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J'ai considéré la loi, non pas dans les livres, mais en elle-même, et comme si j'eusse été le premier à la découvrir.

On ne trouvera dans ce livre ni des théories savantes ni des systèmes orgueilleux: mais je serai récompensé de ma peine, si l'on y reconnaît un sentiment vrai de la vie, de ses biens, de ses maux, de ses devoirs; et surtout si je puis faire partager à tous ceux qui me liront ce sentiment d'humilité profonde et de religieuse épouvante sans lequel on ne doit jamais aborder le redoutable problème que nous appelons le droit de punir.

Je ne me dissimule pas combien il est hardi à moi d'avoir osé entreprendre une telle œuvre; mais j'espère qu'en considération du sentiment qui m'y a poussé, on voudra bien me pardonner les erreurs qu'on y trouvera sans doute quoique j'aie fait tous mes efforts pour les éviter.

La forme que j'ai choisie pour certains sujets paraîtra peut-être singulière à quelques-uns de mes lecteurs et, je ne dois pas me le dissimuler, aux plus sérieux d'entre eux. Je les prie de vouloir bien considérer que dans un ouvrage où j'ai pris pour devise Homo sum, je me crois autorisé, sans sortir de mes devoirs envers le public, à traiter humainement des choses humaines: si la pitié est un des apanages de l'homme, le rire aussi n'appartient qu'à l'homme, et constitue le seul moyen d'exprimer avec justesse certaines idées que lui seul peut concevoir.

Le droit de punir est un des plus grands problèmes que les sociétés nouvelles aient à résoudre pour se préparer aux destinées qui les appellent. Le moment me semble venu, pour tous ceux, juges ou législateurs, à qui leurs fonctions donnent charge d'âmes, de méditer et de se recueillir.

La vie est courte, l'homme est faible, et quiconque est investi du pouvoir de retrancher à l'un de ses semblables une heure de liberté ou de vie, doit être toujours prêt à en répondre devant sa conscience et devant l'humanité.

LES

LOIS PÉNALES DE LA FRANCE

INTRODUCTION.

SECTION Ire. DES DÉLITS ET DES PEINES EN GÉNÉRAL.

I.

Du fait punissable. Le fait punissable est désigné dans la langue du droit criminel sous le terme générique de délit; mais le législateur a établi, parmi les diverses espèces de faits punissables, des distinctions importantes.

« L'infraction que les lois punissent de peines de police est une contravention. << L'infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit. « L'infraction que les lois punissent d'une peine afflictive ou infamante est un crime» (P. art. 1or).

Le mot de «< contravention » est appliqué, par extension, à certains faits punissables de peines correctionnelles.

Il n'y a de faits punissables que ceux qui sont définis par une loi actuellement en vigueur, et qui sont punis, soit par la loi qui les incrimine, soit par une autre loi à laquelle la première se sera référée.

<< Nulle contravention, nul délit, nul crime, ne peuvent être punis de peines qui n'étaient pas prononcées par la loi avant qu'ils fussent commis » (P. art. 4). << La loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif » (N. art. 2).

« Les peines en matière criminelle sont ou afflictives et infamantes, ou seulement infamantes » (P. art. 6).

« Les peines afflictives et infamantes sont :

« La mort;

« Les travaux forcés à perpétuité;

« La déportation;

<< Les travaux forcés à temps;

La détention

<< La reclusion » (P. art. 7).

« Les peines infamantes sont :

« Le bannissement;

« La dégradation civique » (P. art. 8).

« Les peines en matière correctionnelle sont :

«L'emprisonnement à temps dans un lieu de correction;

<< L'interdiction à temps de certains droits civiques, civils ou de famille ; « L'amende » (P. art. 9).

« Le renvoi sous la surveillance spéciale de la haute police, l'amende et la confiscation, soit du corps du délit quand la propriété en appartient au condamné, soit des choses produites par le délit, soit de celles qui ont servi ou qui ont été destinées à le commettre, sont des peines communes aux matières criminelles et correctionnelles » (P. art. 11).

Les crimes sont jugés par les cours d'assises; l'individu déféré à cette juridiction est un « accusé ».

