Images de page
PDF
ePub

DE LA MORT SUBITE.

Tourdes la définit ainsi : «‹ la cessation soudaine et rapide de la vie, par suite de causes internes ou pathologiques, en dehors de toute action mécanique ou toxique, survenant inopinément chez une personne qui paraissait en bonne santé ou dont l'état de maladie ne faisait pas actuellement prévoir une issue fatale. »

Cette question est très importante, et le médecin doit en connaitre à fond toutes les circonstances, car il peut être requis par un magistrat pour constater si une mort est réelle ou apparente, pour en reconnaitre la cause, déterminer si elle est naturelle ou accidentelle, et dans ce dernier cas, dire si elle est le résultat d'un suicide ou d'un homicide. Il devra rechercher avec soin les antécédents et s'enquérir des faits particuliers à l'accident; mais, dans la grande majorité des cas, il ne pourra se prononcer qu'après l'autopsie de l'individu. Cette autopsie, suivant Devergie, doit être pratiquée avec certaines précautions: au lieu d'enlever les organes pour les étudier à part, comme dans les nécropsies ordinaires, il faut les laisser en place, de manière à voir si leurs rapports sont conservés, se rendre compte de la quantité de sang rouge ou noir qu'ils contiennent et surtout éviter de léser les vaisseaux, etc.

Causes. — Suivant la classification proposée par Bichat, et généralement acceptée aujourd'hui, la mort subite peut arriver par arrêt des fonctions du poumon, du cerveau et du cœur, organes que Bordeu appelait le trépied de la vie.

De la mort subite par arrêt des fonctions respiratoires. C'est la cause la plus fréquente. Elle peut survenir : 1o par l'arrêt des phénomènes mécaniques, à la suite de l'introduction d'un corps étranger dans les voies respiratoires, d'un abcès volumineux ouvert dans les bronches, d'une hémoptysie considérable, d'une compression brusque du thorax et des parois abdominales, qui suspend les mouvements inspiratoires, et produit une suffocation immédiate, de la pénétration des viscères abdominaux dans la cavité thoracique, etc.; -2° par l'arrêt des phénomènes chimiques, dans la congestion

pulmonaire, cause plus fréquente qu'on ne le pense, suivant Devergie, l'apoplexie pulmonaire, l'emphysème vésiculaire (Andral) ou extra-vésiculaire (Legrand du Saulle), la pneumonie, surtout chez les vieillards (Beau, Dechambre), la pleurésie, l'œdème du poumon, la tuberculisation des ganglions bronchiques, enfin les affections purement nerveuses des voies respiratoires, comme l'asthme, le spasme de la glotte, la coqueluche (Du Castel).

Devergie a insisté tout particulièrement sur la congestion pulmonaire, qui dans ce cas présente les caractères suivants injection très prononcée de toute la muqueuse des voies aériennes depuis les bronches jusqu'au larynx, quelquefois rougeur intense; mousse écumeuse toujours sanguinolente dans la trachée et les bronches; chez les noyés, elle est blanche au contraire; arborisations vasculaires très nombreuses à la face extérieure des poumons, qui remplissent toute la cavité du thorax ; — à la coupe, le parenchyme pulmonaire est d'un rouge d'autant plus foncé qu'on arrive vers les parties profondes et déclives; les gros

vaisseaux veineux sont gorgés d'un sang noir et épais. Ici, les deux phénomènes capitaux sont l'état de plénitude des vaisseaux du poumon et la coloration vive du parenchyme pulmonaire, c'est de la congestion active, très distincte de la congestion passive, beaucoup moins accentuée, que présente le poumon des noyés.

Le cœur, et surtout le cœur droit, renferme une grande quantité de sang très fluide, de même que les veines-caves et les vaisseaux qui s'y rendent, tandis que l'aorte et ses premières divisions en contiennent très peu (Legrand du Saulle).

De la mort subite par arrêt des fonctions du cerveau. - Contrairement à l'opinion répandue dans le vulgaire, la mort subite par le cerveau (attaque d'apoplexie) est beaucoup moins fréquente que par le poumon ou le cœur. La mort peut arriver par une lésion du bulbe, de la protubérance, du cervelet, le ramollissement cérébral, des tubercules, des abcès, des kystes, un traumatisme produisant la luxation de la première vertèbre sur la seconde, l'anémie cérébrale, l'hémorrhagie cérébrale, l'hémorrhagie méningée,

la congestion cérébrale. Celle-ci est rare, suivant Legrand du Saulle.

A l'autopsie, on trouvera les lésions propres à chacune de ces affections; nous n'avons pas à les décrire ici; ajoutons seulement que la mort par le cerveau détermine une asphyxie pulmonaire secondaire, et que l'on constatera, du côté des poumons, un engorgement toujours moins considérable que celui qui est produit par la congestion pulmonaire seule; on trouvera également plus de sang dans les cavités droites du cœur que dans les cavités gauches.

De la mort subite par arrêt des fonctions du cœur. Elle peut être due soit à un trouble mécanique ou dynamique de la circulation, soit à une altération du sang. Cet arrêt des fonctions du cœur a pour conséquence la cessation des fonctions du cerveau, qui ne reçoit plus de sang, et suspend à son tour les phénomènes mécaniques et chimiques de la respiration.

