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mettre la vie, de même l'âme a ses sanctuaires, retraite inviolable de ses facultés, de ses aspirations, de ses penchants, où la loi ne saurait pénétrer sans commettre un sacrilége moral. Là, en effet, l'œuvre de la nature est parfaite et ne comporte ni modification, ni perfectionnement; elle est absolue, et elle tient si intimement au cœur de l'homme, qu'elle est devenue une des conditions de son existence. Quand le législateur est en présence d'un de ces sentiments primordiaux de l'âme, il doit ou s'abstenir, ou se borner à sanctionner ceux des droits et des devoirs qui, dérivant de ces sentiments, se mêlent dans une certaine mesure à la vie commune et peuvent modifier, dans le père ou l'époux, par exemple, le citoyen.

C'est ce que la loi pénale française a admirablement compris. Quand on compte les nombreuses dispositions de cette loi sur ce qui touche la personne et les biens, la morale et la justice, l'administration et la politique, on peut s'étonner d'abord du peu de place qu'elle attribue à la sanction des devoirs de famille; mais quand on se rend bien compte de la nature tout intime de ces devoirs, quand on voit qu'ils se renferment dans le cercle du foyer domestique, qu'ils ont pour code le cœur du père et de la mère, pour autorité la tendresse, pour peine quelques larmes, on comprend la réserve du législateur, et l'on voit comment, quand la nature parle, l'homme doit se taire.

Il est d'autant plus utile d'insister sur ces considérations, que la loi française est généralement animée d'une tendance excessive à tout réglementer, et c'est une raison pour s'arrêter avec un redoublement d'intérêt sur les lois qui, d'ailleurs dictées par la plus haute raison et le plus profond sentiment de l'humanité, nous donnent en même temps de remarquables exemples du tact et de la réserve du législateur.

Au reste toutes les lois qui ont tenté de régir les choses de la conscience ont toujours été frappées d'impuissance ou de discrédit. Sans parler de ces législateurs anciens qui commençaient par imaginer des lois fondées sur quelques sentiments honorables, tels que le courage, le respect pour la vieillesse, l'horreur du vice, et qui étaient ensuite obligés de fabriquer des hommes en état de supporter leurs lois, on sait ce que valait le culte de l'humanité, de la vieillesse, de la raison, pompeusement proclamé dans les lois de 1793. La Chine, où le respect pour les parents est le fondement et la formule même de toute loi, de tout gouvernement, n'en est pas moins, à la confusion des hommes de génie qui l'ont si souvent citée comme modèle, le pays le plus infâme et le plus corrompu qui existe au monde. Là, sous l'influence délétère d'un gouvernement de lettrés et de philosophes, pourrissent des millions de créatures humaines, condamnées depuis trois mille ans à l'abominable comédie de la vertu, jouée par le vice.

Attaque contre les droits de la famille. - Si le législateur avait à s'imposer une grande réserve dans les dispositions pénales destinées à sanctionner les devoirs naturels de la famille, il n'y avait pas de difficulté à défendre, contre ceux qui pourraient le mettre en question, le principe même de la famille.

L'art. 2 du décret du 11 août 1848 punit d'un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de 100 fr. à 4,000 fr., avec suppression ou destruction des objets saisis ou à saisir pour assurer l'effet des condamnations, et impression

ou affiches de la décision, l'attaque faite par l'un des moyens de publication déterminés par l'art. 1er de la loi du 17 mai 1819 contre les droits de la famille.

Si le délit est commis par voie de publication dans un journal, l'amende est de 200 à 8,000 fr.

Commis sans publicité ou par un autre moyen que ceux de la loi de 1819, ce délit est impuni.

L'art. 463 du Code pénal est applicable, aux termes de l'art. 8 du décret du 11 avril 1848.

Née des excès mêmes qu'elle a pour objet de réprimer, cette loi fut reconnue nécessaire à la suite des événements de juin 1848, où le socialisme livra à la société ou plutôt, à la nature humaine, une bataille suprême et désespérée. Là, dans le sang et le massacre, dans la rage et dans la folie furieuse, on vit se dresser ce monstre nourri depuis si longtemps du fiel, du sang et de la boue dont une presse en délire l'abreuvait depuis quelques mois; on le vit, ayant un corps et une voix, pousser à la mort des milliers de malheureux, et couvrir de ruines et de cadavres, au nom de la fraternité humaine, le sol de la patrie.

Il serait aussi douloureux qu'inutile de rappeler quelles furent les doctrines. propagées à cette époque. Il nous suffira de rappeler que le principe même de la famille, avec ses affections, ses liens, ses droits, ses devoirs, tout, était non-seulement dénié, mais attaqué, avili, maudit au nom de l'humanité. On disait que la famille n'était que l'égoïsme, que l'autorité du père n'était qu'une usurpation, l'obéissance des fils, un esclavage, l'hérédité, une violation des droits de l'homme.

De pareilles monstruosités ne comportent ni examen ni réfutation. La répression pénale est la seule réponse qu'on y puisse faire: il est de ces doctrines qui ne relèvent pas de la discussion, mais de la justice criminelle.

