comme l'aliéné qui reste impassible dans sa triste naïveté. »

e. L'absence de repentir ne prouve pas grand'chose au point de vue du diagnostic de la responsabilité : les grands criminels, les malfaiteurs les plus endurcis montrent la même indifférence, la même insensibilité de cœur que J'aliéné après son crime.

f. La possibilité pour l'accusé de raconter les circonstances de fait, ne prouve pas davantage, parce que l'oubli peut être simulé par le malfaiteur, tandis que l'aliéné peut très bien se rappeler toutes les circonstances de son crime.

g. L'état intellectuel de l'accusé doit être également examiné. Casper croit que ce symptôme a donné lieu à bien des erreurs de diagnostic, parce qu'on ne voit pas les faits à leur vrai point de vue pour lui, la faiblesse d'intelligence, la niaiserie ne constituent pas la non-culpabilité, et, là comme toujours, on doit considérer toutes les circonstances du cas spécial : l'origine, l'éducation, le caractère, les tendances, les sympathies de l'accusé, quel rapport il peut y avoir entre l'action incriminée et l'état de l'intelligence de celui qui l'a commise.

h. Hallucinations. Les hallucinations, surtout celles de l'ouïe, sont souvent invoquées par les criminels aliénés ou

non. Casper n'y croit pas beaucoup et les considère comme une excuse très commode pour faire croire à la non-culpabilité. Il reproche aux médecins de se laisser trop séduire par ces soi-disant impulsions qui poussent fatalement l'individu à commettre un crime. L'existence de ces voix secrètes peut, suivant lui, aider au diagnostic de la nonresponsabilité dans les cas suivants : 1o quand il est prouvé que, depuis longtemps, l'accusé était atteint d'hallucinations qui se rencontrent surtout pour le sens de l'ouïe, si fréquemment atteint chez les aliénés; mais il faudra prouver d'abord l'aliénation mentale; - 2o si le fait incriminé a été causé exclusivement par l'hallucination pour juger cette question, on trouvera des bases dans les hallucinations des rêves, et dans les extravagances commises dans l'ivresse de sommeil, c'est-à-dire dans l'état intermédiaire entre le sommeil et la veille, quand le sommeil vient de cesser ou ne fait que commencer. En dehors de ces deux cas, ajoute-t-il, «la voix qui crie: Tu dois le faire! n'est autre chose que la propre voix du mauvais principe qui crie dans la poitrine du criminel, voix qui, après une lutte plus ou moins longue entre le bon et le mauvais principe, où sont pesés les avantages et les dangers de l'action, triomphe dans la conscience et fait commettre le mal. » Nous verrons plus loin que cette opinion de Casper sur les impulsions n'est nullement partagée par Tardieu et la plupart des aliénistes.

i. L'aveu du délit ou du crime par l'aliéné doit être examiné et contrôlé de fort près : il existe en effet toute une catégorie de malades, particulièrement les hypochondriaques, les monomanes religieux, qui font en quelque sorte étalage de crimes imaginaires, s'accusant d'être les auteurs non soupçonnés et non punis de sacrilèges, d'indélicatesses, d'adultères ou de faits criminels quelconques : ils ont tué leur mère, leur femme ou leurs enfants. Quand l'aliénation mentale est bien caractérisée, on sait quelle valeur on doit attacher à de pareils aveux; mais il est des cas fort embarrassants, lorsque la folie par exemple est à l'état d'incubation et qu'on peut à peine la soupçonner (Morel). Dans d'autres circonstances, les aliénés ne for

mulent plus contre eux-mêmes, mais contre d'autres, des accusations mensongères ou calomnieuses; ils accuseront telle ou telle personne de s'être livrée sur eux à des actes de violence. Dans ce cas, dit Legrand du Saulle, « le médecin doit d'abord tout accepter, ne s'émouvoir de rien, ne prendre parti ni pour ni contre le délateur, ajourner toute réflexion, et soumettre ensuite, avec calme et sans passion, les faits au contrôle le plus sévère. »

Il peut encore se présenter le fait suivant un homme est accusé d'un crime et proteste de son innocence; il perd la raison et avoue sa culpabilité; puis il guérit et nie formellement qu'il soit l'auteur de l'acte incriminé. Le docteur Dagonnet, consulté dans un cas de ce genre, émit l'opinion que les aveux, faits par un accusé dans un moment de folie, ne peuvent avoir aucune valeur sérieuse aux yeux de la justice. Le prévenu fut acquitté. Suivant Legrand du Saulle, il doit en être de même des paroles ou des témoignages échappés à un individu pendant le délire d'une affection aiguë.

