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ceux qui doivent surtout préoccuper le médecin légiste, sont les dispositions érotiques des hystériques et le besoin invétéré, incessant de mentir, sans intérêt, sans raison, uniquement pour mentir, et cela non seulement en paroles, mais encore en actions, par une sorte de besoin de mise en scène. Cette tendance instinctive à la simulation entraîne souvent les hystériques à des actes involontaires et inconscients, quelquefois répréhensibles ou tout à fait criminels. C'est ainsi qu'on a vu des hystériques accuser des personnes de violences à leur égard ou de tentatives de viol, et faire condamner des innocents à des peines plus ou moins rigoureuses. Aussi, au point de vue médico-légal, n'est-il pas toujours facile de déterminer le caractère des actes commis par les folles de cette espèce, et surtout le degré de responsabilité. Legrand du Saulle admet l'atténuation, mais non l'abolition de la culpabilité des hystériques; Tardieu partage jusqu'à un certain point cette opinion, mais pense qu'il faut se défier de la perversité instinctive des hystériques, de leur propension irrésistible au mensonge, et des impulsions morbides auxquelles elles ne sont pas toujours libres de se soustraire.

Tardieu

7o Femmes enceintes. Folie puerperale. comprend sous ce titre les faits relatifs aux femmes enceintes, aux nouvelles accouchées et aux nourrices.

Il est bien reconnu actuellement que la grossesse exerce une influence incontestable sur le système nerveux de la femme, et par suite sur ses facultés intellectuelles et morales. Cette influence se traduit : 1o par des modifications plus ou moins profondes dans le caractère et les facultés affectives quelques femmes deviennent tristes, pleurent sans cesse, ont des idées noires, des envies de suicide; d'autres éprouvent une sorte d'excitation extraordinaire, des susceptibilités, des antipathies sans motifs contre les êtres les plus chers; ces troubles peuvent aboutir tantôt à la folie à forme mélancolique, avec tendance à se détruire elle et son enfant, tantôt à la folie hystérique avec délire maniaque et penchants érotiques. 2o par la perversion des facultés morales, et par des impulsions instinctives : bien qu'au point de vue légal on ne puisse admettre que

l'état de grossesse abolit la liberté morale, il est incontestable que la femme enceinte peut être entrainée par des appétits physiques auxquels elle ne peut résister, par des envies, suivant l'expression vulgaire, à prendre, chez les marchands de comestibles ou les fruitiers, des primeurs, des fruits ou d'autres pièces, même lorsqu'elles auraient pu se les procurer facilement à prix d'argent. L'expert aura à distinguer entre ces actes, inconscients dans une certaine limite, et les vols beaucoup plus importants de bijoux, de dentelles, ou d'autres objets précieux, commis pendant la grossesse, et mis sur le compte de cet état organique. II devra s'assurer d'abord que la femme est réellement enceinte, apprécier ensuite l'état mental, en dehors de la grossesse même, et l'acte incriminé dans toutes ses circonstances, en se gardant bien d'admettre que toute femme qui vole, étant enceinte, est par cela seul excusable. Quelquefois, des actes beaucoup plus graves, des crimes, des incendies peuvent être commis sous l'influence de la grossesse; suivant Laurent, on devra, dans ces conditions, prendre en considération les antécédents héréditaires de la femme, la prédisposition originelle ou acquise, le caractère et le tempérament du sujet. La grossesse en effet ne pervertit que les instincts physiques; lorsqu'elle agit sur les facultés morales, c'est en raison d'une prédisposition originelle ou acquise; elle n'engendre pas de folie spéciale, pas plus la monomanie du vol ou de l'incendie que celle du meurtre; mais elle peut produire une véritable impulsion, qui fasse commettre à la femme l'un ou l'autre de ces crimes. Aussi Tardieu conclut-il, avec Marcé et Joerg, que « le médecin légiste, appelé à décider de l'état mental d'une femme enceinte qui invoquera sa grossesse, pour excuser un délit ou un crime, devra faire abstraction de ce fait, pour se livrer à un examen approfondi de l'état mental, en se rappelant que la vérité ressortira bien plus des circonstances qui ont précédé ou accompagné le délit, que de la considération de l'état de grossesse, qui ne servira jamais de preuve directe. »

La folie puerpérale est souvent invoquée, comme excuse, par les défenseurs des femmes récemment accouchées et accu

sées d'infanticide. Quelques médecins aliénistes, Marcé entre autres, admettent volontiers que les femmes ont été, dans ce cas, entrainées par un moment d'aberration mentale. Tardieu et Legrand du Saulle est également de son avis ne partage pas cette opinion, qui impliquerait l'innocence forcée de toutes les femmes infanticides; il n'accepte pas davantage l'idée de folie transitoire, pour celles qui commettent un crime au moment où elles viennent d'accoucher. «Il n'est pas à ma connaissance, dit-il, un seul cas probant et authentique, qui démontre que, sous l'influence des douleurs de l'enfantement, une femme ait été saisie d'une fureur homicide transitoire, non plus que d'une impulsion instinctive qui l'ait conduite, sans qu'elle en ait conscience, à tuer son enfant. >>

L'allaitement chez les nourrices peut quelquefois provoquer des troubles cérébraux plus ou moins graves, tels que le délire ou une perversion instinctive se traduisant par des impulsions morbides (Marcé, Motet, Legrand du Saulle). Marcé a observé des faits de ce genre chez les femmes récemment accouchées, et épuisées par des pertes de sang, quelquefois à la suite de l'arrêt brusque de l'allaitement ou par la suppression du lait.