Nous devions placer ici cette infraction, qui, ne se rapportant en particulier à aucune de celles que nous avons réunies dans les titres du présent livre, en domine le sujet tout entier, et devient comme la sanction pénale des principes généraux que nous avons exposés au commencement.

Nous allons maintenant entrer dans le détail des dispositions diverses qui sanctionnent, dans le droit civil ou dans le droit criminel, les rapports mutuels des membres de la famille.

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« L'enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère. » Tels sont les premiers mots que la loi grave au commencement du titre qui règle la puissance paternelle. Mais ces expressions mêmes d'« honneur » et de << respect » montrent assez que la loi civile ne fait ici que rappeler la loi naturelle,

non pour donner une sanction à la nature, mais pour lui demander des inspirations. Au moment d'entreprendre son œuvre, le législateur, pareil au poëte, fait une invocation aux grands principes qui vont l'inspirer; il sent combien est petite, devant la loi naturelle, la loi humaine, et il ne veut pas que celle-ci fasse oublier celle-là.

Mais, ainsi que nous l'avons exposé plus haut, l'intervention de la loi dans les relations de famille doit se restreindre aux points par où la famille se mêle à la cité: nous ne nous étonnerons donc pas de voir que les dispositions de la loi se réduisent à quelques moyens de correction contre les enfants rebelles; à certaines aggravations de peine résultant des liens de parenté entre la victime et le coupable; à l'obligation, pour les enfants et les parents, de se fournir mutuellement des aliments; enfin, à la sanction des devoirs qui naissent du mariage.

Il ne faut pas cependant considérer l'art. 371 du Code Napoléon comme une lettre morte; car si ce texte ne confère à l'ascendant aucun droit positif, il trace au juge, chargé de statuer sur les contestations entre le père et le fils, des règles obligatoires dont il ne peut s'écarter.

Ainsi le juge doit interdire à l'enfant tout acte qui serait de nature à porter atteinte à cet honneur et à ce respect qu'il doit à ses père et mère. L'enfant, même devenu majeur, ne pourra jamais intenter contre son père ou sa mère une action déshonorante; il ne pourra former opposition au mariage que l'un ou l'autre voudrait contracter; il ne pourra exercer la contrainte par corps, ni les poursuivre au criminel ou par voie correctionnelle, et son témoignage ne sera jamais reçu ni contre eux, ni en leur faveur.

De l'obligation, pour les enfants, de fournir des aliments à leurs ascendants. -A ces diverses applications du principe qui oblige l'enfant, à tout âge, à respecter et honorer ses père et mère, il convient d'ajouter l'obligation de leur fournir des aliments lorsqu'ils sont dans le besoin. Fondée sur la nécessité et sur l'affection naturelle, cette prescription de la loi se justifie d'elle-même : quelques sacrifices que la loi lui impose pour ses père et mère, l'enfant ne saura jamais leur rendre ce qu'il en a reçu.

Cependant la loi, qui n'avait à statuer que sur l'indispensable, borne son action en déclarant que «les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les reçoit» (art. 208 N.). Au reste il est reconnu sans difficulté que l'étendue des besoins ne doit pas être restreinte d'une manière absolue aux rigoureuses nécessités du vivre, du couvert et du logement, mais que la position sociale doit servir de mesure à cette appréciation.

« Lorsque celui qui fournit ou celui qui reçoit des aliments est replacé dans un état tel, que l'un ne puisse plus ou donner, ou que l'autre n'en ait plus besoin en tout ou en partie, la décharge ou réduction en peut être demandée » (art. 209 ib.).

« Si la personne qui doit fournir les aliments justifie qu'elle ne peut payer la pension alimentaire, le tribunal pourra, en connaissance de cause, ordonner qu'elle recevra dans sa demeure, qu'elle nourrira et entretiendra celui auquel elle devra des aliments» (art. 210 ib.).

Ces prescriptions de la loi n'ont point de sanction pénale, mais la loi civile en assure l'exécution. Toute instance de ce genre se termine par un jugement, dont la formule exécutoire donne le titre en vertu duquel l'exécution sera poursuivie sur les biens du débiteur.

Nous avons cru nécessaire de rappeler ici les dispositions du droit civil, comme se rattachant à la généralité de notre sujet.

Tels sont les droits qu'attribue la loi au père et à la mère sur leurs enfants majeurs. Ajoutons que l'art. 205 du Code Napoléon s'applique aussi bien aux autres ascendants qu'aux père et mère.

Si l'enfant est mineur, la loi donne aux ascendants un droit plus direct et plus efficace sur lui. D'une part, elle sanctionne par une disposition expresse l'autorité que la nature leur donne ; d'autre part, elle arme le père ou ceux qui le remplacent du droit de faire enfermer l'enfant rebelle dans une maison de correction, suivant les formes et aux conditions qu'elle détermine.

De l'autorité paternelle au point de vue de la loi.-L'enfant, suivant l'art. 372 du Code Napoléon, « reste sous l'autorité de ses père et mère jusqu'à sa majorité ou son émancipation ».

