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rement gratuites et « tombent devant le fait capital que l'enfant né dans ces conditions, et mort par suite de l'abandon dans lequel il aurait été laissé, n'aurait jamais complètement respiré. »>

Les violences commises sur l'enfant peuvent-elles s'expliquer par une perversion momentanée des facultés mentales, par un délire puerperal? C'est un moyen de défense presque banal, employé journellement par les avocats pour expliquer des violences ou l'infanticide commis et avoué par la femme on prétend qu'elle était sous l'influence d'un trouble intellectuel, d'une sorte de délire résultant de l'état puerpéral, que par suite elle n'a pas eu conscience de ses actes, et qu'elle doit être considérée comme irresponsable. Nous avons vu précédemment (page 171) dans quelles limites, dans quelles conditions on peut admettre cette irresponsabilité de la femme en couches, et la folie dite puerperale. Le médecin légiste, dans des questions de ce genre, doit se tenir sur la plus grande réserve et ne se prononcer que d'après l'examen du fait en lui-même et des circonstances particulières de l'accouchement. Tardieu pense qu'il ne faut accepter que sous bénéfice d'inventaire les dires de la femme et le tableau plus ou moins imagé du délire de cette folie transitoire, retracé complaisamment par les avocats de la défense. Il peut arriver sans doute que la femme, sous l'influence d'une impulsion morbide irrésistible, tue son enfant, et les aliénistes en citent des exemples; mais, dans les cas de ce genre, dit Marcé, « le médecin légiste devra procéder à l'examen de l'état mental du sujet sans tenir aucun compte de l'accouchement récent; il devra chercher si, dans les antécédents de l'accusée, dans les circonstances qui ont accompagné le crime, il se trouve des traces manifestes d'une impulsion irrésistible ou d'une idée délirante, qui a pu modifier sa liberté morale et lui enlever la liberté de ses actes. >>

Il est encore un autre ordre de faits qui, dans les questions d'infanticide, peut donner au point de vue du diagnostic, des renseignements précieux sur les circonstances qui ont accompagné le crime commis sur le nouveau-né: nous voulons parler des taches (méconium, enduit sébacé,

sang, épiderme fœtal) et des autres traces produites par le contact du corps de l'enfant nouveau-né. Ce sujet, très important, est traité longuement dans la seconde partie de cet ouvrage par notre collaborateur M. Hétet, et nous ne pouvons mieux faire que renvoyer nos lecteurs à ce chapitre spécial.

DEUXIÈME PARTIE.

JURISPRUDENCE MÉDICALE.

CHAPITRE PREMIER.

DES MÉDECINS DANS LEURS RAPPORTS
AVEC LA JUSTICE.

Au point de vue du droit criminel, les médecins peuvent être appelés devant les tribunaux : 1° pour éclairer la justice sur des questions de leur compétence;

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2o pour répondre de leurs actes, c'est-à-dire des crimes ou délits commis dans l'exercice de leur profession. (Legrand du Saulle.)

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La première question qui se pose tout naturellement est celle-ci Quelles autorités ont le droit de requérir l'homme de l'art? Tous les fonctionnaires qui, d'après le Code d'instruction criminelle, sont chargés de faire des actes de police judiciaire ou de la poursuite des crimes et des délits, peuvent requérir l'homme de l'art. Ces fonctionnaires sont les procureurs de la République, les préfets, les juges d'instruction, en leur absence, les officiers de gendarmerie, les commissaires de police, les juges de paix, les maires ou leurs adjoints, enfin dans les débats publics, le