Au point de vue de l'appréciation médico-légale de la responsabilité, on ne peut nier qu'il n'y ait là une perversion plus ou moins profonde de la volonté, que ces femmes offrent un défaut de résistance morale qui atténue singulièrement, et peut même annuler complètement leur responsabilité (Tardieu).

C. DES ESPÈCES DE FOLIE CARACTÉRISÉES PAR

DIFFÉRENTES FORMES DE DÉlire.

Ce groupe comprend les maniaques, les monomanes, les lypémaniaques, les persécutés, les fous paralytiques, les somnambules.

a. Manie. On entend par manie une affection cérébrale chronique, ordinairement sans fièvre, caractérisée par la perturbation et l'exaltation de la sensibilité, de l'intelligence et de la volonté (Esquirol). Suivant Baillarger, elle a pour

symptôme capital une surexcitation générale et permanente des facultés intellectuelles et morales.

C'est l'espèce de folie la plus commune: les maniaques forment à eux seuls le cinquième environ de la population totale des asiles d'aliénés. Très rare dans l'enfance et la vieillesse, elle se montre surtout entre vingt et cinquante ans. Au point de vue etiologique, il semble, d'après Esquirol, que le printemps et l'été soient plus favorables au développement de la manie que l'automne et l'hiver; l'hérédité joue un rôle capital, et plus de la moitié des maniaques sont descendants d'aliénés, d'épileptiques ou d'alcooliques. Elle peut être idiopathique, provoquée par les chagrins, les excès de tous genres, les grands travaux intellectuels; ou symptomatique de certains états morbides bien définis, tels que l'alcoolisme, l'épilepsie, l'état puerpéral, l'hystérie, les fièvres graves.

La manie peut affecter la forme aigue ou chronique, continue ou intermittente, comme dans la folie à double forme ou folie circulaire.

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La manie aigué débute rarement d'une façon brusque; elle est presque toujours précédée d'une période prodromique variant de quelques jours à six mois (Legrand du Saulle), et caractérisée par les symptômes suivants : anxiété, inquiétudes, angoisses mal définies, pressentiments sinistres, changement de caractère, insomnie complète ou cauchemars effrayants pendant le sommeil, enfin embarras gastrique (langue saburrale, bouche pâteuse, inappétence, soif et constipation). — Au bout d'un temps variable, l'accès éclate le malade commence à s'agiter, parle sans cesse, va, vient, s'agite, se déplace; ses gestes sont animés; tout dénote un besoin incessant d'activité et de mouvement. Tous ces symptômes s'exagèrent rapidement, et la manie confirmée se traduit par une suractivité étonnante du corps et de l'esprit. « Les idées pullulent, dit Calmeil, se succèdent, se pressent avec une rapidité inconcevable, n'offrant entre elles nulle suite, nulle liaison, nul ensemble. Les mots détachés ne rappellent que des images confuses : la mémoire, n'obéissant plus qu'à une excitation maladive, évoque pêle-mêle tous les souvenirs dont l'affluence en

combre pour ainsi dire le cerveau. La volonté, sans cesse entrainée, perd tout pouvoir, et la multitude des impressions extérieures et intérieures ne peut plus se fixer sur de aucun objet. Le maniaque passe, dans la même seconde, la joie à la tristesse, de la colère à la gaieté, riant, pleurant, tempêtant tout à la fois; ses chants, ses cris, ses gestes tumultueux, sa loquacité intarissable, tout en lui dénonce une violente exaltation des centres nerveux encéphaliques. Les forces physiques sont doublées, triplées et ne semblent jamais devoir s'épuiser. Tel malade va, vient, marche à pas précipités, depuis le matin jusqu'au soir, se livre pendant des semaines et des mois entiers aux actes les plus désordonnés, sans témoigner la moindre lassitude et sans trouver le repos dans un instant de sommeil. » Son visage, pâle d'ordinaire, est animé; ses yeux s'injectent ils sont fixes ou agités de mouvements convulsifs, l'expression du regard est sinistre, la pupille dilatée; la voix a une raucité spéciale qu'on pourrait attribuer à la fatigue des organes de la parole, mais qui parait due à un trouble particulier du système nerveux, car on l'observe dès le début de l'accès; la bouche est tantôt sèche, tantôt humectée par un crachotement continuel ou un écoulement de mousse abondante; - les machoires sont parfois contractées, parfois il y a du grincement de dents; les maniaques sont malpropres, ils ont perdu complètement le respect des convenances; ils sont sales et prononcent à tout propos des paroles grossières ou érotiques. Ils reconnaissent à peine leurs parents ou leurs amis, ils ont des hallucinations et des illusions sensorielles, ils présentent une insensibilité toute particulière à l'action de la chaleur et surtout du froid (Legrand du Saulle). Le plus ordinairement, il n'y a pas de fièvre; l'appétit est irrégulier, capricieux, quelquefois vorace; mais l'amaigrissement est rapide, et la peau prend une teinte basanée.

Ces accès de manie peuvent survenir en dehors de toute excitation apparente, ou sous l'influence de la cause la plus légère; la moindre contrariété peut provoquer des accès de fureur d'une violence incroyable; le maniaque cherche à frapper, à mordre, à détruire: Calmeil cite une femme qui,

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