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quer aux familles comment il faut procéder. Tardieu insiste sur ce petit point de pratique, et voici ce qu'il recommande lorsque le malade est calme, mais défiant, on le fait sortir de sa maison, à l'aide d'une histoire quelconque, et on le dirige, à son insu, vers la maison de santé; quelquefois même, le médecin doit intervenir personnellement. Dans certains cas, l'aliéné ne se laisse pas convaincre : on peut alors le faire appeler devant l'autorité, sous un prétexte quelconque, et le faire conduire à l'établissement en question, par des agents ou des domestiques expérimentés, que fournissent volontiers les maisons de santé. Lorsqu'il s'agit de fous furieux, il faut de toute nécessité employer la force; on aura recours alors aux hommes habitués au service des aliénés, qui parviennent à s'en rendre maitres sans danger.

La question de sortie de l'aliéné supposé guéri, ou en état d'être rendu à la liberté, est très délicate et demande toute l'attention du médecin expert; il y a toujours à craindre des rechutes. Suivant Tardieu, cette sortie ne doit être autorisée que lorsqu'il est bien démontré qu'elle ne peut avoir aucun inconvénient ni pour le malade, ni pour la société; elle ne doit avoir lieu, en tout cas, qu'après une vérification médicale sérieuse, souvent ordonnée du reste par les tribunaux eux-mêmes.

B. DE LA CAPACITÉ DES ALIÉNÉS DANS LES DIFFÉRENTS ACTES DE LA VIE.

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Législation. Code civil. Art. 174. Lorsque l'opposition du mariage est fondée sur l'état de démence du futur époux, cette opposition, dont le tribunal pourra prononcer main-levée pure et simple, ne sera jamais reçue qu'à la charge, par l'opposant, de provoquer l'interdiction et d'y faire statuer dans le délai qui sera fixé par le jugement.

Art. 442. Ne peuvent être tuteurs ni membres des conseils de famille les interdits.

Art. 901. - Pour faire une donation entre-vifs ou un testament, il faut être sain d'esprit.

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Art. 489. Le majeur qui est dans un état habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur, doit être interdit, même lorsque cet état présente des intervalles lucides.

Art. 490. Tout parent est recevable à provoquer l'interdiction de

son parent. Il en est de même pour l'un des époux à l'égard de l'autre. Art. 491. Dans les cas de fureur, si l'interdiction n'est provoquée ni par l'époux ni par les parents, elle doit l'être par le procureur du roi (ou de la République), qui, dans les cas d'imbécillité ou de démence, peut aussi la provoquer contre un individu qui n'a ni époux, ni épouse, ni parents connus.

Art. 492. - Toute demande en interdiction sera portée devant le tribunal de première instance.

Art. 493. Les faits d'imbécillité, de démence ou de fureur sont articulés par écrit. Ceux qui poursuivront l'interdiction présenteront les témoins et les pièces.

Art. 497.

- Après le premier interrogatoire, le tribunal commettra, s'il y a lieu, un administrateur provisoire pour prendre soin de la personne et des biens du défendeur.

Art. 498.

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Le jugement, sur une demande en interdiction, ne pourra être rendu qu'à l'audience publique les parties entendues ou appelées. Art. 499.- En rejetant la demande en interdiction, le tribunal pourra néanmoins, si les circonstances l'exigent, ordonner que le défendeur ne pourra désormais plaider, transiger, emprunter, recevoir un capital mobilier, ni en donner la décharge, aliéner, ni grever ses biens d'hypothèques, sans l'assistance d'un conseil nommé par le même juge

ment.

Art. 503. - Les actes antérieurs à l'interdiction pourront être annulés si les causes de l'interdiction existaient notoirement à l'époque desdits actes.

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Art. 504. Après la mort d'un individu, les actes par lui faits ne pourront être attaqués pour cause de démence qu'autant que son interdiction aura été prononcée ou provoquée avant son décès, à moins que la preuve de la démence ne résulte de l'acte même qui est attaqué.