président qui peut requérir d'office le médecin chargé d'un rapport sur telle ou telle affaire (Briand et Chaude). Dans ce cas le médecin n'a pas à discuter la compétence de l'autorité qui le requiert et n'a qu'à obéir. Ici se pose la seconde question: L'homme de l'art est-il toujours tenu d'obtempérer à la réquisition qui lui est faite? S'il est appelé à déposer comme simple témoin, il ne peut, pas plus que tout autre citoyen, se dispenser de comparaitre et, en cas de refus, il est passible des peines prescrites par les articles 80, 304 et 305 du Code d'instruction criminelle. Dans le cas où il est appelé à donner son avis, à éclairer la justice, les auteurs ne sont pas d'accord suivant Briand et Chaudé, s'il n'y a pas urgence, lorsqu'il n'y a pas flagrant délit, le médecin peut, s'il a des motifs réels, légitimes, refuser la mission qu'on veut lui confier; dans ce cas on pourvoit à son remplacement et il n'est passible d'aucune peine; mais s'il y a urgence, flagrant délit, suivant l'expression judiciaire, il est tenu d'obtempérer à la réquisition qui lui est faite en vertu de l'article 475 du Code pénal, qui punit « d'une amende de six à dix francs ceux qui, le pouvant, auront refusé ou négligé de faire les travaux, le service ou de prêter le secours dont ils auront été requis, dans les circonstances d'accidents, de tumultes, naufrages, inondation, incendie ou autres calamités, ainsi que dans les cas de brigandages, pillage, flagrant délit, clameur publique ou d'exécution judiciaire. » Devergie admet que, dans les cas de flagrant délit, le médecin ne peut refuser son concours et doit obéir à la réquisition. Legrand du Saulle, au contraire, pose en principe qu'aucun texte de loi n'oblige le médecin; celui-ci, dit-il, « est indépendant; il reste libre dans l'exercice de son art, mais c'est cet art lui-même et non la loi qui lui commande de procéder aux investigations légales dont il est chargé. Le médecin qui, sans motif légitime, refuse d'éclairer la justice, ne peut sans doute ètre passible d'aucune peine, mais il commet un manquement à la morale et un oubli de la noblesse et de la dignité de sa profession. » La jurisprudence elle-même ne parait pas être très fixée sur cette question: ainsi, tandis que la Cour suprême de cassation de Belgique se prononce dans le sens admis par Legrand du Saulle, et, le 4 juillet 1840, casse un

arrêt qui condamnait un médecin en vertu de l'article 475, la Cour de cassation de Paris, le 18 décembre 1875, admet une opinion contraire et considère le refus de la part du médecin d'obtempérer à la réquisition de l'officier judiciaire, comme un délit punissable en vertu de l'article 475. « C'est donc pour le médecin, conclut M. Chaudé, non seulement un devoir de conscience de répondre aux réquisitions qui lui sont faites par l'autorité judiciaire et d'apporter à la justice le secours de ses lumières, mais c'est aussi, pour lui, aux termes de la jurisprudence, un devoir légal sanctionné par la loi pénale. >

La loi fait-elle dans ce cas une distinction entre les docteurs et les officiers de santé et entre les pharmaciens de première et de deuxième classe? Quid des médecins étrangers? — L'opinion actuellement admise par la jurisprudence est que les mots « officier de santé ou docteur en médecine » employés indifféremment dans les réquisitoires signifie un médecin légalement reçu, et que les magistrats peuvent choisir l'un ou l'autre en donnant, toutes les fois que la chose est possible, la préférence à un docteur en médecine. Quant aux médecins étrangers, ils peuvent être experts interprètes ou être chargés d'un rapport, d'une expertise, pourvu qu'ils soient reçus médecins par une des facultés françaises. De même, une sage-femme peut être désignée et requise pour une expertise judiciaire par les magistrats. En ce qui concerne les pharmaciens, « nul doute, disent Briand et Chaudé, que les tribunaux ne puissent choisir à leur gré un pharmacien de première ou de deuxième classe.» Mais généralement on choisit l'homme de l'art qui offre le plus de garanties de capacité, c'est-à-dire les docteurs en médecine et les pharmaciens de première classe, et encore, pour les questions de médecine légale qui exigent des connaissances spéciales et extrêmement variées, l'autorité ne confie pas à un même expert toute espèce d'expertise; ainsi elle choisira un chirurgien s'il s'agit de coups ou de blessures; coucheur en cas d'accouchement, de viol ou d'infanticide; un médecin aliéniste, pour les affaires de folie; un pharmacien ou un chimiste qui s'adjoindra au médecin, s'il s'agit d'un empoisonnement.

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