Les délits sont jugés par les tribunaux correctionnels; l'individu renvoyé devant cette juridiction s'appelle « prévenu »; la même expression s'applique à l'inculpé d'un crime, à partir du moment où a été rendue l'ordonnance du juge d'instruction qui le renvoie par-devant la chambre des mises en accusation.

Les contraventions de police sont jugées par les tribunaux de simple police ou de police municipale; l'auteur d'une contravention de police s'appelle «< inculpé ».

Indépendamment de ces juridictions ordinaires, la Constitution du 15 janvier 1852 a établi, par son art. 54, une juridiction spéciale pour juger les crimes de haute trahison et les attentats contre la personne du Souverain ou contre la sûreté de l'Etat; les individus déférés à cette juridiction s'appellent « accusés ».

La distinction entre les faits qualifiés crimes et ceux qui sont qualifiés délits ou contraventions est purement arbitraire et ne répond à aucun caractère spécifique et intrinsèque de ces faits: un acte qualifié crime n'est un crime que parce que la loi le punit de peines afflictives ou infamantes; un délit ne se distingue des crimes et des contraventions que parce que la loi l'a puni d'une peine correctionnelle, et encore des peines de cette nature sont-elles prononcées dans plusieurs cas à raison de faits qualifiés contraventions.

Enfin, les contraventions de police sont des faits punis de peines de simple police, et on ne trouverait pas davantage, en dehors de ce caractère purement arbitraire, un caractère intrinsèque propre à les distinguer absolument des délits. En général, il est vrai, la contravention de police se distingue du délit en ce qu'elle consiste dans un fait matériel, abstraction faite de toute intention coupable de la part de l'agent; mais il y a des contraventions de police qui ne peuvent pas être commises sans une volonté intentionnelle, comme, par exemple, l'injure non publique, les violences légères, le refus de secours requis, etc.; et d'un autre côté il y a des délits, tels que les blessures par imprudence, ou les contraventions de presse punies de peines correctionnelles, où le fait est punissable quoiqu'il ait été commis sans aucune intention criminelle.

D'ailleurs il faut ajouter qu'on voit tous les jours, par suite de modifications apportées à la loi pénale, des faits passer de la classe des crimes à celle des délits ou de celle des délits à celle des contraventions et réciproquement; certaines circonstances aggravantes suffisent pour transformer un délit en crime.

Enfin le principe même de l'incrimination n'est pas plus absolu, puisque certains faits cessent d'être punissables, tandis que d'autres, jusque-là licites, sont incriminés par une loi nouvelle.

De l'action publique.

II.

-Tout fait punissable donne naissance à deux actions: l'action publique et l'action civile.

«L'action pour l'application des peines n'appartient qu'aux fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi.

«L'action en réparation du dommage causé par un crime, par un délit ou par une contravention, peut être exercée par tous ceux qui ont souffert de ce dommage (art. 1 I. cr.).

« L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du pré

venu.

« L'action civile pour la réparation du dommage peut être exercée contre le prévenu et contre ses représentants.

«L'une et l'autre action s'éteignent par la prescription, ainsi qu'il est réglé au livre II, titre VII, chapitre V, de la Prescription » (art. 2, ib.).

« L'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique.

<< Elle peut aussi l'être séparément dans ce cas, l'exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile » (art. 3, ib.).

« La renonciation à l'action civile ne peut arrêter ni suspendre l'exercice de l'action publique » (art. 4, ib.).

Il est cependant certaines matières dans lesquelles les transactions arrêtent l'action publique : il en est ainsi des délits de fraude ou de contrebande en matière de contributions indirectes ou de douanes. Néanmoins, par une exception que l'intérêt de la sûreté publique a commandée, la transaction n'arrête pas les poursuites du ministère public dans le cas de détention illégale de poudre de guerre.

Les cours impériales sont investies du droit d'ordonner des poursuites dans toutes les affaires :

<< Dans toutes les affaires, les cours impériales, tant qu'elles n'auront pas décidé s'il y a lieu de prononcer la mise en accusation, pourront d'office, soit qu'il y ait ounon une instruction commencée par les premiers juges, ordonner des poursuites, se faire apporter les pièces, informer ou faire informer, et statuer ensuite ce qu'il appartiendra» (1. cr. art. 235).

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