Art. 505. -S'il n'y a pas d'appel du jugement d'interdiction rendu en première instance, ou s'il est confirmé sur l'appel, il sera pourvu à la nomination d'un tuteur ou d'un subrogé-tuteur à l'interdit, suivant les règles prescrites au titre De la minorité, de la tutelle et de l'émancipation. L'administrateur provisoire cessera ses fonctions, et rendra compte au tuteur s'il ne l'est pas lui-même.

Art. 506. — Le mari est, de droit, le tuteur de sa femme interdite. Art. 507. La femme pourra être nommée tutrice de son mari. En ce cas, le conseil de famille réglera la forme et les conditions de l'administration, sauf le recours devant les tribunaux de la part de la femme qui se croirait lésée par l'arrêté de sa famille.

Art. 508. Nul, à l'exception des époux, des ascendants et des descendants, ne sera tenu de conserver la tutelle d'un interdit au delà de dix ans. A l'expiration de ce délai, le tuteur pourra demander et devra obtenir son remplacement.

Art. 509. L'interdit est assimilé au mineur, pour sa personne et

pour ses biens; les lois sur la tutelle des mineurs s'appliqueron à la tutelle des interdits.

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Art. 510. - Les revenus d'un interdit doivent être essentiellement employés à adoucir son sort et à accélérer sa guérison.

Selon les caractères de sa maladie et l'état de sa fortune, le conseil de famille pourra arrêter qu'il sera traité dans son domicile ou qu'il sera placé dans une maison de santé et même dans un hospice.

Art. 512. L'interdiction cesse avec les causes qui l'ont déterminée; néanmoins, la main-levée ne sera prononcée qu'en observant les formalités prescrites pour parvenir à l'interdiction, et l'interdit ne pourra reprendre l'exercice de ses droits qu'après le jugement de main-levée.

Comme on le voit par cet exposé, l'appréciation médicolégale de la capacité exige, avant tout, la constatation de l'état mental, et la loi ne peut être appliquée sans l'intervention préalable du médecin. Son rôle a ici une importance capitale, car c'est à lui de décider si l'individu possède la première condition de la vie civile, c'est-à-dire la sanité d'esprit et la plénitude de ses facultés.

Les questions qui peuvent lui être soumises sont principalement relatives à l'interdiction, au mariage, aux donations et aux testaments.

Interdiction. La demande en interdiction, portée devant le tribunal civil, doit être accompagnée d'un certificat médical destiné à constater la folie, et à éclairer en même temps le conseil de famille, dont le tribunal ordonne la réunion et réclame l'avis, avant tout acte d'instruction. Le certificat, délivré dans ces circonstances, demande de la part du médecin une attention toute particulière. « Il ne doit pas ignorer, dit Tardieu, que l'aliéné, après ces préliminaires, va être interrogé, soit en chambre du conseil, soit par un juge délégué assisté d'un membre du ministère public, et que cet interrogatoire, sur lequel repose en général le succès de l'instance, aura pour base principale le certificat du médecin et les faits qu'il énonce. Il se peut qu'une enquête soit jugée nécessaire, dans laquelle les preuves de la folie pourront être administrées par pièces ou par témoins, et où, par conséquent, trouveront place encore les documents et les témoignages médicaux. »

Suivant de Castelnau, « lorsque le médecin est arrivé à formuler en conclusions les résultats de ses recherches, au lieu

de conclure d'une manière générale, comme on le fait toujours, que telle personne est incapable de se diriger et d'administrer ses biens, il devra déterminer quelles sont les facultés qui sont perdues ou affaiblies, quelles sont celles qui sont conservées; si celles qui ne sont qu'affaiblies ou celles qui sont conservées suffisent pour permettre à l'aliéné d'apprécier les faits les plus simples et de comprendre les devoirs de la vie sociale; enfin si l'état de l'individu qu'il a examiné offre des chances de guérison, ou si, au contraire, il doit, d'après les données de la science, rester longtemps stationnaire ou s'aggraver provisoirement. »>