Il résulte de cette disposition que le père a un droit absolu sur la direction qu'il doit donner à l'éducation de son enfant; qu'il peut le placer où bon lui semble, et que ce droit va jusqu'à régler les rapports de l'enfant avec les autres membres de la famille. Lui seul a l'administration des biens de ses enfants pendant leur minorité, et il en a de plus la jouissance jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de dix-huit ans. En conséquence l'enfant ne peut contracter valablement aucune obligation. Enfin, pour tout résumer, l'enfant n'a rien à prétendre de ses père et mère, que des aliments.

Obligation, pour le mineur, de résider dans la maison paternelle. -L'enfant ne peut quitter la maison paternelle sans la permission de son père, si ce n'est pour enrôlement volontaire, avant l'âge de vingt ans révolus. L'obligation de résider dans la maison paternelle est une condition nécessaire de l'exercice de l'autorité du père. L'enfant qui l'aurait quitté sans autorisation devrait donc y être ramené, même par la force publique, et c'est là une sanction légale d'un droit incontestable.

Mais l'art. 374 fait une exception pour le cas où l'enfant quitte la maison paternelle par suite d'enrôlement volontaire. Dans ce cas, par une fiction sévère, l'Etat se met au lieu et place des parents, et l'admet dans ces régiments qu'on appelle une famille, où la discipline militaire fera regretter plus d'une fois les tendres sévérités du cœur paternel.

Il est encore deux cas où le mineur peut cesser d'habiter la maison paternelle : c'est lorsqu'il se marie ou lorsqu'il est émancipé. Ce n'est pas là une exception: car son mariage ou son émancipation n'ont lieu que du consentement ou de la volonté de ses parents.

Du droit de correction paternelle. « Le père qui aura des sujets de mécontentement très-graves sur la conduite d'un enfant, aura les moyens de correction suivants» (N. art. 375):

« Si l'enfant est âgé de moins de seize ans commencés, le père pourra le faire

détenir pendant un temps qui ne pourra excéder un mois; et, à cet effet, le président du tribunal d'arrondissement devra, sur sa demande, délivrer l'ordre d'arrestation» (art. 376).

« Depuis l'âge de seize ans commencés jusqu'à la majorité ou à l'émancipation, le père pourra seulement requérir la détention de son enfant pendant six mois au plus; il s'adressera au président dudit tribunal, qui, après en avoir conféré avec le procureur impérial, délivrera l'ordre d'arrestation ou le refusera, et pourra, dans le premier cas, abréger le temps de la détention requis par le père » (art. 377).

« Il n'y aura, dans l'un et l'autre cas, aucune écriture ni formalité judiciaire, si ce n'est l'ordre même d'arrestation, dans lequel les motifs n'en seront pas énoncés.

« Le père sera seulement tenu de souscrire une soumission de payer tous les frais, et de fournir les aliments convenables » (art. 378).

« Le père sera toujours maître d'abréger la durée de la détention par lui ordonnée ou requise. Si, après sa sortie, l'enfant tombe dans de nouveaux écarts, la détention pourra être de nouveau ordonnée de la manière prescrite aux articles précédents » (art. 379).

Ainsi, pour l'exercice du droit de correction, il faut que le père ait des motifs très-graves de mécontentement contre son fils.

Si l'enfant a moins de seize ans, c'est le président du tribunal civil seul qui délivre l'ordre d'arrestation. Ici remarquons que le pouvoir du père est absolu, et que le président, s'il lui est démontré que les motifs de mécontentement sont trèsgraves, « devra » délivrer l'ordre. Dans ce cas la détention ne peut excéder un mois.

Si l'enfant a plus de seize ans, la durée de la détention peut aller jusqu'à six mois, mais elle ne peut être ordonnée par le président qu'après en avoir conféré avec le procureur impérial et, de plus, il peut l'accorder, la refuser, ou quand il l'accorde, abréger le temps de détention requis par le père.

Tels sont les droits du père, qui « seul exerce l'autorité durant le mariage », aux termes de l'art. 373.

Mais le père, pendant le mariage, peut être hors d'état d'exercer la puissance paternelle : l'absence, l'incapacité résultant soit d'un jugement d'interdiction, soit d'une condamnation judiciaire, l'impossibilité d'exprimer sa volonté, l'état de démence ou d'imbécillité, sont autant d'empêchements à l'exercice de ce droit, qui passe alors à la mère.

La mère, en cas d'empêchement du père, exercera donc le droit de correcon. Mais il n'est pas douteux que le concours des deux plus proches parents de enfant ne soit exigé, et qu'elle ne doive agir par voie de réquisition, conformément à l'art. 377. L'art. 381, qui oblige à ces conditions la mère survivante non remariée, doit trouver ici son application, puisqu'au fond la situation est la

même.

Si la mère est frappée, en même temps que le père, d'une des incapacités que nous venons d'énumérer, la puissance paternelle passera aux ascendants, à qui

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