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mée chez le sourd-muet, et que la preuve du contraire doit être fournie, s'il y a lieu, par les intéressés. En droit criminel, on doit au contraire présumer l'irresponsabilité des sourds-muets. Suivant Tardieu, il faut établir une distinction entre le sourd-muet qui n'a reçu aucune éducation, et celui qui possède une certaine instruction: dans le premier cas, le sourd-muet est absolument incapable et irresponsable, et doit être mis au même rang que le mineur ou l'imbécile; dans le second, au contraire, il agit enpleine connaissance de cause, et, au double point de vue qui intéresse le médecin expert, il ne diffère pas des autres hommes. -- Ce n'est pas l'opinion de Casper, qui considère le sourd-muet comme un être toujours inférieur même en dépit des bienfaits de l'éducation; sa défectuosité physique constitue malgré tout, entre lui et le monde extérieur, une barrière infranchissable. En général, les expertises qui les concernent se rapportent presque toujours à la capacité de contracter et sont des affaires civiles; il s'agit ordinairement de décider si une tutelle imposée à un sourd-muet peut être levée ou non. Les affaires criminelles sont rares, et Casper conclut de ses observations que, au peu de développement de leurs facultés morales, se joint un très faible développement de leurs facultés appétives. Suivant lui, il n'y a qu'un moyen de communiquer avec un sourd-muet : c'est la conversation par écrit; les gestes ou les signes conventionnels sont insuffisants.

f. Moribonds. -- Comme nous l'avons déjà dit précédemment, le médecin expert peut être appelé, post mortem, pour apprécier jusqu'à quel point un moribond peut être capable d'accomplir certains actes, tels qu'un mariage in extremis, un testament ou une donation. Suivant Tardieu, il est difficile de résoudre cette question d'une manière absolue; la réponse de l'expert dépendra du cas particulier, et des circonstances de la mort. D'après Lasègue, « l'état mental d'un malade atteint d'une affection, à laquelle le cerveau prend une part éventuelle et toujours secondaire, ne peut pas se déduire de la nature de la maladie. Un phthisique, une femme atteinte de péritonite, un goutteux, etc., succombent avec ou sans trouble de l'intelligence; si, comme il arrive

souvent aux derniers moments de la vie, l'intelligence est affectée, la mesure de ce désordre final échappe à toute prévision. Il en est autrement dans les maladies cérébrales, où la nature et la marche des accidents permettent au médecin de reconnaitre tout au moins le siège, sinon le degré de la lésion. »

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B. DES ESPÈCES DE FOLIE CARACTÉRISÉES PAR LES
IMPULSIONS INSTINCTIVES.

Les impulsions instinctives qui sont la caractéristique de ce groupe, ont ceci de remarquable qu'elles sont soudaines, irrésistibles, inexpliquées, de courte durée, et qu'elles ne sont ni précédées, ni suivies de réflexions, ni enfantées par l'opération intellectuelle d'une logique soit saine, soit même déraisonnable. Les actes qui en dérivent sont en réalité involontaires, et ceux qui les commettent doivent être déclarés inconscients, partant irresponsables (Tardieu). Les fous de cette catégorie sont extrêmement dangereux.

Au point de vue médico-légal, l'expert ne devra pas oublier que l'appréciation portera ici, moins sur l'état des facultés intellectuelles, que sur celui des facultés affectives ou des instincts; la perversion qui domine est celle de la volonté, qui est, non pas abolie, mais opprimée, dominée en quelque sorte par une impulsion à laquelle elle est incapable de résister. Aussi les circonstances de l'acte en luimême devront-elles souvent occuper une place prépondérante, dans la constatation de l'état mental, parce que cet acte est quelquefois la manifestation unique de cette perversion des instincts.

Les types de fous qui rentrent dans cette catégorie sont : 1o les épileptiques, 2o les idiots et les imbéciles, - 3o les dégénérés et les excentriques, 4o les alcoolisants, 5o les hypochondriaques, 6° les hystériques, 7° les femmes en

ceintes,

8° les femmes récemment accouchées ou nourrices. 1o Epileptiques. C'est une des variétés de folie les plus répandues. On compte en effet en France quarante mille épileptiques, ainsi répartis quatre mille sont séquestrés comme aliénés; trente-six mille vivent en liberté. Ajoutons

que c'est aussi une des plus méconnues. Legrand du Saulle a étudié tout particulièrement l'épilepsie 1, et nous lui empruntons les principaux détails qui suivent.

Au point de vue clinique, on peut diviser les épileptiques en cinq classes distinctes: les épileptiques proprement dits, - les épileptiques aliénés, les épileptiques larvés, les épileptiques alcooliques, et les épileptiques paralytiques. Voici à quels caractères on peut reconnaitre ces différentes catégories.

Epileptiques proprement dits. L'épilepsie est caractérisée par trois ordres de phénomènes somatiques : le vertige, l'accés incomplet et l'attaque convulsive. Ces trois états peuvent exister chez le même individu et alterner capricieusement, ou bien il n'y en a que deux, quelquefois même un seul, qui se reproduit invariablement de la même manière, à des époques plus ou moins régulières.