Suivant le texte de la loi, la demande en interdiction doit s'appuyer sur un « état habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur avec ou sans intervalle lucide. » Ces termes de la loi ont été fort discutés; on leur a reproché de n'être ni assez clairs, ni suffisamment scientifiques. On s'est demandé si le législateur a voulu définir trois états distincts, ou donner une définition technique de ces trois états. Tardieu pense qu'il a voulu désigner trois états distincts; sans quoi il eût employé un seul mot générique aliénation mentale, ou folie, ou même simplement démence. La loi s'est bien inspirée de la science, mais ne lui a pas emprunté, avec intention, son langage précis elle a voulu, suivant l'opinion de Demolombe, laisser une très large place à l'appréciation, et toute latitude au juge de prononcer suivant les particularités du fait. Tardieu se range très franchement à cette opinion, et pense que la loi a voulu soumettre à l'interdiction les diverses formes de l'insanité d'esprit, c'est-à-dire : 1o l'imbécillité, caractérisée par la faiblesse d'esprit originelle, qui, au plus haut degré, constitue l'idiotisme, le défaut de développement des facultés intellectuelles; 2o la démence, ou folie proprement dite, caractérisée par l'abolition complète ou incomplète, le plus souvent graduelle, des facultés, aboutissant ultime et fatal de la plupart des affections mentales; 3o la fureur, qui comprend les formes aiguës de l'aliénation, caractérisée par le délire furieux, l'exaltation, le désordre des idées et la violence des actes, qui rendent l'aliéné dangereux pour lui-même et pour les autres.

La loi ajoute que l'individu, pour être interdit, doit être dans un état habituel d'aliénation, voulant éliminer par là les troubles passagers de l'intelligence qui peuvent survenir, comme complication, dans le cours d'une foule de maladies aiguës. Il faut que la folie soit le fait prédominant, durable, habituel, sans admettre cependant qu'elle sera incurable; car on ne doit pas perdre de vue que l'interdiction n'a rien de définitif, et qu'elle peut être levée dès que l'état du malade l'exigera. Aussi Tardieu conseille-t-il au médecin, dans l'examen du futur interdit, « de tenir grand compte de la marche aussi bien que de la forme de la folie, de sa durée aussi bien que de sa terminaison probable, et de se garder bien de donner un avis favorable à la demande, quand il aura reconnu que la maladie est récente et vraisemblablement curable. »

La loi ajoute encore (art. 489 du Code civil) que l'interdiction devra être prononcée, même lorsque l'état habituel de la folie présente des intervalles lucides. C'est là un point délicat, qui soulève dans la pratique bien des difficultés. Que doit-on en effet entendre par ces mots intervalles lucides? Suivant Tardieu, il ne s'agit pas ici des rémissions franches, des intervalles de retour à la raison, des intermittences périodiques qui s'observent dans certaines formes de la folie, mais des rémissions passagères, des lueurs de bon sens, qui se produisent dans les maladies mentales à marche lente, ou à la suite de crises paroxystiques très aiguës. Ces intervalles lucides, plus ou moins fugaces, ne modifient en rien les fonctions générales de l'individu au point de vue de l'atteinte portée à ses facultés. Conseil judiciaire. Demi-interdits. A côté des aliénés frappés d'interdiction complète par la loi, il existe une autre catégorie d'individus qui, en vertu de l'article 499 du Code civil, ne peuvent jouir de leurs droits civils que dans certaines limites; ils peuvent bien se marier ou tester, mais ils doivent être pourvus d'un conseil judiciaire pour la gestion de leurs biens. Cette demi-interdiction, prononcée dans le droit ancien contre le prodigue ou le faible d'esprit, s'applique actuellement : 1° lorsqu'un individu, en raison de son grand age, a éprouvé un affaiblissement considérable de

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