Tardieu fait remarquer enfin que parfois certains détails, certaines circonstances du crime suffisent pour faire soupçonner la folie : par exemple, une femme, après avoir tué son enfant, le coupe en morceaux et le fait bouillir dans une marmite avec des choux. « Il y a, dit-il, dans le seul détail de cette préparation culinaire, aussi inutile que révoltante, une forte présomption que cette femme n'a pas sa raison. » L'absence constatée de tout mobile apparent ou caché, le choix irréfléchi de la victime peuvent aussi dénoncer la folie. Tardieu pense que « dans ces cas, c'est moins dans la nature de l'action et dans les circonstances qui l'entourent, que dans les fonctions morales et intellectuelles de celui qui est soumis à son examen, que l'expert puisera les motifs de son jugement. »

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B. Interrogatoire. - On ne devra procéder à l'interrogatoire de l'aliéné qu'après l'enquête, c'est-à-dire quand les renseignements, inscrits au dossier ou fournis par l'ensemble des recherches que nous venons d'indiquer, ont permis de soupçonner l'aliénation mentale, et montré la meilleure voie à suivre pour le questionner; on évite ainsi les tâtonne

ments, et l'on peut donner à l'interrogatoire une direction plus méthodique.

Ajoutons que dans les formes périodiques, rémittentes ou transitoires de la folie, le sujet peut avoir sa raison au moment de l'interrogatoire; il ne faudra donc pas conclure d'après une seule séance, mais renouveler l'épreuve plusieurs fois.

Cet interrogatoire peut aboutir à des résultats positifs, mais il est loin d'être infaillible, et doit être, en raison des eas de simulations et des autres causes d'erreur, complété par l'observation directe et suivie de l'accusé : il faut souvent, pour arriver à un diagnostic certain, le suivre longtemps, le soumettre pendant des mois entiers à une surveillance assidue, persévérante, habilement conduite et pratiquée à l'insu de l'inculpé.

C. Examen direct. Cet examen doit porter: 1° sur l'état physique ; 2o sur l'état mental de l'aliéné.

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1o Examen de l'état physique. Il est n.oins important que l'examen de l'état mental, mais ne doit cependant pas être négligé de l'expert, qui peut y trouver des indications très précieuses, surtout dans les cas de simulation. Il aura donc à étudier l'ensemble de toutes les fonctions organiques, mais plus spécialement la physionomie générale, la circulation, les fonctions digestives, le système nerveux, la myotilité, les fonctions génésiques, enfin les lésions anatomiques.

a. Physionomie générale. L'aspect extérieur de l'aliéné a souvent quelque chose de caractéristique; la forme du crane, l'attitude, le regard, le port de la tête, les mouvements partiels des lèvres ou des mains, la sputation fréquente, donnent à l'habitude extérieure des aliénés un caractère qui frappe au premier coup d'œil l'expert un peu habitué à ce genre d'examen. Suivant le Dr A. Laurent, il y a une désharmonie complète entre les manifestations fournies par le centre d'action oculaire et par le centre d'action buccal. En général, la peau fonctionne mal, elle est sèche, terreuse, jaune, couverte d'une sorte d'enduit visqueux; d'autres fois congestionnée et violacée. Elle est en outre très sujette à s'enflammer; elle se fendille et se couvre d'érup

tions diverses (érythèmes, furoncles, érosions), surtout aux mains, dans les formes dépressives de la folie. On remarque encore sur la surface du corps des traces de blessures (morsures, mutilations), et des contusions que les malades se font à eux-mêmes, soit dans des tentatives de suicide, soit involontairement dans le paroxysme de leurs accès de fureur. Dans certains cas, chez les déments ou les paralytiques, les malades s'écorchent la peau par une sorte de mouvement automatique ; Tardieu en a vu s'arracher des lambeaux de peau par des tiraillements violents et presque continuels.

b. Circulation. La circulation générale est moins troublée qu'on pourrait le supposer (Tardieu). Le cœur ne présente pas de lésions caractéristiques, en dehors des palpitations, de certaines irrégularités du rhythme et d'un bruit de souffle chloro-anémique. Le pouls offre les mêmes irrégularités que le cœur; il est quelquefois très ralenti, d'autres fois dédoublé. Rien de bien particulier du côté de la température; d'une manière générale, elle est abaissée dans les formes dépressives de la folie, et augmentée dans les formes aiguës et paroxystiques.

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c. Fonctions digestives. Elles sont presque toujours dérangées; l'appétit est nul dans les formes aiguës de la folie, et dans le degré le plus avancé de la dépression; il est souvent exagéré et surtout perverti dans les formes chroniques La langue est presque toujours sale et saburrale; l'haleine mauvaise, souvent fétide; la constipation très habituelle, parfois opiniàtre.

d. Système nerveux. Les désordres physiques du système nerveux portent surtout sur la sensibilité, qui est en général profondément altérée. Elle peut être en effet : exagérée jusqu'à la douleur, et s'accompagner tantôt de mal de tête, d'éblouissements ou de bourdonnements d'oreilles, tantôt d'hyperesthésie avec sensation de chaleur et de brùlure à la peau; abolie, par exemple dans la folie mélancolique, hypochondriaque ou hystérique ; — pervertie, le malade ne distingue plus le chaud du froid, ne reconnait plus les saveurs, et mange des substances inertes ou dégoùtantes.

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