Les principales causes mécaniques sont les lésions du péricarde, rares du reste, les ruptures du cœur, quelquefois sans causes appréciables, mais qui le plus souvent peuvent être dues à un amincissement avec dilatation, ou bien à une dégénérescence graisseuse des fibres musculaires (Charcot). Suivant Le Piez, la rupture du cœur est une cause relativement fréquente de mort dans la vieillesse; le ramollissement du cœur, les produits hétéromorphes (tubercules, hydatides) développés dans les parois de l'organe, les lésions. valvulaires, surtout l'insuffisance aortique, les altérations des vaisseaux (thrombose et embolie par des débris athéromateux), la dégénérescence (épaississements, indurations, dilatations anévrysmales) des vaisseaux.

Les conditions qui peuvent produire une altération du sang capable de déterminer la mort subite sont la pléthore (très rarement), une perte de sang plus ou moins abondante survenant chez une personne profondément anémiée, l'introduction de l'air dans les veines dans ce cas, suivant Ollivier (d'Angers), la mort est due au développement d'un fluide gazeux dans le sang, et à son accumulation dans le cœur; enfin l'urémie (Frerichs).

Dans les cas de mort subite par le cœur, le sang est dis

tribué partout, comme dans les conditions ordinaires, et l'on n'observe de congestions locales ni dans les poumons ni dans le cerveau. Le cœur est généralement plus volumineux qu'à l'état normal, et son poids dépasse toujours la moyenne physiologique (Tourdes).

Les circonstances déterminantes qui peuvent avoir une influence directe sur la fréquence de la mort subite sont : 1o les saisons: suivant Devergie, les morts subites sont plus fréquentes en hiver, pendant les mois les plus froids (janvier, février, mars); elles surviennent surtout par les affections pulmonaires; les morts par le cerveau ont lieu plutôt en février et en juillet; celles par le cœur sont également réparties (Lacassagne); - 2o l'age: les morts subites sont plus communes de quarante à cinquante, et de soixante à soixante-dix ans; 3o le sexe a une influence marquée : la mort subite est beaucoup plus fréquente chez l'homme 4o comme autres causes accidenque chez la femme; telles: l'intempérance, le froid, les efforts de la défécation, de l'accouchement, l'alcoolisme, l'inanition, un repas copieux, une course rapide, le coit, etc.

DE LA MORT VIOLENTE

C'est la mort produite par des causes externes, dont les principales sont les accidents, les suicides, les homicides et les supplices.

:

Accidents. Sur 1000 décès généraux, il y a 19 décès accidentels, soit 1,9 pour 100 par an; on les observe surtout aux deux extrêmes de la vie (vieillards, puis enfants).

Supplices. On compte en moyenne 20 à 30 décollations par an en France.

Suivant Casper, la mort violente peut avoir lieu de deux manières différentes: 1° par cause mécanique; le plus ordinairement, dans ce cas, la mort est subite, les causes peuvent être extrêmement variées (écroulement de maison, de murailles, d'échafaudages, écrasement par un engrenage, une roue de voiture, un chemin de fer, etc.); les plaies par armes à feu rentrent dans cette catégorie; 2o par causes

dynamiques, qui se subdivisent elles-mêmes en: a. mort par neuroparalysie, où l'on ne trouve aucune lésion sur le corps; l'autopsie est absolument négative, et l'on arrive au diagnostic de ce genre de mort par exclusion de toutes les autres causes; on l'observe souvent chez les pendus et les noyés. b. mort par inflammation, la mort survient par inflammation d'un organe important (blessures du cerveau, du poumon, du foie, des intestins), empoisonnement par des substances corrosives ou brûlures graves; c. mort par hyperémie résultant d'une stase sanguine dans les principaux viscères, comme le cerveau (apoplexie ou congestion cérébrale), le poumon, le cœur, les gros vaisseaux (asphyxie); - d. mort par anémie, dans les cas d'hémorrhagie interne ou externe, dans la mort par inanition et privation de nourriture; e. mort par dysémie ou intoxication du sang, par exemple dans les empoisonnements par l'arsenic, l'acide prussique, la plupart des alcaloides.

Nous verrons plus tard la statistique des suicides et des homicides.

EXAMEN DU CADAVRE. AUTOPSIE. INHUMATIONS.

Lorsqu'un cadavre est trouvé sur la voie publique, le commissaire de police fait appeler un médecin; si celui-ci suppose qu'il y a eu crime ou accident, il procède à un examen détaillé, mais sans faire l'autopsie, et provoque un examen ultérieur. On donne le nom de levée du cadavre à cette première opération, qui se fait à l'endroit même où le corps a été trouvé. Quant à l'autopsie, qui est ordonnée par le procureur de la République, elle se fait soit à la Morgue, soit au domicile de l'individu. Dans les cas où le corps de ce dernier est dans un état de décomposition avancée, le commissaire de police peut faire procéder immédiatement à l'autopsie.

« La levée du cadavre et l'autopsie sont donc deux opérations toutes différentes. Dans l'une, le médecin n'est autorisé qu'à examiner l'état extérieur du corps et à en tirer telles inductions qu'il jugera convenable; mais il ne

« PrécédentContinuer »