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Vertige. « Le sujet affecté de vertige, dit Legrand du Saulle, jouit de toutes les apparences de la santé, s'occupe d'un travail ou cause tranquillement, quand tout à coup il palit un peu, s'arrête, parait surpris, interrompt sa phrase, conserve les yeux fixes, làche l'objet qu'il tient à la main ou le lance convulsivement loin de lui, et reste ainsi immobile pendant quatre, huit, dix secondes ou plus. Il pousse un soupir, achève ce qu'il disait et ne se doute pas souvent qu'il vient d'être malade. Il n'est pas tombé, n'a rien vu, rien entendu, rien senti; il a été isolé du monde extérieur; il a été absent. Quelquefois, à la suite d'un simple vertige, les malades restent troublés pendant quelques secondes, quelques minutes, quelques heures. Etonnés, ahuris, demihébétés, ils balbutient quelques mots incohérents ou orduriers, déboutonnent machinalement leurs vêtements, découvrent leurs organes génitaux, arrivent dans un salon, au théatre ou à l'église, font des gestes choquants, se mettent à genoux, baisent la terre, répètent un certain nombre de fois le même mot ou le même acte, ou bien encore sont rencontrés tout nus dans leur escalier, dans la cour de leur

1. Legrand du Saulle, Études médico-légales sur les épileptiques. Paris, 1877.

maison, ou se montrent ainsi sur la voie publique. Reve nus à eux-mêmes, ils ne se souviennent absolument de rien, apprécient l'étrangeté de leur conduite, s'excusent et indemnisent s'il y a lieu. »

Ce vertige, malgré son instantanéité, peut, comme l'accès incomplet de l'attaque convulsive, avoir pour conséquence les actes les plus criminels, avec cette particularité intéressante à noter, que ces actes se reproduisent identiquement les mêmes, de la même façon et dans les mêmes circonstances. C'est là une des caractéristiques du vertige épileptique.

Accès incomplets. C'est un état intermédiaire entre le vertige et l'attaque convulsive, caractérisé par des mouvements convulsifs partiels ou plutôt des contractions involontaires de certains muscles de la face ou des membres, du machonnement et une sorte de déglutition automatique. « Le malade, dit Legrand du Saulle, s'arrête tout à coup dans n'importe quelle position sa tête tourne lentement d'un côté, sa face pâlit un peu et revêt surtout une expression d'étonnement indigné, de terreur ou de fureur; puis l'un des côtés du corps se raidit, la respiration se suspend, le visage se colore, un certain mâchonnement se produit, et l'on entend dans la gorge un bruit analogue à celui de la déglutition qui se fait à vide. Il n'y a ni cri initial ni chute. Au bout de dix à trente-cinq secondes, tout rentre dans l'ordre et l'on n'observe plus que de la demi-hébétude et de la lourdeur de tête. » Ces crises se reproduisent à des époques fixes ou irrégulières, et toujours avec les mêmes caractères; elles sont calquées les unes sur les autres, identiques, en tout point stéréotypées. Ici, la perte de connaissance n'est pas absolue, comme dans l'attaque convulsive ou le vertige; le malade a comme un souvenir confus qu'il vient de lui arriver quelque chose de douloureux ou d'horrible; il peut même reconstituer à grand'peine, retracer quelques réminiscences partielles de son aventure psychique; il bredouille, fait entendre quelques mots incohérents et peu compréhensibles ou quelques monosyllabes trahissant une émotion profonde ou une vive frayeur. Quelquefois, il répète assez distinctement le même mot, un grand nombre de fois, et

cela avec une étrange volubilité. Dans certains cas enfin, à la suite d'un accès incomplet, l'individu paraît absolument revenu à lui; il parle, va et vient, s'occupe de ses affaires sans qu'on puisse remarquer rien d'anormal dans son état mental, puis il est repris d'un nouvel accès, et, quand tout est de nouveau fini, il a complètement oublié tout ce qu'il a dit ou fait pendant l'intervalle de lucidité apparente.

Ajoutons enfin que ces accès incomplets peuvent ne survenir que la nuit, et n'être soupçonnés ni par le malade ni par sa famille (Duménil, Marc). Le diagnostic est alors difficile à établir, et le médecin légiste doit toujours songer à la possibilité de ces attaques nocturnes.

L'impulsion, phénomène psychique en vertu duquel un individu est impérieusement poussé à commettre un acte, est fréquente chez les épileptiques, et peut suivre immédiatement le vertige ou l'accès incomplet. Elle est en général brusque, impérieuse et irréfléchie. C'est une sorte de convulsion mentale qui ne laisse après elle qu'un souvenir confus ou nul du crime accompli; elle est souvent précédée d'une sensation particulière, une sorte d'aura qui part d'un point déterminé du corps et monte rapidement au cerveau. Cette sensation permet quelquefois au malade d'avertir qu'il va frapper et devenir dangereux.

Attaques convulsives. L'attaque d'épilepsie franche, dont nous verrons plus loin la description à l'occasion des maladies simulées, peut survenir subitement sans aucun prodrome, ou bien être précédée d'un ensemble de symptômes, qui permettent au malade d'annoncer l'attaque quelques heures ou quelques minutes avant son apparition. Ce sont des douleurs céphalalgiques plus ou moins intenses, des soubresauts, une sorte d'aura frigida, une sensation subite de froid, et surtout des modifications du caractère le malade est morne, taciturne, irritable, hargneux, distrait et paraît manquer de mémoire; ou bien, au contraire, il est loquace, expansif et bienveillant. Quelques minutes avant la crise, il évoque tout à coup un souvenir, répète une idée, aperçoit des étincelles, des flammes; entend une sonnerie, un grincement, un sifflet; perçoit un goût de cuivre, sent une odeur de soufre, de fumée ou de gaz, puis

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